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L’héritage des premières féministes de la FNSJB

Nouveau Prix Hélène-Pedneault
décerné à Régine Laurent:

L’héritage des premières féministes de la FNSJB

 

Dans le contexte du 75e anniversaire de l’obtention du droit de vote des femmes au Québec, la Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB) de Montréal a résolu de lancer le nouveau Prix Hélène-Pedneault. Ce prix honore une Québécoise s’étant distinguée dans le combat pour l’avancement de la cause des femmes au sein de la société civile, à l’image de l’écrivaine Hélène Pedneault, décédée en 2009, qui fut aussi impliquée, entre autres, dans la cause environnementale et la cause indépendantiste. Le 24 septembre dernier, Régine Laurent, présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé, a été la première à recevoir cette distinction en présence de nombreuses figures féminines notoires.

La SSJB et plus particulièrement ses membres féminines ont joué un rôle majeur dans l’histoire du mouvement des femmes au Québec avec la fondation en 1907 de la première association féministe francophone: la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste (FNSJB). Petit retour sur cet héritage encore trop méconnu.

 

La première ministre prend la parole lors de la remise du prix Hélène Pednault à Régine Laurent
La première ministre prend la parole lors de la remise du prix Hélène Pednault à Régine Laurent

 

Historique de la FNSJB

Au 19e siècle, dans la foulée de la révolution industrielle, plusieurs groupes dédiés au progrès des intérêts des femmes voient le jour au Canada. Mais ce n’est qu’à partir de 1893 que le mouvement éclot véritablement au Québec, avec la création du Montreal Local Council of Women (MLCW), une section du Conseil national des femmes du Canada composée surtout de femmes anglophones, à laquelle prennent tout de même part plusieurs bourgeoises francophones.

Au sein du MLCW, une poignée de militantes francophones entendent revendiquer davantage leur appartenance au Canada français ainsi qu’à la religion catholique, et cesser d’être «à la merci des protestantes». Elles souhaitent rendre leurs actions plus en phase notamment avec les orientations prônées par le pape Léon XIII dans son encyclique Rerum Novarum  (1891) qui encourage la propagation de la foi catholique au sein des associations de la société civile.

Ainsi, dès 1902, Joséphine Marchand-Dandurand, Marie Lacoste-Gérin-Lajoie, Marguerite Thibaudeau ainsi que Caroline Dessaulles-Béique, épouse du sénateur Frédéric Ligori-Béique, alors président général de la Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB) de Montréal,  décident de former au sein de cette institution, un comité de Dames patronnesses qui s’adonnent à des activités de charités et d’actions nationales en complémentarité avec les projets de la SSJB.

Cinq ans plus tard, le 26 mai 1907, elles créent la FNSJB avec une charte et des règlements qui concrétisent son autonomie face à la SSJB ; et délaissent en l’occurence le MLCW. La première présidente est Caroline Dessaulles-Béique, mais c’est Marie Lacoste-Gérin-Lajoie, présidente de 1913 à 1933, qui sera la figure la plus marquante de ce mouvement.

Inspirée par le mouvement français du « féminisme chrétien » initié par Marie Maugeret, la FNSJB a pour objectif de « grouper les Canadiennes françaises catholiques en vue de fortifier par l’union leur action dans la famille et dans la société ». Plus précisément, la FNSJB, qui fut qualifiée à tort par des féministes des années 70 de mouvement maternaliste voire conservateur, contribue avec ses activités de nature économiques et d’éducation : à déployer des mesures pour contrer la pauvreté des femmes, la violence envers elles et l’alcoolisme, à faire reconnaître et améliorer les conditions de travail des domestiques, à prévenir la mortalité des enfants en bas âge avec la fondation des Gouttes de lait pour les jeunes mères où seront administrées les campagnes de vaccination. Elles travaillent également avec ardeur à obtenir le droit de vote auprès des autorités politiques et religieuses, en plus de proposer des réformes au Code civil pour bonifier le statut juridique des épouses et de promouvoir l’accès des femmes à l’université et au marché du travail.

Membre dès 1911 de l’Union mondiale des ligues féminines catholiques, la FNSJB se propage progressivement dans les paroisses en créant plus de vingt-deux associations, accroissant sans cesse sa visibilité, entre autre grâce à la publication mensuelle du journal La Bonne Parole à partir de 1913 qui a comme devise : Vers la justice par la charité.

En 1922, quatre ans après l’obtention du droit de vote des femmes au fédéral, la FNSJB fonde le Comité provincial  pour le suffrage féminin (CPSF). Coprésidé par Marie Gérin-Lajoie, le comité se rend à Québec avec une délégation de 400 femmes pour essayer de convaincre le premier ministre Taschereau de leur bonne cause. Hostiles à leur  demande, les députés de l’Assemblée législative refusent d’adopter un projet de loi en leur faveur. Après cette défaite, Marie Lacoste-Gérin-Lajoie démissionne de la coprésidence du Comité provincial du suffrage féminin. Sans se retirer de cette cause qui lui tient à cœur, la FNSJB se consacrera alors à mener des actions d’éducation populaire afin notamment d’initier les femmes à l’art de voter.

Quelques années plus tard, en 1929, Marie Lacoste Gérin-Lajoie obtient la tenue d’une Commission d’enquête sur les droits civiques des femmes au Québec, appelée communément la Commission Dorion, où elle témoigne avec entre autres Thérèse Casgrain et Idola Saint-Jean. Lors du dépôt du rapport de la commission en février 1930, les femmes de la FNSJB peuvent se réjouir de voir être adoptées des mesures comme la libre disposition pour la femme mariée de son salaire et des biens acquis par cette dernière.

En 1965, la FNSJB se joint aux groupes féministes qui soulignent à l’occasion d’un colloque, le 25e anniversaire de l’obtention du droit de suffrage féminin. Un an plus tard, Marie-Ange Madore, la présidente de la FNSJB, s’associe à la Fédération des femmes du Québec (FFQ), une organisation laïque qui poursuivra les combats historiques de la Ligue des droits des femmes de Thérèse Casgrain (1896-1981) et de la FNSJB.

L’œuvre de la FNSJB aura représenté une étape importante dans le processus de libération des femmes, qui en 2015 reste encore à parachever.

 

Signature Maxime Laporte
Maxime Laporte,
avocat
Président, Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal

Texte co-écrit avec Josiane Lavallée,
historienne et conseillère générale.

 

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