Langue: la grande confusion (texte de Richard Martineau dans le Journal de Montréal)

J’ai reçu plusieurs courriels concernant mes récentes prises de position sur le français.

En voici un, qui résume parfaitement le point de vue de plusieurs personnes qui m’ont écrit ces derniers jours.

(Mise en contexte : ce lecteur m’a envoyé son courriel en réaction à une discussion que j’ai eue avec le politologue Christian Dufour et le président du Mouvement Québec français, Mario Beaulieu, à l’émission d’affaires publiques que j’anime à LCN.)

LANGUE FOURCHUE

« Primo, on est entourer d’anglais, on est minoritaire. Secondo aller faire un tour a huntington, et voyez la réalité du village (aller aussi a lennoxville et a richmond) et contater que si tu parle pas anglais, tu es légèrement dans le trouble (si tu veut communiquer). Tertio, vous me faite chier les ayatollah de la langue française, fait moi pas coller que tu parle pas anglais Martineau, tu es journaliste, et ta eu a interroger plusieurs personnes anglaise.

« Mes deux enfants sont bilingue (15 & 18 ans), alors bonne émission avec tes invités extrémiste qui ont aucune jugeote, laisser le petit peuple québecois êtres ignorant et étroit d’esprit, l’olf remplace bien le clergé dans ce domaine.

« En passant je suis revenue a Montréal travailler dans l’aéronautique, et laisse moi te dire que si je n’aurait pas parlé anglais, je serais sur le b.s. »

L’INVASION DES AYATOLLAHS

Vous avez vu le nombre de fautes grossières contenues dans cette courte lettre ?

Hallucinant ! Après 15, j’ai arrêté de compter.

Le gars nous dit que nous sommes trop pointilleux sur la protection du français alors qu’il ne maîtrise même pas sa propre langue ! Si ce n’est pas être colonisé…

On nous parle toujours des « ayatollahs » de la langue. Ils sont où ? À l’école ? Certainement pas, même les futurs profs ne maîtrisent pas le français.

Au ministère de l’Éducation ? Encore moins, on veut imposer l’apprentissage intensif de l’anglais en sixième année alors que les jeunes francophones ont de la difficulté à écrire trois mots sans faire de fautes.

Dans la rue ? Soyons sérieux… Les commerces qui contreviennent à la loi 101 sont légion, ils bafouent même la charte dans le comté de Christine Saint-Pierre !

Désolé, mais les seuls « ayatollahs » que j’entends, ces temps-ci, sont ceux du bilinguisme institutionnel à tout prix.

Quand vous dites que même Lysiane Gagnon, qui n’est quand même pas une « patriote suceuse de babiche », se scandalise de voir nos institutions s’angliciser, c’est qu’il y a un problème !

TV-QWÉBEC

Plusieurs lecteurs m’ont écrit pour me dire qu’ils ne voient pas de problème à ce que les HEC et l’Université Laval offrent un programme 100 % en anglais. « Ça va leur permettre d’attirer la clientèle anglophone », expliquent-ils.

Est-ce à dire que Télé-Québec devrait diffuser des émissions en anglais pour que les anglophones cessent de regarder PBS ou la CBC ? On arrête ça où ?

À entendre certaines personnes, ce n’est pas suffisant de financer à coups de millions de dollars des universités et des hôpitaux anglophones. Il faudrait aussi que les institutions francophones « s’ouvrent à l’anglais » et soient bilingues.

C’est ce qu’on appelle « baisser ses culottes, se mettre à quatre pattes et fournir le lubrifiant »…

Source : JOURNAL DE MONTRÉAL, PUBLIÉ LE: DIMANCHE 11 MARS 2012