Le français, souvent «une langue sur deux», rue Sainte-Catherine Ouest

Bahador Zabihiyan  |  ICI RADIO CANADA

 

Dans la foulée de la controverse entourant l’utilisation du français comme « accommodement » par le gérant de la boutique Adidas du centre-ville de Montréal, nous avons demandé au président de la Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB), Maxime Laporte, de venir faire une petite tournée des boutiques de la rue Sainte-Catherine Ouest pour voir si l’anglais y domine.

Maxime Laporte dénonce régulièrement ce qu’il perçoit comme l’anglicisation à outrance de ce secteur commercial de la métropole.

Actualité oblige, nous nous arrêtons d’abord au magasin Adidas. Il y a foule à l’intérieur de la boutique, malgré les appels au boycottage lancés sur les réseaux sociaux après la controverse.

« Coffee today? On offre le café! » dit le jeune vendeur qui accueille M. Laporte à l’entrée de la boutique. Il nous salue en indiquant qu’il y a du café gratuit – d’abord en anglais, puis en français.

Dans le magasin, les vendeurs parlent les deux langues. Au comptoir à café, justement, la commis prend la commande de Maxime Laporte en anglais, avant d’opter pour le français lorsque l’homme lui répond dans la langue de Félix Leclerc.

À la sortie du magasin, le même jeune homme salue désormais les clients en français seulement. Il faut dire que les employés semblent avoir reconnu la présence du président de la SSJB, très présent dans les médias ces derniers jours. Nous remarquons que les affiches sont en français à l’intérieur.

M. Laporte est loin d’être convaincu par son expérience. « Adidas n’en a rien à cirer de la langue française comme langue de commerce », tranche-t-il. Il estime que les employés auraient dû parler seulement en français aux clients.

Dans une déclaration transmise vendredi soir aux médias, Adidas Canada a présenté ses excuses pour le tollé suscité, affirmant que l’entreprise s’est engagée à « respecter la culture, les coutumes et les langues de chaque ville et pays dans lesquels [elle réside] ».

Le président de la Société Saint-Jean-Baptiste, Maxime Laporte, devant la boutique Adidas sur la rue Sainte-Catherine à Montréal Photo : Radio-Canada/Bahador Zabihiyan

Il y a moins de clients chez un autre détaillant de chaussures et d’articles de sport, mais davantage de français. L’affichage à l’entrée, par exemple, est dans la langue officielle du Québec. « C’est remarquable », dit Maxime Laporte, qui regarde les pancartes affichant « Vendredi fou » et « Célébrez votre forme ».

À l’intérieur, l’employé salue avec un « hi, bonjour », ce que déplore M. Laporte.

« C’est une pratique qui est presque généralisée au centre-ville. […] C’est une spécificité montréalaise, dit-il. Mais à l’intérieur de la boutique, tout est en français », se réjouit le président de la SSJB. À la sortie, l’employé salue M. Laporte en français seulement.

« Washed jeans »

À l’entrée d’un magasin d’une marque de prêt-à-porter américaine, le logo indique « washed jeans ». « Ça augure moins bien », dit Maxime Laporte. Les clients sont accueillis avec un « bonjour, hi ».

« Il n’y a pas de collection pour les hommes », indique la vendeuse, en anglais, surprise de voir deux hommes visiter cette boutique de vêtements pour femmes.

M. Laporte lui répond en français, et le reste de la courte conversation se déroule dans cette langue.

« Elle m’a dit quelques mots, j’ai répondu en anglais; là, ils passent au français », dit le président de la SSJB. Il déplore que les employées semblent parler entre elles principalement en anglais.

« English? French? » demande la vendeuse à l’entrée d’un autre magasin, cette fois d’un designer italien. La jeune femme se met à parler français, comprenant que Maxime Laporte est francophone.

Au Québec, le commerce doit se faire en français. […] Normalement, ce n’est pas supposé être bilingue.

Maxime Laporte, président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal

« Never stop exploring »

Chez un détaillant d’articles de plein air américain, Maxime Laporte est salué en français à son arrivée. Les affiches promotionnelles sont en français, sauf un grand panneau au milieu du magasin, sur lequel on lit : « Never stop exploring ». C’est une marque de commerce qui n’a pas besoin d’être francisée.

L’accueil est en français, mais les relations de travail sont « bilinguisées », alors que les employés devraient seulement s’exprimer en français entre eux, soutient le président de la SSJB.

Dans une boutique de vêtements pour ados dont le nom est en anglais, les employés s’expriment en français et en anglais entre eux. Les panneaux sont en français, se réjouit M. Laporte. « Ici, on a francisé Black Friday en Vendredi fou », se réjouit-il.

Chez un autre vendeur de vêtements pour ados dont le nom est aussi en anglais, les affiches sont toutes en français, et l’employé à l’entrée salue avec un « bonjour ».

« Étonnamment, les panneaux publicitaires à l’intérieur du magasin sont uniquement en français, se réjouit Maxime Laporte. Je suis surpris, quand même, qu’ils aient francisé « Black Friday« ; je pense que c’est la pratique, de plus en plus. »

Dans un grand magasin de luxe de la rue Sainte-Catherine Ouest, la première employée nous salue d’un « bonjour » dans le rayon parfumerie. À l’étage des vêtements, un autre vendeur s’adresse à nous en anglais. Une troisième vendeuse – dont le français n’est pas la langue maternelle, selon toute vraisemblance – s’adresse à M. Laporte en français seulement. « Vous cherchez quelque chose? » demande-t-elle.

Tout n’est pas blanc ou noir. La dame à qui on a parlé, elle est exemplaire […] Elle a visiblement un peu de difficulté à s’exprimer en français, mais elle le fait quand même.

Maxime Laporte, président de la SSJB

Dans une boutique de téléphones intelligents et ordinateurs, l’accueil est en français seulement. L’interaction avec les vendeurs aussi. C’est de la musique aux oreilles de M. Laporte. « On voit qu’ils ont pris sans doute les moyens pour respecter ça », dit-il.

Black Friday Now

Dans la boutique d’une célèbre marque montréalaise, des panneaux unilingues « Black Friday Sale » et « Black Friday Now » sont dans la vitrine, sans leur équivalent en français. L’accueil se fait en français, avec un « bonjour ».

Un peu plus loin, une autre boutique affiche des slogans promotionnels en anglais seulement. « Samples » , « Sales », « 75 % off », lit-on en majuscules sur la vitrine.

Dans un magasin de vêtements de style « hip-hop », M. Laporte est accueilli par un « hi » seulement, et les employés s’expriment entre eux principalement dans la langue de Kanye West.

La rue Sainte-Catherine Ouest est bilingue, alors qu’elle devrait être unilingue francophone, résume le président de la SSJB.

On relègue le français, ne serait-ce que symboliquement, comme étant une langue sur deux, alors que c’est supposé être la langue commune.

Maxime Laporte, président de la SSJB