Les dames de la Société : l’histoire des comités féminins

Par France Langlais  
publié dans  LE PATRIOTE

 

Claire Kirkland-Casgrain conférencière et Ministre d’État au 1er anniversaire du Comité féminin, conférence au Ritz Carlton le 23 février 1964.

Les femmes ont toujours fait partie de l’univers de la Société Saint-Jean-Baptiste. En 1902, elles créent le Comité des Dames patronnesses pour améliorer les conditions de vie des femmes canadiennes-françaises. Ces dames patronnesses formaient le premier comité féminin de l’Association Saint-Jean-Baptiste. En 1907, elles fondent la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste, première organisation féministe francophone, dont la devise était « Vers la justice, par la charité ». La Fédération a participé à l’érection du Monument national à la fin du 18e siècle et a contribué à plusieurs causes sociales, humanitaires et politiques, dont les luttes contre la violence, la pauvreté, la mortalité infantile, l’hygiène des enfants et l’alcoolisme.

Les plus connues à la tête de cet organisme, Caroline Dessaules-Béique et Marie Lacoste Gérin-Lajoie, en ont assumé la présidence dès le début. Idola St-Jean, qui donnait des cours de diction et d’élocution au Monument national, se joint au Comité pour le suffrage féminin, au milieu des années 1920. Ce travail de longue haleine soulèvera de nombreuses oppositions et ne portera ses fruits qu’en 1940 quand les femmes obtiendront le droit de vote au provincial.

Durant mes recherches, j’ai découvert Madame Alfred Thibodeau, moins connue politiquement, mais qui a été présidente de la FNSJB durant de nombreuses années ainsi que présidente d’honneur, jusqu’à son décès en 1962 à l’âge de 84 ans. Cette dame a été une bienfaitrice de l’oeuvre du Prêt d’honneur par ses dons généreux aux étudiants. C’est elle qui organisera la rencontre de Justine Lacoste-Beaubien et de la docteure Irma Levasseur qui voulait fonder son premier hôpital pour enfants au 644, rue Saint-Denis et qui deviendra plus tard l’hôpital Sainte-Justine grâce aux dames patronnesses de la FNSJB.

 

Mme Paul Massé v.p., Mlle Marie-Ange Madore présidente, Mme Paul Lippens 2e v.p, Mme Marcel Remillard, secrétaire du Comité Féminin 1963.

Comité féminin de la SSJB (1963-1964)

Le 23 février 1963, un groupe de femmes accède aux paliers de notre institution nationale en formant un comité féminin. Elles veulent collaborer officiellement aux activités de la Société. En à peine six mois d’existence, elles recrutent 600 membres, organisent trois activités et participent au Congrès provincial de la Fédération des Sociétés Saint-Jean-Baptiste. Mlle Marie-Ange Madore est première présidente; Mme Paul Massé, première vice-présidente; Mme Paul Lippens, deuxième vice-présidente et Mme Juliette Lalonde-Rémillard, la nièce du chanoine Lionel Groulx, est secrétaire du comité féminin.

Les femmes du comité organisent un premier Banquet féminin à l’hôtel Windsor, en hommage à la femme canadienne-française. Mme Paul Massé donne une conférence « Hier n’est plus! », pour donner des pistes à la femme moderne qui ne veut plus se contenter des tâches domestiques et du mariage, car son rôle a évolué. Les femmes désirent accéder à l’éducation supérieure. Mme Massé déclare : «… que s’il y a encore un sexe faible, ce n’est peut-être pas celui que l’on pense! ».

En septembre, deux cents membres assistent à un défilé de mode dans un salon de la compagnie Salada.

Le 23 février 1964, pour célébrer son premier anniversaire, le comité féminin organise un banquet à l’Hôtel Ritz Carlton. On invite Mme Claire Kirkland-Casgrain, ministre d’État dans le cabinet de Jean Lesage et première femme à porter le titre d’Honorable à la Législature de Québec, à prendre la parole. Sa conférence s’intitulait : « La condition juridique de la femme mariée ». La conférencière expliquait, entre autres que « …jusqu’à l’adoption du Bill 16, la femme mariée était, dans la province de Québec, dans la situation d’un enfant, d’un mineur, qui ne peut poser à peu près aucun acte juridique sans avoir au préalable obtenu la permission de son père ». Nous lui devons de pouvoir depuis ce temps signer un bail et ouvrir un compte de banque sans la signature du mari.

Mme Paul Massé, Mme Paul-Émile Robert, Mme Jean Drapeau et Mlle Marie-Ange Madore lors du Premier
banquet féminin à l’Hôtel Windsor, 29 janvier 1963.

C’était l’époque où les femmes devaient porter le nom de famille de leur mari. Aujourd’hui, il est très difficile de trouver leur prénom et nom de famille d’avant le mariage dans les moteurs de recherche.

En mars 1964, l’exécutif du comité féminin compte onze membres. Mme Jean-Paul Legault est nommée à la présidence. Les autres membres sont : Mme Yvette Harbeck, vice-présidente; Mlle Gisèle Thiboutot, secrétaire; Mlle Carmelle Drouin, trésorière; Mme Euclide Laliberté, publiciste et les conseillères Mlle Marie-Ange Madore, Mme Armand Sirois, Mme Fernand Laparé, Mme Georges Desrosiers, Mme Paul Massé et Mme Paul Lippens.

 

Armand Lavergne, président section Papineau, Marc Carrier, président de Dupuis et Frères et
Gisèle Thiboutôt, présidente section féminine Ville-Marie 1967.

Ces femmes participent activement au Bal de la St-Jean au chalet du Mont-Royal (vente des billets, relations publiques, réception des invités, etc.) et le Comité culturel de la Section féminine organise un concert qui remporte un vif succès. Elles donnent de précieux services au recrutement de membres, aux campagnes de financement du Prêt d’honneur, à l’organisation de conférences, colloques, défilés de mode, etc.

Du comité féminin à la section féminine Ville-Marie (1964-1973)

En 1965, le comité féminin change de dénomination pour la section féminine Ville-Marie. Sa présidente, Jacqueline Laparé, est musicologue et professeur d’art vocal. Le comité de direction est composé de Mme Gertrude Sirois, directrice du comité de l’Opération visage français; Mlle Gisèle Thiboutot, secrétaire; Mlle Carmelle Drouin, trésorière; Mme Yvette Harbeck; vice-présidente; Mme Jeanne-d’Arc Léger, directrice du comité d’action; Mme Édith Tellier, publiciste et les conseillères Denise Gillet, Micheline Chaussé et Lucille MacKay.

En juin, la section Ville-Marie organise le Concert Mozart à la Place des Arts avec la SSJB qui décerne les médailles Bene Merenti de Patria à trois artistes de la sphère musicale.

En 1966, la section Ville-Marie nomme Mlle Gisèle Thiboutot à la présidence. Elle demeurera à ce poste jusqu’en 1973. En mars 1967, Mme Gertrude Sirois de l’exécutif de la section Ville-Marie est élue au Conseil général, devenant la première femme à accéder à ce poste. Elle y demeurera jusqu’en 1973.

En juillet 1967, c’est l’année de l’exposition universelle à Montréal et la venue du Président de la République française, le général de Gaulle. La section Ville-Marie se joint à d’autres sections avec des affiches identifiées à la SSJB sur le parcours emprunté par le général jusqu’à la place de l’Hôtel de Ville pour entendre son célèbre discours. En septembre, la section offre un dîner musical au Pavillon de l’Hospitalité de l’Expo, à la Cité du Havre.

De 1968 à 1973, la section féminine s’implique dans les différents dossiers de la SSJB. Elle organise des conférences, tient son assemblée annuelle, participe à des événements et manifestations, à des collectes de fonds et à plusieurs projets porteurs.

En 1974, la section Ville-Marie est dissoute à la demande des femmes qui désirent militer dans la section de leur territoire.

 

Comité Caroline-Béique (1979-1980)

En 1979, le Comité Caroline-Béique est constitué dans le cadre de la campagne préréférendaire au Québec. La petite-fille de Caroline Béique fait part des protestations de la famille concernant le choix du nom du comité d’action des femmes de la Société Saint-Jean-Baptiste. Elle menace de faire connaître publiquement ces protestations et son engagement pour le NON au référendum. À sa réunion du 28 janvier 1980, le Conseil général recommande d’ignorer ces protestations, car la famille ne peut rien faire juridiquement contre ce geste. Le nom du Comité Caroline-Béique demeurera. Le lancement officiel du comité est fait à la Maison Ludger-Duvernay.

Mme Michèle Tardif est nommée à la présidence de ce comité dans lequel militent les comédiennes Luce Guilbault et Michèle Rossignol. Le 1er décembre 1979, une journée de formation est donnée à l’UQAM pour analyser le livre blanc sur la souveraineté-association. Une centaine de personnes y participent. Les femmes de la SSJB contribuent à ce succès. Les responsables des sections et des régions projettent la formation d’assemblées de cuisine, le porte à porte, et le recrutement pour augmenter le nombre de membres.

Madame Andrée Ferretti dépose un rapport et lit les recommandations du comité qui sont soumises au Conseil général : les créations du Grand Prix Caroline-Béique et d’une section féminine Caroline-Béique qui ne verront pas le jour. Après le référendum de mai 1980, le Conseil général ne renouvelle pas ce comité, mais il continue de parler d’indépendance et de préparer le référendum de 1995.

 

Paul-Émile Robert et son épouse et Jacqueline Laparé lors du Concert organisé
par le Comité culturel féminin SSJB 1964.
Paul-Émile Robert et son épouse et Jacqueline Laparé lors du Concert organisé
par le Comité culturel féminin SSJB 1964.

 

Comité Marie-Gérin-Lajoie (1985)

Les membres du comité Marie-Gérin- Lajoie sont Nicole Boudreau, Lise Gagnier, Liliane Goulet, Berthe Jacob, Rolande Montpetit et Mariette Prince. Le 8 décembre 1985, un brunch est organisé au restaurant Hélène de Champlain. La centaine de femmes présentes, dont la moitié n’était pas membre de la SSJB de Montréal, écoute les conférencières invitées. L’idée était de rassembler un groupe de femmes en atelier pour traiter des questions suivantes : « Est-il toujours souhaitable de joindre ou de créer des regroupements exclusivement composés de femmes et quels types d’action sont à privilégier? »

Je m’arrête en 1986, alors que le comité Marie-Gérin-Lajoie ne poursuit pas sur sa lancée. Il faut dire que cette année-là, un événement extraordinaire est survenu, et explique sûrement cette interruption, soit l’élection de la première femme à la tête de la présidence de la Société Saint-Jean-Baptiste, madame Nicole Boudreau. Celle-ci a toujours su s’entourer tant des féministes, que des gens du milieu des arts et du politique pour faire avancer plusieurs causes qui lui tenaient à coeur, dans l’intérêt de la SSJB.

Voilà donc un peu d’histoire sur les comités féminins de la SSJB de Montréal que j’ai glanée, particulièrement dans nos archives. Je me devais de vous faire connaître ces femmes remarquables et de souligner leur apport. Je tiens à souligner que les femmes sont plus que jamais présentes et indispensables dans nos instances. Elles participent dans des comités mixtes et prennent la place qui leur revient. Je les salue.

 

Sources :
Archives de la Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal
Encyclopédie Wikipedia
Lavigne, Marie et, Michèle, Stanton-Jean
« Idola Saint-Jean, l’insoumise »,
Les Éditions du Boréal 2017