Le Canada de Trudeau, Couillard et Legault: Le pays imaginaire

par Didier Calmels | Le Patriote

Le Québec n’a pas encore pris son envol comme nation, il n’y a toujours pas de pays du Québec, mais dans ce Canada de 2016, les dirigeants font comme si le Québec ne faisait plus partie de ce grand pays ou du moins comme s’il avait pris son trou et qu’on ne voulait plus l’entendre gémir sur ses revendications.

Le Canada a pourtant été bâti en grande partie par des Québécois, des gens qui ont cru à ce beau et grand pays. Alors que les anglophones canadiens s’agrippaient encore à la couronne britannique, gardant même jusqu’en 1965 le Red Ensign comme emblème de leur nation canadienne, avec l’Union Jack bien dominant, Adolphe-Basile Routhier en 1880 composait le Ô Canada. Ce texte écrit à l’occasion de la Saint-Jean Baptiste aillait devenir, 100 ans plus tard, l’hymne national du Canada. À l’époque de Routhier nous étions des Canadiens, puis tranquillement vers la fin du 19e siècle et le début de 20e, les anglophones s’accaparant cet identifiant, nous sommes devenus des Canadiens français pour devenir au tournant des années 1960 des Québécois.

Pendant tout ce temps nous avons participé à l’élaboration de ce pays. Tant du point de vue des idées, des valeurs, de l’économie que de la politique. De grandes femmes et grands hommes venus du Québec ont contribué à bâtir le Canada moderne. D’une perspective politique, l’influence du Québec fut déterminante dans l’évolution de ce pays. De Wilfrid Laurier, le premier Québécois à devenir Premier ministre du Canada, à Jean Chrétien, en passant par Louis St-Laurent, Brian Mulroney et, bien entendu, Pierre Elliott Trudeau, aucun Canadien ne peut nier l’énorme contribution du peuple québécois à la grande nation canadienne.

 

elvis gratton
Elvis Gratton, une parodie guère flatteuse d’un québécois fédéraliste.

Un risque pas si beau
De Wilfrid Laurier, alors Premier ministre du Canada, qui déclarait Je rêve d’un pays où les deux races fondatrices seraient égales l’une l’autre, un pays où les frontières linguistiques et confessionnelles seraient abolies, une nation grande, digne et responsable, où francophones et anglophones y cohabiteraient en paix, jusqu’au Premier ministre Brian Mulroney avec l’Accord du lac Meech au début des années 1990 et sa tentative de préserver le caractère distinct du Québec en le faisant « réintégrer la famille constitutionnelle canadienne dans l’honneur et l’enthousiasme », les volontés et tentatives de trouver la place de la nation québécoise dans le Canada furent nombreuses. Qu’on soit pour ou contre, il est indéniable que ces tentatives de premiers ministres canadiens issus du Québec furent sincères et faites avec une volonté réelle que le Québec puisse enfin entrer dignement dans la Canada. Ils voulaient que ses valeurs et ses particularités se retrouvent écrites noir sur blanc dans la Constitution canadienne qui aura été acceptée et signée par l’ensemble des Québécois.

Au Québec, il y a aussi eu de nombreuses tentatives pour que la voix des Québécois puisse avoir un écho à Ottawa et se faire entendre jusqu’aux vastes prairies canadiennes. Le premier ministre libéral Robert Bourassa y est allé de plusieurs efforts pour que la fédération canadienne puisse reconnaitre le caractère distinct de ce peuple de la Belle province. D’autres premiers ministres ont tenté d’ouvrir la porte constitutionnelle d’Ottawa, qui malheureusement resta toujours fermée.

La tentative la plus significative, car elle venait d’un premier ministre souverainiste, fut celle de René Lévesque. Suite à l’échec du premier référendum sur la souveraineté du Québec où une majorité de Québécois avaient opté pour le NON et donc avaient cru aux promesses de renouvellement de la fédération canadienne, M. Lévesque a demandé aux Québécois de tendre encore la main aux Canadiens. Ce fut ce qu’on a appelé « le beau risque ». Lors de l’élection fédérale canadienne de 1984, le premier ministre Lévesque demandait aux Québécois d’appuyer le Parti progressiste-conservateur de Brian Mulroney. Ce dernier avait comme promesse de renouveler le fédéralisme canadien et de faire entrer le Québec dans la constitution canadienne.

Une majorité de Québécois ont cru à la bonne volonté des Canadiens et ont appuyé le parti de Brian Mulroney. Dans la population on sentait que ce vote avait une signification importante pour notre avenir. Il fallait donner une autre et, probablement, une dernière chance au Canada. Et on connaît la suite, la tentative de Brian Mulroney avec l’Accord du Lac Meech fut un échec. Le Canada a refusé d’accorder un statut distinct aux Québécois.

L’illusion
On le voit, dans l’histoire du Canada, le Québec n’a jamais réussi à s’y faire accepter comme une nation distincte dont la culture unique et la langue française doivent être protégées et défendues. Malgré toute la bonne volonté des Québécois, malgré les efforts d’union, malgré les contributions diverses à la nation canadienne, le Canada a toujours fait la sourde oreille aux demandes du Québec. À chaque ouverture, à chaque tentative de réunion, à chaque volonté de faire reconnaître la particularité du Québec dans l’ensemble canadien, il y a toujours eu une fin de non-recevoir.

Un pays dans lequel le Québec s’était imaginé faire partie intégrante en tant que nation. Un pays que nos ancêtres ont voulu bâtir de tout leur coeur et leur âme. Un pays qu’on voulait à notre image où l’on pouvait s’y reconnaître. Un pays où francophones et anglophones seraient sur un pied d’égalité. Un pays où notre culture et notre langue seraient protégées et considérées comme de grandes valeurs canadiennes. Tout cela n’a jamais été la réalité. Le Canada tel qu’aimait le concevoir Wilfrid Laurier dans lequel le Québec aurait pleinement sa place en tant que nation fondatrice n’a jamais vraiment existé. Pour les Québécois, le Canada est un pays imaginaire.

À force de ne plus s’y reconnaître, les Québécois ont agi comme si le Québec était un pays distinct du Canada. On s’est lassés de vouloir se faire accepter par les Canadiens anglais. Depuis plusieurs décennies, on a laissé les choses aller. Le Québec n’a plus jamais rien exigé.

Du côté canadien cela a été vu comme une acceptation de notre sort dans le Canada. Le fait qu’après le NON du référendum de 1995, le Québec s’est tu, qu’aucun gouvernement du Québec n’ait depuis jamais plus demandé de nouveaux pouvoirs ou de reconnaissances nouvelles, c’était comme envoyer le signe que le Canada avait gagné. Les Québécois ont essayé, puis face aux refus, ils se sont assis et maintenant laissent aller les choses. Ils ne demandent plus rien au Canada et en même temps refusent de se donner tous les pouvoirs pour créer leur propre pays. Comme si le Québec se retrouvait dans les limbes. Un état vague, incertain, flou.

Plusieurs profitent de cette incertitude. Un premier ministre tel Philippe Couillard n’aurait jamais pu démanteler les acquis du Québec et imposer son austérité si les Québécois se tenaient encore debout, fiers et unis. Le gouvernement Couillard n’aurait jamais pu prôner une acceptation si totale du Canada, sans rien exiger en retour, si les Québécois se sentaient collectivement fort et savaient dans quelle direction aller.

Jamais au Québec on aurait pu voter pour un gouvernement tel celui de Justin Trudeau si on se sentait encore puissant, si on était guidé par la fierté de notre nation. Si on avait toujours confiance en nous, jamais on accepterait que dans le cabinet Trudeau les Québécois ne constituent plus un peuple fondateur, un acteur important dans la création du Canada et soient plutôt considérés comme une ethnie parmi tant d’autres.

D’autres politiciens fédéralistes, comme François Legault de la CAQ, profitent de l’incertitude des Québécois pour tenter de revenir en arrière en proposant de faire les mêmes demandes qu’à l’époque de Meech au gouvernement canadien. Le problème c’est qu’on a déjà joué dans ce film, on en connait déjà la fin. Et pour négocier, il faut que le Canada soit ouvert à la négociation. Or depuis longtemps, le Canada est fermé aux revendications québécoises. La constitution canadienne a été placée dans un coffre, verrouillée à double tour et la clé a été jetée.

L’union fait la force
Avec la baisse de son poids politique dans le Canada, il est maintenant clair que plus jamais le Canada ne sera ouvert aux demandes du Québec

Si les Québécois ne veulent pas sombrer dans l’oubli et ne devenir qu’une simple composante de ce grand Canada plutôt que d’en être un des bâtisseurs, ils devront retrouver leur confiance, leur fierté et leur force qui les a fait résister depuis les débuts de la conquête anglaise.

Pour cela, il faudra se réunir. Tous celles et ceux qui croient au Québec, qui pensent que le Québec est essentiel à la diversité de notre belle planète et doit avoir sa place à jamais dans cette partie de l’Amérique du Nord devront laisser de côté leurs divergences et miser sur ce qui les unit.

Qu’on soit partisan de Québec solidaire, d’Option nationale, du Parti québécois, de la
Coalition avenir Québec et même du Parti libéral, si on pense un instant que le Québec
pour devenir fort, pour passer à travers le temps, pour se développer tant culturellement qu’économiquement doit devenir un pays, alors il faut s’unir, voir au-delà des partis et mettre notre travail en commun, se donner la main, se serrer les coudes afin de bâtir un Québec