Par Jean Décary – Historien et auteur, dans Le Devoir du 26 mars 2014
[…] La menace référendaire alimentée par le Parti libéral du Québec, infondée à l’heure actuelle, nous permet de constater que plusieurs Québécois ont la mémoire courte.
Les épouvantails brandis aujourd’hui par les troupes fédéralistes ont des allures de déjà-vu : perte du passeport canadien et des pensions de vieillesse, problèmes liés aux frontières et à la dollarisation, etc. Le portrait d’un Québec souverain est glauque. Les défenseurs du fédéralisme ont le don d’instrumentaliser ces peurs ataviques. Et si on resituait le débat à la source du problème : l’épanouissement du Québec dans le Canada.
Quoi qu’on en dise, le nationalisme a été un ingrédient essentiel à la survie des Québécois. Ce nationalisme a freiné leur assimilation et a permis leur émancipation. Les Québécois de la Révolution tranquille ont voulu être traités d’« égal à égal », pour reprendre le slogan du parti de Daniel Johnson père. Cette dure recherche de l’égalité a mené à bien des confrontations avec l’autorité centrale. Le fameux « What does Quebec want » est demeuré une question dont on n’a jamais réellement voulu entendre la réponse. […]
Au moment où les Québécois réfléchissent à leur avenir politique, ils ont le devoir de se rappeler l’inaction du gouvernement fédéral devant leurs aspirations légitimes. Les défaites référendaires, plutôt que d’être interprétées comme des signaux d’un mal profond, ont incité le gouvernement fédéral à redoubler d’ardeur dans son Nation Building. Tous les moyens étaient bons pour faire rentrer le Québec dans les rangs.
Un vote pour le PQ n’est pas un vote pour un référendum, quoi qu’en disent nos traditionnels fabricants de peur. Se pourrait-il même qu’un vote pour le PQ soit la simple expression de l’inconfort réel de nombreux Québécois à vivre dans un pays qui nie leur spécificité ? Depuis tout ce temps, et après deux référendums, le gouvernement d’Ottawa et nos compatriotes hors Québec devraient pourtant avoir pris acte de ce persistant malaise. Mais non. Il revient donc aux électeurs québécois, y compris tous les fédéralistes réformistes fatigués, de se donner le rapport de force nécessaire pour enfin négocier d’égal à égal et, ultimement, faire en sorte que le Québec s’épanouisse, à l’intérieur ou à l’extérieur du Canada.