Michel David | Le Devoir –
La députée de Saint-Laurent, Marwah Rizqy, porte-parole du PLQ en matière d’éducation, en a surpris plusieurs vendredi quand elle a dénoncé l’envahissement des universités de langue française par l’anglais.
« Le risque de bilinguisation de nos établissements d’enseignement supérieur francophones est bien réel. Des cours qui devaient se donner en français sont donnés en anglais. Nos étudiants qui ont le droit d’obtenir un enseignement de qualité en langue française reçoivent désormais des cours en anglais dans une université francophone », s’est indignée Mme Rizqy.
Cela faisait bien 30 ans qu’on n’avait pas entendu un élu libéral se porter aussi vigoureusement à la défense du français. Pour certains, la loi 178, que le gouvernement avait fait adopter pour maintenir la règle de l’unilinguisme français dans l’affichage commercial, semble être un épisode honteux à oublier. Philippe Couillard ne cessait de répéter que le français se portait à merveille au Québec.
La députée de Saint-Laurent faisait écho au cri d’alarme lancé par une étudiante de l’Université de Montréal, où ce glissement vers l’anglais est particulièrement frappant. Selon la Fédération des associations étudiantes du campus de l’Université de Montréal (FAECUM), « il est de plus en plus fréquent de retrouver des ressources en anglais, parfois dès la première année de baccalauréat, ainsi que des cours aux cycles supérieurs ».
Cette pratique risque maintenant de s’étendre à d’autres universités. En septembre dernier, la rectrice de l’Université Laval, Sophie D’Amours, reconnaissait que son institution envisageait également d’offrir davantage de cours en anglais afin d’attirer les étudiants étrangers.
Ce n’est pas d’hier qu’on s’inquiète de l’anglicisation de l’éducation postsecondaire, tant dans les cégeps, où les diplômes d’études collégiales bilingues se multiplient, qu’à l’université. En 2012, la création d’un MBA uniquement en anglais à HEC Montréal avait soulevé un tollé. L’Université Laval offrait déjà un programme intitulé « Global Business », qu’il est possible de suivre uniquement en anglais.
Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a cependant eu beau jeu de répliquer à Mme Rizqy que le gouvernement Couillard a provoqué une accélération du phénomène en adoptant une nouvelle formule de financement des universités, qui prévoit une déréglementation totale des droits de scolarité imposés aux étudiants étrangers à compter de l’année 2019-2020, sans prévoir de mesure pour garantir le caractère français des universités. « Il est venu en quelque sorte mettre de la pression sur l’université francophone pour se bilinguiser », a-t-il expliqué.
Les étudiants étrangers deviennent une véritable mine d’or pour les universités. Elles feront tout pour les attirer, notamment créer des programmes en anglais, qui sont les plus recherchés.
Qui plus est, cette déréglementation favorisera nettement les universités de langue anglaise qui sont déjà surfinancées par rapport au poids démographique de la communauté anglophone de souche.
Dans une étude publiée en octobre dernier, l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) estimait que la nouvelle politique augmenterait de 16,84 % les revenus de l’Université McGill, de 19,20 % ceux de Concordia et de 18,33 % ceux de Bishop’s. Du côté francophone, les hausses prévues sont les suivantes : 11,50 % à l’Université de Montréal, 9,02 % à Laval, 7,15 % à l’UQAM et à l’UQAC.
Le ministre de l’Éducation a promis d’apporter des « correctifs importants et nécessaires ». On peut toutefois se demander dans quelle mesure la sortie de Mme Rizqy annonce réellement un changement de cap sur la question linguistique au PLQ. Il est bien connu qu’une hirondelle ne fait pas le printemps.
Au lendemain de la dernière élection, plusieurs libéraux ont souligné la nécessité de renouer avec la tradition nationaliste des Jean Lesage et Robert Bourassa, mais la grande majorité des rescapés du 1er octobre ont été élus grâce à l’appui des non-francophones.
Pour le moment, le PLQ ne semble pas disposé à manifester une plus grande sensibilité aux préoccupations identitaires des francophones dans le dossier de la laïcité. En ira-t-il autrement sur la question de la langue ?
On pourrait le savoir bientôt. La ministre responsable de la Charte de la langue française, Nathalie Roy, a indiqué vendredi que le gouvernement Legault entend se montrer plus vigilant en ce qui concerne l’affichage.
« Actuellement, on voit une prolifération des affiches en anglais seulement, c’est inadmissible. C’est le visage même de Montréal du Québec qui est ici touché », a déclaré Mme Roy.
Une application plus rigoureuse des dispositions de la loi 101 risque de provoquer des réactions négatives dans la communauté anglophone. Les libéraux vont-ils reconnaître une réalité qu’ils nient depuis des années ou crier au nationalisme ethnique ?