La militante Christiane Sibillotte est décédée à 101 ans

Jean-François Nadeau | Le Devoir

Religieuse, pharmacienne, socialiste, féministe et indépendantiste, Christiane Sibillotte est décédée à l’âge de 101 ans.

Elle participe en 1982 à la fondation du Mouvement socialiste du Québec (MSQ), sous la direction de l’ex-syndicaliste Marcel Pépin. Le MSQ entend favoriser l’indépendance du Québec, la justice sociale et l’égalité entre les hommes et les femmes. Une des âmes dirigeantes du mouvement, soeur Sibillotte, se fera élire à l’exécutif, à titre de trésorière. À son sujet, Pépin dira qu’il s’agit d’une des femmes les plus exceptionnelles qu’il ait rencontrées.

En 1995, en prévision du référendum sur la souveraineté du Québec, elle agit à titre de porte-parole du Regroupement des religieux et des religieuses pour le Oui. « C’est en s’engageant qu’on va finir par avoir la société qu’on veut ! » clame-t-elle, tout en réclamant un changement social radical.

Le 26 mai de la même année, elle est la plus vieille participante à entreprendre et terminer les 250 km de la marche Du pain et des roses afin d’affirmer le droit des femmes. « Dans le travail qu’on faisait, on voyait bien que les femmes étaient abandonnées, mal servies », explique-t-elle en 2016.

En 2012, elle appuie les étudiants dans leur bras de fer contre le gouvernement. Présente à la manifestation historique du 22 mars, elle déclare : « L’éducation, c’est vraiment l’avenir du Québec, alors c’est impensable de créer des conditions qui empêchent les étudiants de familles défavorisées de fréquenter l’université. »

 

Féministe anticapitaliste

De 1973 à 1995, soeur Sibillotte est pharmacienne à la Pharmacie populaire de Pointe-Saint-Charles. Cette pharmacie propose l’abolition des marges de profit et la diffusion de la connaissance la plus large possible en vue de contrer l’usage abusif des médicaments. Elle dénonce l’exploitation des compagnies pharmaceutiques, selon le principe que le système capitaliste n’a pas à profiter aussi de la santé des gens. Des pharmacies semblables ouvriront aussi dans les quartiers Saint-Henri et Rosemont.

Jean Thibault, le directeur-fondateur de cette pharmacie, résumait en 1978 le but ultime de cette structure : « lutter par tous les moyens contre l’exploitation du système capitaliste, et le dénoncer à chaque occasion ».

Comme ses camarades de ces pharmacies, Christiane Sibillotte favorise une prise en charge collective de la santé.

Pourquoi s’engager dans l’un des quartiers les plus défavorisés de Montréal ? Au journaliste François Gloutnay, elle répond en 2016 : « L’Évangile, c’est pour les pauvres. Ce n’est pas pour les riches. »

« Les pauvres, les sidéens, les assistés sociaux, les prostituées, les démunis, les exclus demandent de l’amour et ont besoin, avant tout, de notre solidarité », disait-elle. La religieuse a notamment milité en faveur de Centraide et de la maison de vacances coopératives La Botte de foin.

 

Née en France le 18 avril 1916, Christiane Sibillotte a obtenu son diplôme en pharmacie à l’âge de 22 ans à l’Université de Paris. Elle voulait devenir médecin, mais son oncle qui l’était lui dit que ce n’était pas la place d’une femme.

En 1939, alors que le parfum de la guerre monte partout en Europe, elle entre au noviciat des Soeurs auxiliatrices à Versailles. Elle prononce ses voeux en 1941.

En 1949, sa congrégation lui demande d’établir une résidence permanente au Québec. Elle souhaite plutôt partir pour la Chine, mais elle fait partie des cinq premières femmes de sa communauté à s’installer à Granby.

Comme le bâtiment occupé là par les auxiliatrices se trouve loin de la population pauvre qu’elle entend servir, soeur Sibillotte demande la permission à l’évêque d’y aller à bicyclette. « Les gens s’amusaient beaucoup de nous voir ainsi, avec nos grandes robes », dit-elle au magazine religieux Présence. Même âgée, elle continuait à utiliser son vélo.

Christiane Sibillotte est décédée le 22 décembre. Ses funérailles auront lieu ce samedi 6 janvier à l’église de la Communauté chrétienne Saint-Albert-le-Grand, chemin de Côte-Sainte-Catherine, à Montréal.

 

 

 

SOURCE