Lettre à Lise Ravary

MATHIEU BOCK-CÔTÉ | LE JOURNAL DE MONTRÉAL | 07 AOÛT 2014

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Photo : Inconnu

Chère Lise, tu signais il y a quelques jours dans le Journal de Montréal une chronique où tu donnais le nationalisme écossais en exemple aux souverainistes québécois. Le premier serait inclusif et le second exclusif, parce que le premier serait civique et déploierait un argumentaire à peu près exclusivement économique alors que le second jouerait sur la carte de l’identité et pousserait à la régression ethnique. On connaît la chanson: on trouve toujours ailleurs dans le monde un nouvel exemple pour faire le procès des souverainistes, qui ne seraient jamais assez ouverts, modernes, branchés. Ce n’est pas vraiment nouveau non plus. Ce procès a dominé la culture politique post-référendaire, mais il nous revient, aujourd’hui, vêtu d’un kilt.

On l’aura compris, tu instrumentalises le cas des Écossais et tu oublies deux ou trois choses fondamentales en nous en parlant. Tu laisses de côté la part de l’histoire dans leur nationalisme. Pourtant, s’ils veulent se séparer, c’est nécessairement parce qu’il y a un «nous» écossais, qui ne recoupe pas le nous britannique. Si les Écossais veulent se séparer de la Grande-Bretagne, c’est qu’ils se reconnaissent comme une nation à part entière, et non seulement comme un agrégat d’individus sans liens nationaux, et si on leur promet une dévolution encore plus poussée s’ils votent Non, c’est qu’à Londres, on reconnaît explicitement leur différence nationale. Le «nous» écossais a beau être inclusif, il n’inclut manifestement pas la Grande-Bretagne. Par définition, en quelque sorte.

Évidemment, chaque peuple vit son identité à sa manière. Au Québec, la défense de l’identité culturelle et linguistique traverse notre histoire. Notre nationalisme s’y alimente, même s’il ne s’y réduit pas (et bien évidemment, en Écosse, la question linguistique ne se pose pas). Et qu’on le veuille ou non, cette identité est portée par une majorité francophone, qui en représente le socle historique et sociologique irremplaçable. Si cette dernière n’est plus considérée comme la culture de référence et de convergence, si elle n’est plus qu’une communauté parmi d’autres, le Québec est appelé à se dissoudre dans le Canada multiculturel de 1982. Devenir Québécois ne devrait pas vouloir dire la même chose que devenir Canadien. Pour reprendre tes mots, le Québec est inclusif. Mais on ne s’inclut pas à une société vide et amnésique: on s’intègre à un peuple en intériorisant ses références collectives.

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