Le PLC et la loi 101 : un très long chemin

Le gouvernement Trudeau affirme que le gouvernement doit tenir compte de la « réalité particulière du français » et « renforcer » la Loi sur les langues officielles du Canada, dans son discours du Trône prononcé le 23 septembre.

Cet article est une parfaite illustration que seule l’indépendance du Québec représente une solution viable pour la défense du français sur le territoire.

L’enjeu du français, c’est au Québec que ça se règle!

Article de Michel C. Auger  |  RADIO-CANADA

Il faudra plus que les bonnes intentions de quelques ministres pour espérer des actions concrètes du fédéral.

 

Quand la loi 101 a été présentée à l’Assemblée nationale, en 1977, le premier ministre et chef du Parti libéral du Canada (PLC) Pierre Trudeau disait que « le Parti québécois montre enfin ses vraies couleurs », celles d’un parti qui veut l’établissement d’une « société ethnique […] qui va même contre la liberté de parole et d’expression ».

Pas besoin d’expliquer longtemps qu’il considérait que la loi 101 heurtait de front sa vision d’un pays bilingue. Mais il est passé à l’attaque lors du rapatriement de la Constitution en 1981, alors qu’il faisait inscrire des articles qui visaient directement à renverser certains aspects de la loi 101, entre autres sur la langue d’enseignement. Ce que la Cour suprême du Canada a très explicitement reconnu dans l’un de ses premiers jugements sur la Charte canadienne des droits et libertés.

L’essentiel de la loi 101 restait toutefois intact et, pour les libéraux fédéraux, elle est devenue quelque chose qu’on doit tolérer sans l’aimer. Ce qui ne les empêchait pas de se réjouir quand certains de ses aspects – souvent assez secondaires – ont été invalidés par les tribunaux.

Cela a changé quand la Cour suprême a invalidé les dispositions obligeant l’affichage commercial uniquement en français. Robert Bourassa avait invoqué la disposition de dérogation, ce qui était proche du péché originel pour les libéraux fédéraux, alors dans l’opposition.

Cette décision de M. Bourassa devait contribuer fortement à l’échec de l’accord du lac Meech que Pierre Trudeau avait vertement dénoncé et que Jean Chrétien avait aussi combattu.

 

Une grande loi canadienne

Il a fallu l’arrivée de Stéphane Dion à la tête du PLC, après le départ de M. Chrétien, pour que la position du PLC change un peu. M. Dion avait – en causant une surprise certaine chez bien des libéraux – qualifié la loi 101 de grande loi canadienne.

Il est devenu le premier chef libéral fédéral à admettre le principe de la nécessité d’une protection législative du français au Québec. Et il reconnaissait implicitement que le Canada n’aurait peut-être pas survécu au référendum de 1995 sans la sécurité linguistique et culturelle que la loi 101 avait donnée aux francophones du Québec.

Ce n’est sans doute pas ce que la plupart des Québécois francophones retiennent du passage de M. Dion à la tête du PLC, mais il reste qu’il avait lancé une réflexion sur la question linguistique au sein du parti. On n’était plus à l’époque d’une implacable opposition de principe.

Il y avait tout de même toujours des objections. En 2012, Justin Trudeau, alors simple député, disait s’opposer aux plans du gouvernement du Parti québécois (PQ) de restreindre l’accès au cégep en anglais. Mon inquiétude, c’est qu’on se retrouve à punir les Québécois francophones qui veulent que les enfants développent une capacité en anglais, la langue du commerce international. Je pense que ce n’est pas aller dans la bonne direction, disait-il.

Ce qui nous mène à la situation actuelle où certains ministres fédéraux québécois, Mélanie Joly à leur tête, veulent faire quelque chose pour contrer ce qu’ils estiment être un recul du français au Québec. À condition de convaincre leur premier ministre, qui reste encore bien vague sur la question.

 

Une première mention dans le discours du Trône

Reste que le discours du Trône de septembre dernier ouvrait la voie. Le gouvernement du Canada doit également reconnaître que la situation du français est particulière. Il y a près de 8 millions de francophones au Canada dans un océan de plus de 360 millions d’habitants principalement anglophones [en Amérique du Nord]. Le gouvernement a donc la responsabilité de protéger et de promouvoir le français non seulement à l’extérieur du Québec, mais également au Québec.

Voilà une notion que le Parti libéral de Pierre Elliott Trudeau ou de Jean Chrétien aurait ouvertement combattue. Sur ce point, le PLC revient donc de loin.

Le problème, c’est de trouver ce que le gouvernement fédéral peut bien faire pour promouvoir le français qui aurait un effet tangible et perceptible sur le terrain. Dans le cadre de compétences fédérales, c’est loin d’être évident.

Le gouvernement a annoncé une modernisation de la Loi sur les langues officielles. Mais la loi garantissant déjà l’accès aux services du gouvernement fédéral aux francophones – et, au Québec, il n’y a pas vraiment beaucoup de plaintes à cet égard, sauf peut-être pour Air Canada – on ne peut pas vraiment utiliser ce véhicule pour promouvoir le français.

Le gouvernement Legault aimerait que la loi 101 s’applique aux sociétés sous juridiction fédérale, soit les télécommunications, les transports, les banques et les institutions financières. C’est, en tout, seulement 135 000 travailleurs.

Ces sociétés n’ont pas d’obligation d’obtenir le certificat de francisation prévu par la loi 101, mais l’ancienne première ministre Pauline Marois avait noté, quand elle était au pouvoir, que 60 % le faisaient déjà volontairement.

Pour ce qui est du service aux clients francophones, il n’y a guère de plaintes dans ces secteurs où la concurrence est très forte et où on s’arrache littéralement les clients. Ce n’est pas du tout comme la situation des plus petits commerces du centre-ville de Montréal.

Enfin, il y a un véritable obstacle constitutionnel. Ottawa ne peut pas tout simplement décider de céder une de ses juridictions au Québec comme ça. Pour les banques ou les télécommunications, plusieurs experts disent qu’il faudrait un amendement constitutionnel. Autant dire d’oublier ça.

Certes, le PLC a fait un long chemin sur cette question. Mais il faudra pas mal plus que les bonnes intentions de quelques ministres pour que cela se traduise par des actions concrètes qui donneraient des résultats tangibles.