Mathieu Boulay | Journal de Montréal
GANGNEUNG | Dans le hockey d’aujourd’hui, il n’est pas rare que le français soit bafoué au profit de l’anglais. On en a eu une autre preuve dans les dernières heures aux Jeux de Pyeongchang.
Tout a commencé lors du premier match du Canada à l’aréna de Gangneung. C’est le Québécois et descripteur à TVA Sports Sébastien Goulet qui est l’annonceur maison des rencontres dans cet amphithéâtre.
Comme il le fait lorsqu’il remplace Michel Lacroix au Centre Bell, il a mis un accent francophone pour les noms d’origine latine. On parle ici de Kevin Poulin, Maxim Lapierre, Maxim Noreau, Marc-André
Gragnani, Derek Roy et Rene Bourque.
Toutefois, un des dirigeants de Hockey Canada, Bayne Pettinger, n’a pas aimé que Goulet donne une consonance francophone à ceux de Gragnani, Roy et Bourque. Ça lui chatouillait l’oreille, semble-t-il…
« Pour la deuxième rencontre à l’aréna de Gangneung, on m’a demandé d’angliciser ces trois noms de famille à la demande de Hockey Canada », a raconté Goulet lors d’un échange avec le représentant du Journal de Montréal pendant le match entre la formation canadienne et la Corée.
En fait, il a été rappelé à l’ordre par un responsable de la Fédération internationale de hockey sur glace (IIHF) après avoir reçu les doléances du monsieur de Hockey Canada. Puis, celui-ci est revenu à la charge pour être sûr que le message s’était bien rendu aux oreilles du Québécois.
« C’est de la manière qu’on veut qu’on les nomme », a-t-il indiqué à Goulet sur un ton agacé.
Pardon ? Depuis quand un dirigeant d’une fédération sportive a-t-il le droit d’interpeller un annonceur sur sa façon de prononcer le nom de ses athlètes ? C’est la première fois en 17 ans de carrière que j’entends pareille connerie.
Pour votre information, lorsqu’ils venaient au Centre Bell durant leur carrière dans la LNH, Roy, Gragnani et Bourque n’ont jamais été prononcés à l’anglaise. Pourquoi cette règle changerait-elle aux Jeux olympiques, surtout avec un Québécois derrière le micro ? Voyons donc !
Sans compter que la langue première du CIO est le français même si maintenant, elle n’est utilisée qu’aux cérémonies de médailles.
Gragnani surpris
Marc-André Gragnani est né à L’Île-Bizard et il a grandi à Montréal. Il a joué son hockey mineur dans l’ouest de la Métropole. Gragnani est d’origine italienne et se prononce à la française.
J’ai vérifié auprès du principal intéressé après sa rencontre contre la Corée. Tout d’abord, il m’a confirmé qu’il n’a jamais fait la demande à Hockey Canada pour qu’on prononce son nom de famille à l’anglaise. Puis, il a ajouté que ça se prononce comme on le dit sans accent anglais.
« Je ne pense pas à ces affaires-là. Je suis concentré sur ce que je fais sur la glace et je n’ai pas le temps de m’attarder si on dit mon nom comme il faut. »
Puis, j’ai demandé au responsable des relations médias de Hockey Canada, Mark Halliday, si la requête à l’attention de Goulet venait de lui. Il m’a dit qu’il n’était pas au courant de cette demande venant de son collègue.
Il ajoute : « Gragnani, ça se dit comme ça se prononce. »
Pas la première fois
Hockey Canada semble parfois à avoir de la difficulté à respecter la langue française même si son organisation compte sur la présence de quelques Québécois au sein de son organigramme.
Hier, ce n’était pas la première fois que notre fédération canadienne de hockey faisait un faux pas dans ce domaine. On se souvient du Championnat mondial de hockey junior en 2017 où l’anglais était la seule langue permise dans le vestiaire malgré la présence de sept joueurs et deux entraîneurs francophones. Une décision des deux instructeurs de chez nous. L’histoire, qui avait fait couler beaucoup d’encre, s’était même rendue au bureau de l’office des langues officielles.
Il serait temps que Sports Canada, qui est sous la supervision de la ministre fédérale Kirsty Duncan et de sa patronne à Patrimoine Canada, Mélanie Joly, mette ses culottes avec Hockey Canada. Je veux bien croire que c’est la fédération la plus puissante dans notre beau grand pays, mais il y a une limite à lever le nez sur l’une des deux langues officielles.
La colonisation, est-ce qu’on peut garder cela chez nous ?