La Fédération des cégeps démissionne aussi devant l’anglais

André Campagna | Le Devoir

 

En 1994-1995, la Fédération des cégeps s’opposait à la création par le gouvernement Parizeau d’un cégep de langue française dans le « West Island ». Ce qu’avait aussi rejeté précédemment le gouvernement libéral.

L’an passé, cette même Fédération s’opposait à des mesures en débat au Parti québécois concernant le réseau des cégeps pour favoriser la langue et la culture québécoise de langue française.

Et la Fédération des cégeps a, bien sûr, toujours de bonnes raisons. En 2017, c’est la liberté de choix, comme l’avaient crié sur tous les tons la minorité anglophone et d’autres, il y a quarante ans, lors du débat entourant la loi 101.

L’âge normal d’un cégépien en première année d’études est 17 ans, il n’est pas encore un adulte. Pourquoi ne pas lui appliquer aussi la loi 101 ?

En 1994-1995, la raison était le financement de l’enseignement collégial. La Fédération cégeps ne voulait pas partager son enveloppe avec un 48e collège pour les Québécois de langue française en situation minoritaire (30 %) dans l’Ouest-de-l’Île à Montréal.

L’été passé, un directeur des études d’un cégep de Montréal me faisait savoir combien les collèges francophones de la région de Montréal souffraient financièrement d’une baisse de clientèle ces dernières années alors que les cégeps anglophones débordaient. Ayant quitté le réseau collégial depuis plusieurs années, j’étais surpris de l’apprendre. Comment comprendre que la Fédération des cégeps, qui ne pouvait que le savoir fort bien, n’a pas cru bon, cette fois, de faire une sortie dans les médias sur cette question des plus préoccupantes pour la majorité de ses membres ?

À l’hiver 2017, les médias nous ont par ailleurs informés que le Collège de Bois-de-Boulogne, un des fleurons du réseau pour la qualité de sa formation, envisageait d’offrir un DEC (diplôme d’études collégial) en anglais pour atténuer son grave problème de financement. La Fédération des cégeps n’a pas, à nouveau, cru bon de prendre position.

Le groupe linguistique minoritaire au Québec et majoritaire en Amérique du Nord (98 %) aurait-il donc plus de pouvoir d’influence sur une fédération qui compte 43 cégeps francophones parmi ses 48 membres ? Certains se demanderont certes si le groupe majoritaire de ces institutions d’enseignement supérieur souffre du complexe du colonisé. Un bon sujet de réflexion à l’occasion de notre Fête nationale dans quelques jours.

 

André Campagna,
directeur des études du Collège de Bois-de-Boulogne (1978-1996),
directeur général fondateur du cégep Gérald-Godin (1996-2001)
et président fondateur de la salle Pauline-Julien (1997-2001)

 

 

 

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