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Le monde selon Richard Bain, selon le monde

<Le monde selon Richard Bain>, selon le monde médiatique québécois


Alors que débute ces jours-ci le procès du politicopathe fédéraliste Richard Henry Bain, près de quatre ans après l’attentat meurtrier du Métropolis commis le soir des élections de 2012 alors que Pauline Marois prononçait son discours de victoire entourée de centaines de militants péquistes, je crois qu’il y a lieu de rompre cette espèce de tabou qui paraît gêner toute volonté de mise en lumière des implications manifestement politiques de ce terrible événement.

 

Dans son texte du 6 juin dernier, le blogueur Steve E. Fortin a raison de souligner que si un même acte eût été commis par un fanatique séparatiste du nom de Richard-Henri Aubin à l’occasion d’un rassemblement du Parti libéral, on n’aurait sans doute pas manqué de le dépeindre comme un terroriste et d’en profiter pour faire le procès de l’ensemble du mouvement indépendantiste, comme cela s’est vu par le passé…

Or, je me permets de publier plus bas les résultats d’une petite recherche effectuée pendant mes études de maîtrise concernant le traitement médiatique et politique de la tuerie du 4 septembre 2012 au Métropolis.

Le but de cette recherche consistait à saisir les différentes manières dont l’affaire Bain a été narrée et commentée par les différents acteurs politico-médiatiques du Québec au cours des premiers mois suivant l’événement, selon leur appartenance linguistique et le rôle qu’ils occupent au sein de notre structure sociale et politique.

Voici en résumé ce qui est ressorti de ce travail sans prétention.

Simplement, dans ce qu’on a généralement cherché à « faire penser » au sujet de l’affaire Bain, on perçoit deux grandes tendances : l’une consistant à politiser les faits, et l’autre qui s’applique à les dépolitiser. Quant à ce qu’on a cherché à « faire faire » à la suite de l’incident, cela s’est essentiellement résumé à des appels au recueillement, au rassemblement, à la « prière », par-delà les appartenances linguistiques ou politiques, notamment pour honorer la mémoire de la victime Denis Blanchette, non sans raison bien sûr. Malgré tout, quelques rares voix discordantes ont quand même saisi l’occasion pour encourager la tenue d’une discussion franche sur la question des tensions politiques au Québec, mais celles-ci n’ont pas trouvé grand écho.

Dans le récit anglophone de l’affaire Bain, environ les deux tiers des productions médiatiques recensées entre le 4 septembre et le 20 décembre 2012 présentaient les événements comme étant plutôt non-politiques.

Pour ce qui est des documents émanant de la sphère médiatique francophone pour la même période, c’était carrément le contraire : dans le corpus étudié, 71,74% des énonciateurs y voyaient un événement plutôt politique, mais le plus souvent de manière implicite, voire involontaire. En réalité, le nombre de journalistes, chroniqueurs ou autres commentateurs ayant fourni une analyse explicitement sociopolitique des événements se révèle plutôt faible.

De manière générale, on a l’impression que pour plusieurs, ne serait-ce que réfléchir aux actes criminels posés présumément par Richard Henry Bain en termes d’implications ou de déterminations sociopolitiques, se révèle anxiogène. On ne veut surtout pas risquer de bousculer la paix sociale, linguistique et politique, autant dire le statu quo ou l’ordre établi des choses. Alors on se tait ou on se convainc que l’accusé, même s’il a multiplié les déclarations politiquement incendiaires, est un détraqué sorti entièrement de nulle part, en-dehors de toute matérialité sociale ou politique…

Voici donc quelques extraits de la recherche en question.

*****

Introduction
Le 6 décembre 1989, Marc Lépine assassine 13 étudiantes et une employée de l’École polytechnique avant de s’enlever la vie. Le fait que toutes les victimes sont de sexe féminin n’a rien d’un hasard : Lépine nourrissait une haine envers les femmes, haine qui s’est révélée sous plusieurs aspects du drame.

À la suite de la fusillade, une controverse a éclaté quant au sens à donner à cet événement. La vaste majorité des commentateurs-trices y ont vu l’acte d’un fou, d’un maniaque, d’un désespéré ; un geste isolé, absurde, incompréhensible. D’aucuns ont voulu pleurer les disparues à l’abri du politique ou de toute récupération idéologique. D’autres, enfin, des intellectuels-les issus-es des milieux progressistes et surtout féministes, ont jugé bon de s’interroger sur les déterminants sociopolitiques à l’origine de cette tragédie[1][2]. Certains-nes ont osé soulever la question de la violence envers les femmes, de la misogynie sociale, de la culture machiste et réactionnaire face à l’émancipation féminine, et du système patriarcal comme éléments pouvant être corrélés avec la tuerie. Ces gens ont essuyé les plus vives critiques ; un véritable déferlement d’attaques pour le moins assassines de la part de ceux qui, dans la sphère médiatique, rejetaient toute possibilité qu’on puisse soulever quelque responsabilité sociale que ce soit face au crime d’un authentique détraqué[3]. Celles et ceux qui soutenaient un tel discours étaient qualifiés d’abjects opportunistes idéologiques ou de féministes extrémistes. Quand ce n’est pas la censure qui frappait, c’est le discrédit qui s’abattait sur elles-eux[4].

Aujourd’hui, la théorie féministe entourant l’affaire Lépine est généralement mieux accueillie, ou enfin moins hostilement, qu’à l’époque. Des colloques ont lieu sur la question[5]. Un film à grand déploiement a même été produit récemment, où cette lecture sociologique de l’incident de Polytechnique transparaît au moins implicitement : le fusil de Marc Lépine n’était pas seulement chargé de balles ; il était en partie chargé d’une problématique politique, outre la haine et l’évidente détresse psychologique.

D’autres cas de tragédies meurtrières à connotations politiques ont retenu l’attention dans le passé : l’affaire Lortie[6], l’affaire Breivik en Norvège[7] ou l’affaire Thornton au Connecticut (un homme noir affirmant être victime de racisme tue huit de ses collègues)[8]. Ce qui frappe, c’est la difficulté d’introduire dans le débat public quelque considération d’ordre écologique, sociopolitique relativement à ces phénomènes, surtout dans les premiers mois suivant le drame, comme si le choc émotif paralysait toute discussion sur le fond, chassant la polémique de l’ordre du jour dialogique, – quoique celle-ci revienne au galop (nous y reviendrons).

C’est une doxa de la tristesse totale, du deuil collectif, du recueillement, et certes de l’antipolitisme qui s’impose alors. Ce qui n’a rien d’étonnant, considérant la sensibilité naturelle de l’être humain au malheur de ses semblables, lui qui dès le paléolithique inférieur[9] organisait des cérémonies d’enterrement pour exorciser la douleur d’avoir perdu un membre du clan, reconnaissant par la même occasion une dignité propre à son espèce.

Mais, pour en revenir à la puissance doxique et thématique du « deuil », celle-ci pourrait hypothétiquement s’expliquer aussi du fait que certains acteurs de la structure politique craignent que l’émotion suscitée par le drame, si elle n’est pas canalisée dans le rassemblement ou dans la « prière », ne déclenche un mouvement politique ou une remise en question de la « paix », de « l’harmonie » sociale, autant dire de l’ordre établi et des rapports de pouvoirs institués, que l’idéologie dominante tient à voiler, comme ont su le démontrer plusieurs penseurs du discours dont le philosophe de la rhétorique Olivier Reboul[10].

L’affaire Bain fournit à cet égard un formidable terrain d’étude puisque, par la force des choses, elle attise, entre autres choses, les vieux antagonismes entre anglophones et francophones quant aux enjeux linguistiques et nationaux ; elle met en exergue un conflit historique, des tensions sociales qui normalement se trouvent plus ou moins en dormance ou en latence[11].

 

 

1. Corpus et méthode
Corpus et méthode de recherche : L’échantillon sous étude comprend plusieurs types de documents émanant tous de la sphère médiatique québécoise anglophone et francophone pour la période allant du 4 septembre au 20 décembre 2012 : articles de journaux, reportages télé, éditoriaux, opinions ou témoignages du public, et commentaires des politiciens. La recherche a été effectuée du 20 décembre 2012 au 15 janvier 2013.

Discrimination de l’information : Le moyen employé pour discriminer l’information est essentiellement qualitatif. Puisque nous nous questionnons sur la manière dont on a cherché à « faire penser » au sujet de l’affaire Bain dans la sphère médiatique québécoise, nous avons constitué trois axes d’interprétation des textes recensés.

Axe #1
a) L’auteur de la fusillade apparaît plutôt politiquement rationnel dans son acte
——————————————————————-
b) L’auteur de la fusillade apparaît plutôt politiquement irrationnel dans son acte
(ou énonciateur neutre)

Axe #2
a) Il existe des déterminants sociopolitiques susceptibles d’expliquer l’acte
——————————————————————-
b) Il n’existe aucun déterminant sociopolitique susceptible d’expliquer l’acte
(ou énonciateur neutre)

Axe #3
a) De manière générale, l’acte constitue un événement plutôt politique
——————————————————————-
b) De manière générale, l’acte constitue un événement plutôt non-politique
(ou énonciateur neutre)

 

Définitions :
« Politiquement rationnel » : qui procède d’une logique donnée, d’une organisation de pensée politique fondée sur une certaine conscience du sujet. Il ne s’agit pas d’une quelconque rationalité utilitaire ni de la Zweckrationalität dont parle Max Weber[12], mais de la reconnaissance de l’existence chez l’acteur d’une raison politique.

« Déterminants sociopolitiques » : facteurs concernant la société dans ses rapports avec la politique.

« Acte politique » : manifestation concrète des pouvoirs d’agir d’une personne ayant un rapport avec la société organisée.

Mode de lecture et d’interprétation : Contextuel et cotextuel, le mode de lecture emprunté pour en arriver à classer les textes et les vidéos d’un côté ou de l’autre de chacun de ces trois axes consiste d’abord à relever l’impression générale que laisse le document au plan sémantique : le titre, l’amorce, le ton, les différentes manières de moduler ou de modaliser l’énonciation de l’information[13], les éléments de surdramatisation[14] ou de neutralisation, la section des nouvelles où se trouve l’article et donc l’angle sous lequel l’incident est traité (affaires politiques ou criminelles), etc. Puis, l’emploi par l’énonciateur de certains mots, plus ou moins récurrents d’un texte à l’autre compte tenu de la spécificité du cas sous étude, a lui aussi déterminé notre manière de catégoriser chaque production discursive. Le mot « attentat », par exemple, se révèle chargé au plan axiologique quand on l’entend dans son contexte contemporain ; il tend à donner un sens politique à l’événement, à induire des éléments de préméditation et donc à attribuer une certaine logique politique à Richard Bain. En effet, le terme « attentat » n’est pratiquement jamais employé pour désigner un acte criminel dénué de tout mobile politique. Par exemple, hormis l’attentat de Polytechnique en 1989, les phénomènes de meurtres de masses arbitraires qui ont lieu dans des établissements scolaires sont généralement qualifiés de « tuerie », de « massacre », de « mass shooting »…

Dans le même ordre d’idées, les termes « tireur fou » tendent au contraire à dépolitiser l’événement en enlevant toute rationalité à l’auteur de la fusillade. Par ailleurs, parler simplement d’une « tuerie pendant le discours de madame Marois » n’induit rien de particulièrement politique. À l’opposé, présumer que l’auteur de ce drame était sur le point ou avait l’intention de s’attaquer à la Première ministre signifie, au moins implicitement, que son mobile était, selon l’énonciateur, politique, à moins de plaider le pur hasard. Nous nous sommes d’ailleurs inspiré des travaux de l’auteur Guy Roudière, « Une sémantique de l’implicite »[15], pour mener à bien notre recherche. À ce titre, nous adhérons à sa définition de « signification implicite », qui correspond à l’introduction plus ou moins volontaire par un émetteur d’une signification non-explicite dans son discours.

D’autre part, il arrive qu’au sein d’un même énoncé, on retrouve à la fois des éléments de politisation et de dépolitisation, mais dans ces cas, nous avons considéré qu’il s’agissait d’une politisation modérée, mais d’une politisation quand même. Ainsi, il arrive fréquemment qu’un énonciateur considère Richard Bain comme étant un fou – mais pas totalement – ou tout en relevant certains déterminants sociopolitiques pouvant être corrélés ou mis en relation de causalité avec son acte de « folie » (1(b), 2(a), 3(a)).

Ou encore, plus rarement, un énonciateur, tout en soutenant ce qui précède, peut considérer le geste comme étant à ce point isolé, qu’on ne saurait y déceler quelque chose de politique pour autant. On classera alors l’énoncé comme suit pour chacun des axes : 1(b), 2(a), 3(b). L’acte de Richard Bain est alors présenté comme étant plutôt non-politique.

Par ailleurs, lorsqu’un narrateur évoque sans plus de détail que Richard Bain était en colère contre le gouvernement qui refusait de lui permettre d’agrandir son entreprise, alors il y a lieu de considérer que l’auteur de la tragédie détenait une certaine « rationalité politique », mais sans qu’il n’y ait de déterminant sociopolitique ni que l’événement soit politique au sens large.

Enfin, lorsque l’énonciateur parvient à narrer l’affaire Bain d’une manière presque parfaitement « neutre » (« faire savoir »[16], sans plus), c’est-à-dire sans qu’on puisse identifier la moindre prise de position axiologique, même implicite, nous avons classé le discours comme présentant l’affaire Bain, pour chaque axe, comme étant non-politique. Évidemment, cette situation concerne surtout les documents émanant de la couverture journalistique.

Compilation des résultats, statistiques et comparaison : Enfin, les résultats ayant été compilés dans un tableau, nous avons compté le nombre d’entrées pour chaque catégorie de documents, puis produit des statistiques, permettant de comparer les tendances à la politisation et à la dépolitisation ou non-politisation chez les différentes communautés linguistiques, et d’une catégorie documentaire à l’autre.

 

 

2. Compte rendu des résultats (« faire penser »)
Dans la narration anglophone de l’affaire Bain, les deux tiers des productions médiatiques présentent l’affaire Bain comme étant non-politique.

Pour ce qui est des documents émanant de la sphère médiatique francophone que nous avons recensés, c’est carrément le contraire : 71,74% des énonciateurs y voient un événement politique, mais le plus souvent de manière implicite, voire involontaire. En réalité, le nombre de journalistes, chroniqueurs ou autres commentateurs ayant fourni une analyse explicitement sociopolitique des événements se révèle plutôt faible.

L’opinion publique francophone (e.g. lettres ouvertes des lecteurs) est la catégorie documentaire où l’on politise le plus la fusillade du 4 septembre et ses répercussions, avec 81,48% des énoncés qui vont en ce sens. C’est aussi là qu’on trouve les prises de position les plus fortes.

C’est dans la presse anglophone, du moins les articles et vidéos recensés dans The Gazette et sur cbc.ca, que l’affaire Bain est la moins politisée, seulement 20% des reportages référant à des considérations d’ordre politique dans la narration de ce sujet d’actualité. Il est à noter que les déterminants sociopolitiques ne sont la plupart du temps qu’avancés de manière implicite par les journalistes, lorsqu’on peut les déceler.

La seule catégorie de données où l’on peut retrouver une certaine cohésion au Québec entre les lectures francophones et anglophones de cette saga, c’est au plan des opinions formulées par les politiciens. Cela dit, peu de politiciens anglophones se sont prononcés sur la question, comparativement aux élus francophones, de sorte qu’il devient difficile d’interpréter ces résultats.

La catégorie documentaire la plus partagée entre politisation et dépolitisation ou non-politisation est l’opinion publique anglophone, même si nous y avons relevé certaines opinions très tranchées en faveur de la dépolitisation de l’affaire et même si les interprétations plus politiques des événements s’y dévoilent surtout implicitement.

 

 

3. Typologie des narrations-problématisations (« faire penser »)
Nous mobilisons ici la notion de « narration », mais cela dit sans faire abstraction du fait qu’on se retrouve en terrain controversé (dû précisément à une multitude de narrations, d’interprétations de la tragédie), et donc qu’une bonne partie des prises de parole empruntent forcément, dans une visée d’influence, la fonction argumentative. Cela dit, nous nous restreignons à brosser un portrait global des différents types de narration et de « problématisation » de l’objet de la polémique, sans nous lancer dans une catégorisation fastidieuse des discours idéologiques sous-jacents ou de l’ensemble des stratégies empruntées par chaque narrateur pour « mettre en scène » son discours.

Politisation en général : Le plus souvent, les narrations politisées de l’affaire Bain consistent à évoquer, implicitement ou explicitement, les tensions linguistiques et nationales existant entre les communautés anglophone et francophone en tant que déterminants sociopolitiques de l’incident du 4 septembre 2012, mais il arrive qu’un énonciateur corrèle cet incident avec d’autres facteurs à caractère objectif : réalité socioéconomique, accès aux armes à feu, culture de la violence, etc. Généralement, on tente d’avancer un élément qui servira à comprendre une situation objective, un fait sociologique.

Inculpations : À d’autres moments, l’énonciateur politisant l’affaire Bain mettra en cause un acteur ou un groupe d’acteurs précis, partageant par exemple une idéologie, comme ayant eu un rôle indirect à jouer dans la survenance de cette tuerie. Voici les « inculpés » politico-médiatiques que nous avons recensés au fil de notre recherche :
– Les médias anglophones (e.g. SSJB[17], Lise Payette[18], Gilles Proulx[19], Laurence Collin[20], Pierre Desjardins[21]) ;
– La communauté anglophone elle-même (e.g. Jocelyn Lauzon[22], Normand Lester[23]) ;
– Pauline Marois (le PQ) et ses politiques linguistiques (e.g. Parti conservateur du Québec[24], intervenants anglophones[25]) ;
– Les étudiants pendant la grève de 2012 (e.g. Mario Dumont[26], Serge Simard[27]) ;
– Les hommes (e.g. Josée Blanchette[28]) ;
– Les « radio-poubelles » de Québec (e.g. Michel Venne[29]);
– La violence verbale lors de la campagne électorale québécoise de 2012 (e.g. Guy Godin[30]) ;
– Les politiques néo-libérales (e.g. Léo-Paul Lauzon[31], Manon Massé[32]) ;
– La droite en général (e.g. Raymond Gravel[33]).

Disculpation : les inculpés eux-mêmes ou d’autres intervenants répliqueront parfois aux inculpateurs en rejetant leurs thèses. Dans certains cas, cette disculpation est pure et simple, – on innocente sans plus d’explication le groupe ou la personne inculpée -, mais la plupart du temps elle s’accompagne d’un recadrage de la problématique. Nous identifions trois variétés de disculpation-reproblématisation :
– Disculpation-réobjectivation : où l’énonciateur, après avoir rejeté l’inculpation, ramène le débat à un état de société général, refusant de pointer du doigt un ou des acteurs en particulier (e.g. Durocher[34], Marois[35]) ;
– Disculpation contre-inculpatoire : parfois préventive (appréhendant la récupération politique de l’affaire Bain), elle consiste à discréditer l’intervenant inculpateur, parfois jusqu’à l’incriminer à son tour par rapport à la tuerie du 4 septembre (e.g. Baillargeon[36], Boisvert[37], intervenants anglophones[38], Wells[39]) ;
– Disculpation-dépolitisation : par laquelle le narrateur, ayant nié toute allégation inculpatoire, renonce à l’idée que l’affaire Bain pût revêtir quelque attribut d’un événement politique, employant les stratégies discursives énoncées ci-après (e.g. Jedwab[40], Ravary[41]).

Dépolitisation et non-politisation en général : Quant à l’énonciateur qui « dépolitise » ou ne politise pas l’affaire Bain, il apparaît comme celui qui refuse, sciemment ou non, qu’on y voie quelque contenu politique que ce soit ou qui « met en scène » sa narration de telle sorte qu’un destinataire raisonnable n’y voie à première vue rien de politique. L’essentiel de ce message réside essentiellement dans la manière dont le narrateur problématise l’incident dramatique du 4 septembre ou présente son auteur, Richard Henry Bain.

Soit le narrateur neutralise a priori l’opportunité qu’on puisse attribuer un sens politique à l’événement qu’il rapporte, en le présentant surtout comme une affaire criminelle (e.g. The Gazette[42]), une affaire judiciaire (e.g. CBC[43]), une affaire policière (e.g. R-C[44], JdM[45]), un fait divers (JdM[46]) ou un cas de psychiatrie (e.g. Ravary[47]). Soit il réplique, implicitement ou explicitement, aux énonciateurs qui politisent l’affaire Bain (1) en rejetant toute contextualisation politique de la tragédie : il s’agit d’un acte à ce point isolé qu’on ne saurait sérieusement le relier à quelque déterminant sociopolitique que ce soit (e.g. Kay[48]), ou (2) en pathologisant ou en criminalisant purement et simplement les comportements de son auteur : on ne reconnaît alors à Bain aucune rationalité politique ; Bain est un fou (e.g. Boisvert[49]) ou un criminel parmi d’autres, sans mobile politique ou haineux (e.g. Martineau[50]).

 

 

4. Compte rendu des résultats et typologie des énoncés conatifs[51] (« faire faire »)
Pour ce qui est de ce qu’on a cherché à « faire faire » à la suite de la fusillade du 4 septembre, cela se résume essentiellement à l’action de se recueillir, de se rassembler par-delà les appartenances linguistiques ou politiques afin d’honorer la mémoire de la victime Denis Blanchette, malgré quelques rares voix discordantes ayant saisi l’occasion pour encourager la tenue d’une discussion franche sur la question des tensions sociopolitiques au Québec.

Différentes formules performatives, vocatives ou impératives ont été utilisées par les intervenants pour inviter ou influencer leurs destinataires à adopter telle attitude par rapport à l’affaire Bain ou à rejeter telle autre, à la lumière des positions ayant été exprimées dans le cadre de la polémique. Ces énoncés étaient généralement appuyés d’une charge émotionnelle, liée au deuil du technicien assassiné et à la tristesse de la situation. C’est lepathos, l’univers affectuel dont parle Patrick Charaudeau dans son texte « L’argumentation dans une problématique d’influence »[52], qui, appliqué à la polémique sous étude, est destiné à toucher le destinataire pour mieux lui « faire croire » en la validité de tel ou tel positionnement politique vis-à-vis de la fusillade du 4 septembre et de son auteur. Si ce processus langagier émotif révélait déjà fortement sa présence dans la narration de l’affaire Bain, il est d’autant plus évident à l’étape du « faire faire ».

La vaste majorité des commentateurs semblent craindre que cette affaire ne serve de catalyseur à un éventuel affrontement politique. Nombreuses sont les prises de parole qui appellent à « l’unité », refusant que l’on conflictualise la tragédie. Une volonté de censurer toute tentative de récupérer l’événement à des fins partisanes ou simplement d’entamer une discussion sur ses potentielles implications politiques, transparaît plus particulièrement au plan des énoncés conatifs. Même les narrateurs qui tendaient à connoter politiquement leur interprétation de l’affaire Bain encouragent le plus souvent leurs destinataires, au moins implicitement, à renoncer à tout ce qui pourrait possiblement induire une crise politique, qu’ils appréhendent. Manifestation typique de ce positionnement énonciatif qui semble presque avoir fait consensus, le blogueur Stéphane Laporte articule ainsi son article du 5 septembre 2012 :

Le Québec est en deuil. Surtout que ce geste de folie ne provoque pas encore plus de haine et d’accusations. Qu’il ne nous divise pas. C’est le temps d’être au-dessus de toutes les partisaneries. Cette nuit, il n’y a pas de Péquistes, de Libéraux, de Caquistes… Pas de séparatistes, pas de fédéralistes. Il n’y a que des Québécois blessés, choqués, perdus. Francophones et anglophones, nous parlons tous la même langue. Celle du silence. Celle du cœur triste. Celle du cœur en deuil. […] Bonne nuit, malgré tout. Je ne dormirai pas. Vous non plus.[53] (Nous soulignons.)

Fait à souligner, même si c’est un francophone qui est décédé, les anglophones sont proportionnellement plus nombreux que les francophones à insister pour que l’on se « recueille ».

Être triste, empathique à l’égard de la famille Blanchette, « être pacifique » (parce que « la société l’est et doit l’être », comme l’ont répété ad nauseam les politiciens[54]), ne pas poser de question (car c’est « insensé »[55], c’est incompréhensible) et ne pas chercher de coupable, voilà à peu près ce en quoi consistent les grands axes doxiques du discours ambiant. E.g. : la plupart des énoncés produits dans la foulée, tout d’abord, de la vigile organisée au lendemain de la soirée fatidique (e.g. R-C[56]), ensuite des funérailles officielles de Denis Blanchette (e.g. Agence QMI[57]), puis du concert-bénéfice du 30 septembre au Métropolis (e.g. The Gazette[58]), auquel ont participé des artistes connus comme Céline Dion et Arcade Fire, soucieux de préserver l’harmonie entre anglophones et francophones, fédéralistes et indépendantistes.

Quelques cas font figures d’exception. Dans un communiqué[59] annonçant la tenue de funérailles officielles pour le citoyen Denis Blanchette, événement d’ailleurs sans précédent, le gouvernement du Québec parle d’une journée de « commémoration nationale », expression ambiguë quant au sens qu’elle attribue à la tuerie du 4 septembre, qui toutefois apparaît plutôt ici comme ayant une certaine connotation politique ; a contrario, qu’y aurait-il de si extraordinaire dans cette fusillade pour qu’on souhaite la « commémorer » en organisant une cérémonie officielle ?

L’auteur, chanteur et comédien Sébastien Ricard a quant à lui voulu favoriser la tenue d’une discussion plus ouverte au sujet des dimensions sociopolitiques de cet incident et, implicitement, du discours québécophobe qu’on retrouve dans la sphère médiatique anglophone[60]. Tout comme Antoine Robitaille du Devoir, qui voudrait « lever le tabou » sur cette question[61], faisant référence à l’auteur Karine Salomé, auteure du livre L’ouragan homicide. L’attentat politique en France au XIXe siècle[62], où elle relève que la pathologisation des « attentateurs » est une « constante de l’histoire ».

Outre le topique des tensions linguistiques et politiques au Québec, certains commentateurs, comme Mario Roy dans La Presse[63], ont suggéré que l’on revoie les mesures de sécurité pour mieux protéger les politiciens. D’autres ont soulevé diverses questions par rapport à l’accès aux armes à feu (e.g. Agence QMI[64]) : on a même proposé de faire passer des tests psychiatriques aux acheteurs.

 

 

5. Réflexion
Loin de nous l’intention de juger directement, dans le cadre de ce travail, du caractère politique ou non de la fusillade elle-même. Plutôt, nous situons notre questionnement au niveau des raisons à l’origine de la polémique et des contradictions qui se sont révélées entre les récits anglophones et francophones de l’affaire Bain, lesquels confirment que l’événement, qu’on le qualifiât de politique ou d’apolitique, s’est répercuté politiquement, ce qui indique qu’on peut à tout le moins y associer des implications politiques.

Par ailleurs, nous nous interrogeons sur les normes et contraintes discursives qui, dans le cadre des dynamiques liées à l’affaire Bain, se traduisent par ce qu’on pourrait désigner comme une éthique du consensus, impliquant une tendance à la confusion des intérêts dans un contexte pourtant antagonique, une prévention quasi obsessionnelle du danger d’un engrenage incontrôlable (damage control), la neutralisation des passions politiques réelles ou appréhendées, vues comme nocives et menaçantes pour la paix et l’ordre établi ; en somme, une espèce de refoulement de la controverse et finalement du politique, qu’on tend à évacuer du champ interactionnel en censurant, en isolant, en éclipsant ou en discréditant les « agents agitateurs ».

Doxique, voire hégémonique car socialement généralisée[65], cette constriction normative du dialogue qui s’applique au désamorçage ou à la dissimulation du conflit, et ce parfois de manière préventive – lors même que personne ne l’eût encore évoqué -, s’exerce tant dans la francosphère que dans l’anglosphère québécoises. Elle se dévoile dans le non-dit, dans le masquage des rapports de pouvoirs sacrés[66] qu’elle tait ou qu’elle rend tabous, par le recours à la répression discursive ; au discrédit, aux diversions (« détournements de l’attention »[67] du destinataire), à la normalisation d’interdits, à l’escamotage du fond par la forme, à un surinvestissement affectuel, à une substitution du pathos au logos, à la récupération du défunt au profit de l’annihilation de la pensée politique critique et du rabattement de la polémique, à la mobilisation d’illusii groupales[68] et d’attractions mimétiques (où, suivant une logique moutonnière, on amène les destinataires à se conformer à ce que soi-disant « tout le monde fait ou pense »), etc. La question à se poser : quelle en est l’explication ?

Si nous nous intéressons davantage au phénomène de la dépolitisation de l’affaire Bain et des processus répressifs qui l’accompagnent, qu’à sa politisation, c’est parce que nous envisageons comme naturel et non-problématique in se le fait pour des énonciateurs de soulever l’existence d’enjeux politiques à la suite de la survenance d’un incident pouvant raisonnablement être connoté politiquement (qu’on soit d’accord ou pas). C’est aux tentatives de mise à l’écart, « d’excommunication » médiatique, de périphérisation des narrateurs politisant la fusillade et d’imposition d’un contrôle éthique de la discussion que nous nous attardons dans le cadre de notre réflexion.

 

 

6. Ce que cache la dépolitisation de l’affaire Bain : anxiété, tabou et statu quo

Un populisme québécophobe bien réel, mais dont on se défend en l’éludant : En guise d’argument au soutien de notre prémisse voulant que toute mise en perspective politique de l’affaire Bain ne saurait ipso facto être taxée d’irrationalité ou congédiée du champ interactionnel, nous prenons à témoins les travaux de Wilhelm Heitmeyer sur les déterminants sociopolitiques de la violence de droite dans nos sociétés.

Dans un de ses textes[69], l’auteur propose un éclairage sur les conditions d’apparition d’actes apparemment haineux et de l’extrémisme de droite contemporain en Europe, en se concentrant sur la réalité allemande. Heitmeyer propose un cadre conceptuel qui décrit le processus de violence haineuse ou « de droite » selon les contextes et options d’action, les cibles, les objectifs menant au pouvoir politique par divers moyens. L’auteur utilise un concept analytique « d’enchâssement sociétal » afin de relever les facteurs à l’origine d’incidents à connotations extrémistes de droite. Pour ce faire, il procède à partir de données empiriques recensant les actes délictuels haineux en Allemagne entre 1982 et 2008, puis aborde les déterminants sociaux de la légitimation de cette violence, pour enfin traiter des mentalités dans la société qui sont hypothétiquement génératrices de ces attitudes. Dénotant certains pics de violence à certains moments précis de l’histoire récente de l’Allemagne et selon les différents cantons, l’auteur met ces données en parallèle avec celles émanant d’une enquête sur les attitudes de légitimation de ces violences parmi la population. Or, la corrélation est avérée.

Partant de ces résultats qui mettent de l’avant le contexte social, l’auteur se lance dans une tentative d’explication sociologique à travers la théorie de la désintégration sociale. Celle-ci est fondée sur le postulat voulant que chez un sujet propice à développer des attitudes haineuses, « l’expérience ou l’expérience perçue de désintégration sociale mène à une dépréciation d’autrui ou à une discrimination envers lui ».

Bref, la violence haineuse dépend d’un certain contexte de populisme causé par la désintégration sociale, et se développe à travers des processus identifiables. Du moins on ne peut raisonnablement traiter tels cas de violence comme s’ils sortaient de nulle part ou d’en-dehors de la réalité ou matérialité politique, médiatique, sociale… Dire le contraire, c’est s’aveugler volontairement.

Or, comme partout ailleurs, un tel populisme haineux existe bel et bien dans l’anglosphère québécoise et canadienne. Celui-ci prend certes plusieurs formes, mais nous nous arrêterons sur un phénomène en particulier, lequel reçoit plus d’une acception : « Québec bashing », francophobie, néoracisme anglophone, haine anti-québécoise, discours à caractère orangiste[70], etc. Nous empruntons ici le néologisme « québécophobie » pour qualifier ce phénomène, par ailleurs fort bien documenté.

En effet, plusieurs textes et ouvrages consacrés à la question ont déjà été publiés[71] [72] [73] [74] [75] [76]. La plupart constatent la présence dans le discours médiatique anglophone d’une québécophobie latente, lorsqu’elle n’est pas carrément manifeste et décomplexée. Celle-ci recourt à la diabolisation et au dénigrement des Québécois de langue française en tant que sujet national et politique, et en particulier de leurs aspirations « séparatistes » et de leurs politiques linguistiques. Ainsi, on traitera les politiciens « nationalistes » de « fascistes »[77], – pareille interpellation a d’ailleurs déjà donné lieu à un procès civil impliquant deux anciens premiers ministres québécois[78] -, on comparera le gouvernement du Québec au régime hitlérien, on parlera de l’Office de la langue française comme d’une « police de la langue » (les « Apostrophe SS »[79]), etc.

Et c’est sans parler du racisme ordinaire, visant l’infériorisation des Québécois et de leur culture, qu’on retrouve de temps à autre dans l’espace public (e.g. National Post[80]). Enfin, les observations de Teun Van Dijk dans son texte[81] de 2002 sur le nouveau racisme dans les médias (le racisme subtil dans la manière d’y parler d’un groupe racial, social ou national déterminé) peuvent également s’appliquer à la situation qui nous occupe.

« Les anglais se réveillent ! There’s gonna be fucking payback! It’s enough. Wanna make trouble. » Voilà les paroles prononcées par Richard Henry Bain, l’auteur du drame du 4 septembre dernier, au moment de son arrestation[82]. De manière prévisible, ces propos ont su provoquer toute une onde de choc chez les commentateurs politiques ; le spectre d’une réaction de condamnation par certains de la violence verbale, des excès de langage et des attitudes parfois dénigrantes et oppressives exprimés épisodiquement par des anglophones à l’égard du Québec, s’est fait sentir, le lien étant relativement facile à établir. Rapidement, des textes émanant surtout des médias anglo-québécois ont insisté pour dissocier la communauté anglaise des actes « isolés » posés par le tireur, tant entendu qu’ils pussent être considérés comme ayant un caractère politique.

Mais les intervenants ne se sont souvent pas contentés d’ainsi disculper les anglophones : généralement, ils ont au surplus nié ou banalisé l’existence de tels réflexes québécophobes au sein de leur communauté, pour ensuite mettre de l’avant une lecture non-politique des événements, de même que des conatus antipolitiques en réponse à ceux-ci. C’est précisément cette attitude qui soulève des questionnements.

Autrement dit, on refuse, par la dépolitisation, d’engager tout débat sur la question des déterminants possibles de l’affaire Bain, en réprimant les tentatives pour ce faire et en réduisant ceux qui souhaiteraient aborder le sujet à des agitateurs, des récupérateurs, des exagérateurs… Ce faisant, on élude des problématiques réelles, ce qui a pour effet de maintenir le statu quo, par déresponsabilisation face à certains enjeux sociaux, et d’empêcher l’avancement général de la réflexion collective et de la délibération démocratique.

Le message officiel consiste à prémunir la société contre elle-même : il faut à tout prix éviter que la paix ne soit pas troublée ; il faut fuir à tout prix le conflit et ultimement, le politique. Dans ce contexte, la polémique est une chose à proscrire. Enfin, toute critique affirmée du régime devient suspecte et il y a lieu de la réprimer, pour sauvegarder l’harmonie et le consensus. Cela n’est pas sans rappeler le discours de l’Église catholique au lendemain de l’insurrection des Patriotes de 1837-38, laquelle prônait la prière et le recueillement plutôt que la sédition ; la soumission à l’ordre établi et le renoncement absolu à toute impulsion de soulèvement.

C’est une espèce de hantise schizophrénique du dissentiment politique et intercommunautaire qui s’abat sur le monde politico-médiatique québécois. Le domaine de l’indicible est désormais large et empêche d’aborder des problématiques réelles, comme s’il régnait par ici une irréductible anxiété face à l’idée même de responsabilité politique et une peur insurmontable de la « chicane », du moins en ce qui concerne la question nationale et linguistique.

La pacification obsessionnelle – qui en elle-même n’est guère pacifique, mais violente et répressive – des interactions politiques entre les communautés anglophone et francophone du Québec sert donc le statu quo et permet au système d’esquiver les critiques et les remises en question profondes.

Or, ce sont selon nous les principes de rationalité, de justice, d’égalité et de liberté, davantage qu’une éthique obligée du consensus et de la neutralisation des antagonismes, qui devraient guider la discussion nationale. L’affaire Bain aurait pu constituer un prétexte pour entamer un sain dialogue, fût-il agité, sur la réalité des relations entre francophones et anglophones ; une occasion de rompre certains tabous. Au contraire, les événements n’auront fait qu’amplifier l’état de sclérose dialectique qui a envahi la discussion sur l’avenir politique du Québec depuis maintenant un bon bout de temps.

Pas moins qu’avant, le débat sur le statut politique du Québec et sur l’enjeu linguistique constitue en réalité un authentique « dialogue de sourds », au sens où l’entend Marc Angenot[83], qui oppose autant les francophones aux anglophones ou les fédéralistes aux indépendantistes, que ceux qui souhaitent évoquer la question nationale-linguistique-politique-constitutionnelle à ceux qui, au contraire, préfèrent la taire pour de bon pour qu’enfin le Québec s’en repose, – en paix et dans le consensus, la bonne entente, l’harmonie, etc.

Or, la dépolitisation est un réflexe discursif qui, dans un contexte politique donné et tandis que le débat fait rage, est en soi politique. En réalité, ce discours sert à voiler certains enjeux de pouvoirs ou à entretenir un tabou sur un sujet de société.

Même si normalement, il n’apparaîtrait pas déraisonnable pour un énonciateur de questionner les possibles déterminants politiques de l’affaire Bain, pour plusieurs un tel exercice se révèle anxiogène, parce qu’il soulève potentiellement une certaine responsabilité politique qu’on ne veut surtout pas aborder, et parce qu’il risque de perturber la paix sociale, linguistique et politique, autrement dit le statu quo, l’ordre établi des choses.

 

Maxime Laporte, Président général

Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal

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[1] Peter Eglin et Stephen Hester, The Montreal Massacre: A Story of Membership Categorization Analysis, Waterloo, ON, Wilfred Laurier University Press, 2003
[2] Jenn Ruddy et Elizabeth Curry, « Reframing violence against women », The Commonwealth, décembre 2004. http://web.archive.org/web/20070208161214/http://www.saskndp.com/cw/64.5/reframingviolencewomen.html
[3] Barbara Kay, « Lone gunman: The Ecole Polytechnique massacre was a freak tragedy. So why is every man made to feel guilty for it? », dans National Post, 6 décembre 2006
[4] Mélissa Blais, « J’haïs les féministes », 2009, Remue-Ménage
[5] Colloque : « La tuerie de l’École Polytechnique 20 ans plus tard – Les violences masculines contre les femmes et les féministes », 4, 5 et 6 décembre 2009, http://www.uqam.ca/nouvelles/2009/09-295.htm
[6] Pierre Legendre, Leçons VIII. Le crime du caporal Lortie. Traité sur le Père, Fayard, 1994.
[7] Steven Erlanger et Scott Shane, « Extremist Charged in Norway », The New York Times, 23 juillet 2011.
[8] « En bref – Tireur fou », Le Devoir, 4 août 2010, http://www.ledevoir.com/international/etats-unis/293694/en-bref-tireur-fou
[9] B. Maureille, Les premières sépultures, Le Pommier / Cité des sciences et de l’industrie, (2004)
[10] Olivier Reboul, « Langage et idéologie », Paris, PUF, 1980, p. 37-54
[11] Maxime St-Laurent Laporte, Demeure d’Agir : implications politiques du statu quoconstitutionnel dans le Québec post-référendaire, 2011
[12] Raymond Boudon, « Une question (parmi d’autres) sur l’idéologie », dans L’idéologie ou l’origine des idées reçues, p. 11-25, Paris, Fayard, 1986, à la page 25
[13] Patrick Charaudeau, « L’argumentation dans une problématique d’influence », Argumentation et Analyse du Discours [En ligne], 1 | 2008, mis en ligne le 02 octobre 2008, Consulté le 27 novembre 2012. URL : http://aad.revues.org/193
[14] Patrick Charaudeau, « Discours journalistique et positionnements énonciatifs. Frontières et dérives », Semen [En ligne], 22 | 2006, mis en ligne le 01 mai 2007, consulté le 15 décembre 2012. URL : http://semen.revues.org/2793
[15] Guy Roudière, « Une sémantique de l’implicite »,Traquer le non-dit, 2002, pp. 59-84.
[16] Patrick Charaudeau, « Discours journalistique et positionnements énonciatifs. Frontières et dérives », op. cit.
[17] Pierre-André Normandin, « Attentat au Métropolis : la SSJB pointe les médias anglophones », La Presse, 6 septembre 2012
[18] Lise Payette, « Quand la haine gagne du terrain », Le Devoir, 7 septembre 2012
[19] Gilles Proulx, « La complainte du caribou », Le Journal de Montréal, 6 septembre 2012
[20] Philippe Bourdon, « De vives réactions des étudiants anglophones », Le Journal de Montréal, 6 septembre 2012
[21] Pierre Desjardins, « Pour mieux comprendre Richard Henry Bain », Le Devoir, 7 décembre 2012
[22] Jocelyn Lauzon, « La peur de l’anglais », La Presse, 11 septembre 2012
[23] Normand Lester, « Réflexion sur la violence des anglais » » Actualités yahoo.com, 12 septembre 2012, http://fr-ca.actualites.yahoo.com/blogues/la-chronique-de-normand-lester/l-attentat-du-metropolis-reflexion-sur-la-violence-des-anglais.html
[24] Monique Muise, « Calm and solidarity urged in wake of Quebec election night shooting », The Gazette, 5 septembre 2012
[25] « Quebec election aftermath », CBC news, 6 septembre 2012
[26] Pierre Asselin, « Le fusil et le papillon », Le Soleil, 5 septembre 2012
[27] « Attentat au Métropolis : la SSJBM met en cause la presse anglophone », Radio-Canada.ca, 6 septembre 2012, www.lapresse.ca/le-soleil/opinions/editoriaux/201209/09/01-4572434-le-fusil-et-le-papillon.php
[28] Josée Blanchette, « Du pain (du sang) et des roses », Le Devoir, 7 septembre 2012
[29] « 24 heures en 60 minutes », Radio-Canada.ca, 7 septembre 2012, http://www.radio-canada.ca/emissions/24_heures_en_60_minutes/2012-2013/Entrevue.asp?idDoc=242926
[30] Guy Godin, « Richard Bain, simplement un fou? », Le Nouvelliste, 11 septembre 2012
[31] Léo-Paul Lauzon, « La véritable source de la violence », Le Journal de Montréal, 11 septembre 2012
[32] Stéphane Baillargeon, « Médias – Chercher la cause », Le Devoir, 10 septembre 2012
[33] Lise Ravary, « Les anglos, les hommes et la droite ont le dos large », Le Journal de Montréal, 11 septembre 2012
[34] Sophie Durocher, « Ne blamez pas les anglos », Le Journal de Montréal, 6 septembre 2012
[35] Michel Corbeil, « Pauline Marois ne s’est jamais sentie menacée ou sous attaque », La Presse, 5 septembre 2012
[36] Stéphane Baillargeon, op. cit.
[37] Yves Boisvert, « Commentaires assassins », La Presse, 8 septembre 2012
[38] « Quebec election aftermath », CBC news, op. cit
[39] Paul Wells, « Even amid tragedy, it’s always hard to stop the politics », Macleans, 10 septembre 2012
[40] Jack Jedwab, « Organizing anglo leadership is easier said than done », The Gazette, 13 septembre 2012
[41] Lise Ravary, « Les anglos, les hommes et la droite ont le dos large », op. cit.
[42] « Richard Henry Bain faces criminal charges in election-night shooting », The Gazette, 2012-09-06
[43] « Bain in court », CBC, 6 septembre 2012, http://www.cbc.ca/player/Embedded-Only/News/ID/2276681284/?page=25&sort=MostRecent
[44] « L’enquête se poursuit », Radio-Canada, 6 septembre 2012, http://www.radio-canada.ca/widgets/mediaconsole/medianet/6041799##
[45] « Deux policiers honorés », Le Journal de Montréal, 15 novembre 2012, http://www.journaldemontreal.com/2012/11/15/deux-policiers-honores
[46] « Ultime hommage à Denis Blanchette », Le Journal de Montréal, 10 septembre 2012, « Dave Courage : dans ma tête, j’étais paralysé », Le Journal de Montréal, 7 septembre 2012
[47] Lise Ravary, « C’est l’histoire d’un gars qui pète sa coche », Le Journal de Montréal, 7 septembre 2012
[48] Jonathan Kay, « Shooting is an anomaly in peaceable Quebec », National Post, 5 septembre 2012
[49] Yves Boisvert, « Un attentat psychiatrique, pas politique », La Presse, 6 septembre 2012
[50] Richard Martineau, « Un coup de baguette magique », Le Journal de Montréal, 9 septembre 2012
[51] Roman Jacobson, « Linguistique et poétique », Essais de linguistique générale, Éditions de Minuit, Paris, 1963.
[52] Patrick Charaudeau, « L’argumentation dans une problématique d’influence », op. cit.
[53] Stéphane Laporte, « Le Québec est en deuil », La Presse, 5 septembre 2012
[54] « La classe politique sous le choc », TVA Nouvelles, 5 septembre 2012, http://tvanouvelles.ca/lcn/infos/national/elections2012/archives/2012/09/20120905-121249.html
[55] Ariane Krol, « Un geste insensé », La Presse, 6 septembre 2012
[56] « Vigile au Métropolis », Radio-Canada, 5 septembre 2012, http://www.radio-canada.ca/widgets/mediaconsole/medianet/6041798##
[57] « Ultime hommage à Denis Blanchette », Le Journal de Montréal, op. cit.
[58] « Blanchette benefit a call for healing », The Gazette, 1er octobre 2012
[59] Gouvernement du Québec, « Une cérémonie de commémoration nationale aura lieu en l’honneur de Denis Blanchette », Portail Québec, 7 septembre 2012, http://communiques.gouv.qc.ca/gouvqc/communiques/GPQF/Septembre2012/07/c4918.html
[60] Sophie Durocher, « Métropolis apolitique », Le Journal de Montréal, 1er octobre 2012 et « Tout le monde en parle », Radio-Canada, 25 novembre 2012, http://www.youtube.com/watch?v=bZFmgzHy3xE
[61] Antoine Robitaille, « Lever le tabou », Le Devoir, 4 décembre 2012
[62] Karine Salomé, L’Ouragan homicide. L’attentat politique en France au XIXe siècle, Paris, Champ Vallon, 2011, 320 p
[63] Mario Roy, « La sécurité de madame Marois », La Presse, 5 septembre 2012
[64] « Rick Bain a-t-il obtenu ses armes trop facilement? », Le Journal de Montréal, 7 septembre 2012
[65] Marc Angenot, « Théorie du discours social, notions de topographie discursive et de coupure argumentative ». Exposé pour Discours en contexte : Théories des champs et analyse de discours, Recherches européennes, Lausanne, le 17 mars 2006.
[66] Olivier Reboul, « Langage et idéologie », op. cit.
[67] Roselyn Koren, op. cit.
[68] Max Dorra, « La traversée des apparences », Le Monde diplomatique, juin 1996
[69] Wilhelm Heitmeyer, « Populisme d’extrême droite au sein de la population, développement sociétaux et violence d’extrême droite », Sous la dir. Xavier Crettiez, Les violences politiques en Europe: un État des lieux, Paris, La Découverte, p. 67-85
[70] Pierre-Luc Bégin, Loyalisme et fanatisme. Petite histoire du mouvement orangiste canadien, Québec, Éditions du Québécois, 2008, 200 p.
[71] Naim Kattan, « La dimension culturelle des deux solitudes », Études internationales, vol. 8, no 2, 1977
[72] Sylvie Lacombe, « « Le couteau sous la gorge » ou la perception du souverainisme québécois dans la presse canadienne-anglaise », Recherches sociographiques, vol. 39, no 2-3, 1998
[73] Normand Lester, Le Livre noir du Canada anglais, Montréal, Les Intouchables Éditions, 2001, 302 p.
[74] Kenneth McRoberts, « English Canada and Quebec: Avoiding the Issue », Sixth Annual Robarts Lecture, Toronto, York University, 5 mars 1991
[75] Maryse Potvin, « Les dérapages racistes à l’égard du Québec au Canada-anglais depuis 1995 », Politique et Sociétés, vol. 18, no 2, 1999, p. 101-132
[76] Patrick Bourgeois, Québec bashing, Québec, Les Éditions du Québécois, 2009
[77] Denis Lessard, « Le mouvement souverainiste est «fasciste», selon Jarislowsky », La Presse, 12 mai 2011
[78] « Diffamation – Parizeau et Bouchard règlent hors cours », Le Devoir, 15 février 2005
[79] « Allusion aux SS: le journaliste de The Gazette se défend », La Presse canadienne, 21 juin 2009
[80] « Editorial: Tell Quebec where to get off », National Post, 24 février 2009
[81] Teun A. van Dijk, New(s) Racism: A discourse analytical approach. In: Simon Cottle (Ed.), Ethnic Minorities and the Media. (pp. 33-49). Milton Keynes, UK: Open University Press, 2000.
[82] Jan Ravensbergen et Katherine Wilton, « Suspect in custody after killing after PQ victory party for premier-elect Pauline Marois », The Gazette, 5 septembre 2012
[83] Marc Angenot, « Théorie du discours social, notions de topographie discursive et de coupure argumentative ». op. cit.

 

Signature Maxime Laporte
Maxime Laporte,
avocat
Président, Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal

 

 

 

 

 

 

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