Josée Legault | Journal de Montréal
Mon billet posté ce mercredi sur mon blogue a fait beaucoup réagir. Le mot «colère» revenant souvent. Et avec raison.
Le sujet était celui-ci :
La Presse rapporte que «le Barreau du Québec et celui de Montréal demandent aux tribunaux d’invalider les lois ou les règlements adoptés par le gouvernement du Québec et l’Assemblée nationale au motif qu’ils sont inconstitutionnels.
Dans une procédure déposée au palais de justice de Montréal vendredi, l’ordre professionnel des avocats et sa branche montréalaise affirment que le processus d’adoption des lois par le législateur québécois n’est pas conforme à la Constitution canadienne.
L’adoption des textes législatifs devrait se faire simultanément en français et en anglais, fait valoir la procédure d’une vingtaine de pages signifiée par le cabinet Jeansonne Avocats inc. au président de l’Assemblée nationale, Jacques Chagnon, et à la procureure générale du Québec, Stéphanie Vallée. Or, ce que «l’Assemblée nationale fait présentement», note la demande introductive d’instance, est «d’établir un processus législatif pratiquement unilingue suivi d’une traduction à la toute fin du processus d’adoption».»
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Le titre de mon billet – Les colonisés du Barreau -, faisait référence à ce passage du livre brillant d’Albert Memmi, Portrait du colonisé :
«Le colonisé n’est sauvé de l’analphabétisme que pour tomber dans le dualisme linguistique. (…) Dans le contexte colonial, le bilinguisme est nécessaire. Il est condition de toute communication, de toute culture et de tout progrès. (…) Mais le bilinguisme colonial ne peut être assimilé à n’importe quel dualisme linguistique. La possession de deux langues n’est pas seulement celle de deux outils, c’est la participation à deux royaumes psychiques et culturels. Or, ici, les deux univers symbolisés, portés par les deux langues, sont en conflit : ce sont ceux du colonisateur et du colonisé.»
En lançant sa requête, les Barreaux du Québec et de Montréal se comportent en effet comme des colonisés. Point.
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Comme pour le confirmer, voilà maintenant qu’on apprend aussi de La Presse que le «Barreau de Montréal a reçu «une subvention de 125 000 dollars» d’un programme fédéral afin de «couvrir les frais liés» au recours juridique déposé avec le Barreau du Québec pour faire invalider les lois et les règlements adoptés par l’Assemblée nationale au motif qu’ils sont inconstitutionnels».
Cet argent du fédéral – donc venant de tous les contribuables du Canada, dont ceux du Québec -, provenant des «fonds du Programme d’appui aux droits linguistiques».
Pour la vice-cheffe du Parti québécois, Véronique Hivon, «c’est ajouter l’insulte à l’injure». Pour le député de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois : «Déjà, je trouvais la poursuite mal placée, voire loufoque. Aujourd’hui, j’apprends qu’elle est financée par un programme fédéral. Je trouve cela insultant.»
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Dans les faits, depuis 2017, soit sous le gouvernement de Justin Trudeau, ce programme fédéral d’appui aux droits linguistiques est redevenu le Programme de contestation judiciaire (PCJ), en version modernisée.
Fait à noter: le PCJ avait été établi pour la première fois en 1978, sous le premier ministre Pierre Elliott Trudeau, le père du premier ministre actuel.
Ce programme prévoit un budget annuel de 5 millions de dollars.
Son objectif officiel est de «fournir un soutien financier aux Canadiens afin qu’ils aient accès aux tribunaux pour des causes types d’importance nationale. Ce soutien vise aussi à clarifier et à faire valoir certains droits constitutionnels et quasi constitutionnels en matière de langues officielles et de droits de la personne au Canada.»
Traduction : lorsque le gouvernement fédéral parle de «droits constitutionnels et quasi constitutionnels en matière de langues officielles», c’est en fait du langage politique très codé. Dans la réalité des choses, le volet linguistique de ce programme de contestation judiciaire (PCJ) vise surtout à aider financièrement les minorités francophones hors Québec et anglophone du Québec à contester certaines lois devant les tribunaux. La loi 101 en a d’ailleurs longtemps subi les pires assauts.
Bref, quand les barreaux du Québec et de Montréal s’en réclament, ils se portent en fait à la défense de la minorité anglophone du Québec comme si, par le processus d’adoption des lois par l’Assemblée nationale, les «droits» des Anglo-Québécois s’en trouvaient brimés.
C’est d’une absurdité sans nom.
Dans mon billet de mercredi, avec un brin d’ironie, je demandais d’ailleurs si le Barreau se prenait tout à coup pour la réincarnation de l’ancien lobby anglo-québécois Alliance Québec.
En se prévalant de programme fédéral de contestation judiciaire, tout comme Alliance Québec le faisait, force est malheureusement de répondre oui…