Depuis quelques années, certains s’élèvent contre la représentation identitaire des Québécois. Aux yeux de ces critiques, s’affirmer, se définir, se déterminer et se distinguer en tant que Québécois, c’est suspect, c’est vu comme un renfermement sur soi, un refus de l’ouverture. Tout se passe comme si cette identité, cette affirmation de soi était dangereuse.
En fait, le véritable danger, c’est de ne pas avoir d’identité ou plutôt de la réprimer, de la cacher, de tout tenter pour la nier et faire comme si « l’identitaire » était une maladie dont il fallait absolument se défaire. Se nier soi-même, nier son histoire et son passé, refuser les attributs qui ont forgé les Québécois, ce n’est pas s’ouvrir aux autres, c’est se perdre dans les autres.
L’identité québécoise est diverse, riche, multiple et n’a pas de véritable équivalent sur la planète. Un croisement unique entre une culture française, une aventure amérindienne, une tradition anglaise et une immersion américaine. On doit en être fiers et rendre tout nouvel arrivant fier de ce que nous sommes.
Champlain, Conquête et américanité
Contrairement au mythe des colons français venus occidentaliser les autochtones vivant déjà ici, les colons français qui ont bâti la Nouvelle-France, l’ont fait en alliance avec les Amérindiens. Champlain ne débarquait pas ici avec ses gros sabots pour détruire et imposer sa nation ainsi que sa vision, au détriment des autochtones. Il a plutôt voulu faire une alliance entre les nations. C’est ainsi que chacun faisait un apport à l’autre. Dans les faits, nos ancêtres ont apporté leur savoir, leurs connaissances, mais, pour vivre et survire dans cette contrée sauvage et inhospitalière, ils ont aussi beaucoup bénéficié du savoir de nos ancêtres amérindiens. Ces ententes entre Champlain et les nations autochtones allaient jusqu’à une fusion, un mariage, un métissage. Les colons venus de France se sont donc mariés aux femmes autochtones. Les enfants issus de ces mariages, sont les premiers Québécois, bien avant le terme. Ce sont les premiers descendants, les premiers héritiers qui allaient forger notre identité. Et ce pendant environ 150 ans. Jusqu’à la Conquête anglaise.
Le conquérant anglais a quant à lui imposé sa vision, sa culture et sa langue. Bien sûr, là aussi il y a eu des alliances, mais au lieu d’être consensuelles, politiques ou entre les nations, ce furent surtout des alliances, entre les individus. Des unions, des mariages. Bien que le conquérant voulut s’imposer et qu’il a multiplié les tentatives pour faire disparaître la culture, la langue et effacer les traditions qui étaient présentes depuis le début de la Nouvelle-France, il en a été incapable. Ce peuple métissé a résisté, s’est tenu debout, s’est défendu, mais, du même coup, s’est aussi enrichi de la culture, des traditions et du savoir anglais. Bien qu’imposée, la présence anglaise a aussi forgé notre identité et défini ce que nous sommes.
On ne peut nier également que la religion catholique, souvent imposée elle aussi, a eu un impact non négligeable sur la conception de notre identité, sur la fabrication de ce que nous sommes aujourd’hui. Un des principaux apports de la religion catholique à l’identité québécoise, c’est indéniablement le maintien et la sauvegarde de la langue française. Les valeurs, les traditions et l’éducation que l’église catholique a transmises aux Canadiens français d’alors ont été d’une grande contribution à la définition de notre identité. Les privations, les interdictions et même les excès d’autorité, comme les impositions de grossesses annuelles à nos grand-mères, ont aussi façonné ce qui nous détermine aujourd’hui en tant que Nation.
Les nombreux immigrants à travers les époques, qu’ils soient Écossais, Irlandais, Italiens ou autres ont aussi contribué à modeler l’identité québécoise. Que ce soit la musique, la façon de commercer ou bien de cuisiner et beaucoup d’autres contributions, l’apport de leurs cultures, de leurs traditions est une part essentielle de ce que signifie être Québécois.
Une influence des plus importantes sur notre identité, c’est le territoire. Le Québec est terre d’Amérique. Ses habitants sont américains, des Nord-Américains. Il y a, bien sûr, une filiation incontestable avec nos cousins français. La langue, la culture, des politiques, des lois, plusieurs aspects de la société québécoise sont similaires, voire empruntés à la France, mais adaptés à notre réalité et bien ancrés dans l’univers nord-américain. Notre langue, notre cinéma, notre télévision, notre musique, notre relation avec les autres, nos valeurs, en fait presque chaque facette de la personnalité québécoise est plus ou moins influencée par notre appartenance à la grande Amérique.
Notre parcours est noble, diversifié, métissé, riche, rempli d’emprunts, chargé de contributions multiples, on se doit de le connaître, de l’honorer, de le partager et d’en être fiers. C’est cet ensemble, ce mélange, cet assemblage qui fait qu’on est Québécois, qui compose notre identité commune et collective. Lorsqu’on sait qui on est et d’où on vient, on a des repères sur lesquels s’appuyer pour mieux avancer et bâtir. C’est en s’appuyant sur ces repères, sur notre identité qu’il est aussi possible de mieux accueillir.
Accueillir
Ceux qui critiquent l’affirmation identitaire, le font en l’opposant à l’ouverture vers les autres, à l’ouverture au monde. Comme si l’affirmation de soi entraînait nécessairement la négation des autres, le repli sur soi. Ce qui est totalement incorrect, inexact et mensonger. Nous pouvons à la fois nous affirmer, dire qui nous sommes, quel est notre parcours, ce qui nous tient à coeur, quelles sont les valeurs que l’on partage collectivement tout en accueillant des gens, tout en étant généreux avec eux et en leur ouvrant les portes de notre société.
Se référer à l’identité d’un peuple ne devrait jamais être perçu comme négatif ou hostile aux autres. Dire qui nous sommes, d’où nous venons, quelle est notre histoire, quelles sont nos valeurs, comment nos différents ancêtres ont façonné notre personnalité collective, ça devrait être tout simplement normal pour tout peuple. Ce qu’on est, on ne devrait jamais en avoir honte, en faire abstraction, l’atténuer ou tenter de le faire disparaître.
Si nous nions notre identité, si on s’oublie soi-même devant l’autre, alors comment partager une culture commune? C’est là que réside le danger. Nier l’identité collective mène à la formation d’une culture parcellaire, d’une société segmentée, divisée, sans unité, où chacun est isolé et où toutes les valeurs se valent. Et cela, sans aucun partage de ce qui a été forgé ici depuis l’arrivée des premiers colons. L’objectif lorsqu’on reçoit de nouveaux arrivants, ce n’est pas d’ignorer la société d’accueil et d’en bâtir une nouvelle, mais c’est plutôt de vivre ensemble dans la société existante et de partager avec la nation qui s’est bâtie au fil des siècles.
Les nouveaux arrivants doivent savoir où ils arrivent, ils doivent connaître les repères, les références et ce qui est important pour leur société d’accueil. Il est de notre devoir d’être clairs pour bien les accueillir. Nous voulons partager avec eux, nous désirons qu’ils apportent leurs contributions à notre société, qu’ils contribuent à façonner notre identité, mais pour cela il faut aussi montrer qu’ils n’arrivent pas dans une société sans histoire, sans passé. Le Québec n’est pas une feuille blanche. Il y a ici une culture commune qui est riche et diverse, à laquelle nous invitons tous les nouveaux arrivants à se joindre et d’en être fiers.