Les Catalans disent Oui à l’indépendance

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LA PRESSE

Quelque 80,7% des personnes ayant participé au vote symbolique sur l’indépendance organisé dimanche en Catalogne se sont prononcés en faveur de celle-ci, soit 1,6 million de voix, selon des résultats provisoires diffusés par l’exécutif catalan.

Ces résultats diffusés après dépouillement de 88,4% des bulletins indiquent que 1 649 .239 personnes ont voté deux fois «Oui» aux questions «Souhaitez-vous que la Catalogne soit un État ? Et si «oui, souhaitez-vous qu’il soit indépendant ?», a annoncé Joana Ortega, vice-présidente de l’exécutif.

Selon elle, au moins deux millions de personnes ont participé à la consultation.

Ces résultats sont cependant à interpréter avec prudence, les opposants à l’indépendance ayant annoncé qu’ils boycotteraient le scrutin.

catalogne-ide-okC’est donc essentiellement des sympathisants de la cause indépendantiste qui se sont déplacés dans les bureaux de vote de la puissante région du nord-est de l’Espagne, comptant 7,5 millions d’habitants.

Selon ces résultats, 10,1% des participants ont tout de même voté Non à la deuxième question, 0,98% ont voté blanc et 4,55% ont voté non aux deux.

Quelque 5,4 millions de Catalans pouvaient en théorie participer à cette consultation ouverte aux jeunes à partir de 16 ans et aussi aux étrangers résidant en Catalogne. Les Catalans à l’étranger – New York, Sidney, Paris… – pouvaient également se rendre dans des centres de vote.

En organisant le scrutin, Artur Mas, le président catalan, a passé outre deux décisions du tribunal constitutionnel qui a suspendu le vote à la demande de Madrid. Le gouvernement espagnol estime en effet que seul l’ensemble des Espagnols a le droit de se prononcer sur l’avenir de la Catalogne.

Objectif: un référendum définitif

«Nous allons essayer de convaincre les gens à Madrid, après ce 9 novembre, que les Catalans ont droit à un référendum avec ses conséquences politiques, comme les Écossais (…) et les Québécois. Pourquoi pas la Catalogne?», a déclaré le président nationaliste Artur Mas après avoir voté.

Les Écossais ont dit non à l’indépendance le 18 septembre, les Québécois de même en 1995.

Les votants étaient également invités à signer une pétition adressée notamment aux Nations unies pour dénoncer l’atteinte à leur droit de décider de leur avenir politique.

Le gouvernement espagnol soutient que la Constitution ne permet pas aux régions d’organiser de référendum sur une question concernant tous les Espagnols.

À deux reprises, les juges ont ordonné, à sa demande, la suspension des préparatifs du scrutin, et en particulier l’utilisation des moyens de l’État, même s’il implique surtout 40 000 bénévoles. «Le responsable c’est moi et mon gouvernement», a déclaré dimanche M. Mas, assumant plus que jamais et ouvertement le risque d’être poursuivi.

Après avoir tenté de l’empêcher, le chef du gouvernement Mariano Rajoy a finalement minimisé l’importance de cette consultation. «Ce n’est ni un référendum, ni une consultation, ni rien qui y ressemble (…) Ce qui est certain, c’est que cela n’aura aucun effet», a-t-il dit samedi.

Il a cependant choisi de ne pas aller à l’affrontement, laissant le vote se dérouler sans incident et dimanche, aucun policier n’était visible aux abords des bureaux.

À Sant Pere de Torello, petit village indépendantiste du centre de la Catalogne, la moitié des habitants au moins, 1300 personnes, est allée voter comme s’il se rendait à une fête. «Ce scrutin n’a pas d’effet immédiat, mais à la longue son importance sera historique», estimait un habitant Xavier Bardolet, 44 ans.

La mésentente avec Madrid ne cesse de s’aggraver depuis qu’en 2010, le tribunal constitutionnel a amendé un «statut d’autonomie» en vigueur depuis 2006 accordant de nouvelles compétences à la Catalogne et la reconnaissant en tant que «nation».

Lavage de cerveau

La région frappée par la crise et produisant un cinquième du PIB de l’Espagne a ensuite exigé le droit de recueillir et gérer les impôts, sans succès.

Artur Mas s’est alors rapproché des indépendantistes, jusqu’à promettre un référendum dès 2012.

Mais ses opposants dénoncent un «lavage de cerveau». «Je suis né à Barcelone, j’ai 53 ans, j’ai toujours vécu ici. Ce débat n’existe pas dans la rue», assurait ainsi dimanche un cafetier, Carlos Campuzano: «C’est totalement artificiel (…) pour détourner l’attention» d’autres problèmes notamment la corruption.

À Barcelone, des groupuscules d’extrême droite ont brûlé un drapeau catalan, au nom de l’Espagne des patriotes, arborant le symbole des «Falanges», le mouvement franquiste.

«Un succès total»

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Le président catalan Artur Mas a estimé que le vote organisé dimanche en Catalogne avait été «un succès total», avec plus de deux millions de participants, ajoutant que cela prouvait «que la Catalogne veut se gouverner seule».

«Plus de deux millions de personnes c’est un succès total dans les conditions» présentes, a-t-il déclaré devant la presse internationale.

«Que personne ne l’oublie, en particulier le gouvernement espagnol: la Catalogne a démontré une fois de plus qu’elle veut se gouverner seule et que nous sommes suffisamment grands et adultes pour le faire», a-t-il martelé avant d’ajouter que «toutes les nations ont le droit de décider de leur avenir».

«Nous ne voulons le faire contre personne. Nous voulons le faire pour nous, et pour le bien de tous», a-t-il poursuivi à l’occasion de ce point de presse fait en catalan, espagnol, anglais et français, très soucieux de l’image de la grande région du nord-est de l’Espagne, comptant 7,5 millions d’habitants, à l’étranger.

«Je regrette que les premières réactions à Madrid ont une fois de plus été des réactions teintées d’une grande myopie politique et d’une grande indifférence, voire de l’intolérance. Cela me laisse un goût amer, car aujourd’hui (à Madrid) ils avaient une opportunité en or de comprendre le message», a-t-il encore dit.

À peine une heure plus tôt le ministre de la Justice du gouvernement espagnol Rafael Catala avait, au nom du gouvernement, dénoncé un «simulacre» de consultation, «stérile et inutile», estimant qu’il avait été organisé uniquement dans un but de propagande.

L’organisation par l’exécutif catalan de ce vote symbolique sur l’indépendance, auquel ont essentiellement participé des habitants acquis à la cause, avait été interdite par le tribunal constitutionnel à la demande de Madrid, qui estime que seul l’ensemble des Espagnols peut se prononcer sur l’avenir d’une des 17 régions du pays.

 

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