Par Michaël Pratte – Coteau-du-Lac, dans Le Devoir du mardi 11 mars 2014
[…] Assis dans le CLSC, j’entends les infirmières qui appellent les patients. « Numéro dix-huit/eighteen ». Je vis depuis ma naissance dans une région très majoritairement francophone. Du moins, elle l’était. […]
[…] Il n’y a pas longtemps, j’aurais dit que ma région se bilinguise, mais le mot « diglossie » faisant partie de mon vocabulaire, je dirais plutôt que ma région s’anglicise. « Numéro dix-neuf/nineteen ». Je me réfugie dans mon Devoir. J’y apprends que le chef du PLQ s’engage à offrir aux enfants du Québec « la possibilité indispensable (sic) d’être bilingue ». Je n’ai plus seulement mal à ma région, j’ai mal à mon pays. « Numéro vingt/twenty ».
[…] Pour l’instant du moins. Je suis à gauche, extrêmement à gauche même. Mais j’entends des choses dans mon quotidien que mes amis vivant à l’est du boulevard Saint-Laurent ne sont pas habitués d’entendre. Cette façon de parler 50/50. Ces constants « Bonjour/Hi » que je n’entendais jamais il y a 10 ans. L’arrivée de ce milliardaire en politique pourrait changer la donne quant à la réalisation possible de la souveraineté. Et je suis profondément convaincu que la souveraineté est le seul remède qui pourrait nous prévenir de cette assimilation en cours que je vois évoluer tous les jours dans ma région. Une des infirmières est sortie. Elle va dire mon numéro. « Numéro vingt et un »… Ému, je l’ai remercié de m’avoir appelé seulement dans la langue commune et d’avoir fait fi de la diglossie à la québécoise. […]