L’immigration, le français et l’indépendance

CHARLES CASTONGUAY | L’AUT’JOURNAL | 09/06/2014 | (CBR)

« L’immigration est-elle nécessaire pour contrer le vieillissement de la population? Non. Une abondante littérature en démographie démontre qu’elle n’exerce qu’un effet marginal sur la structure par âge de la population d’accueil. Peu importe le nombre d’immigrants admis, donc, le vieillissement de la population québécoise aura lieu. Pour se reprendre sur ce plan, du moins à terme, mieux vaut s’empresser d’encourager les jeunes familles. » – Charles Castonguay

─ Une nouvelle dynamique des langues s’est manifestée au Québec. J’ai montré dans ma chronique précédente comment l’estompement graduel du poids tant de l’anglais que du français durant les années 1990 a fait place, au cours des années 2000, à une stabilisation du poids de l’anglais et à l’effondrement de celui du français.

Il faut stopper au plus vite ce dérapage. L’urgence d’agir va de soi pour qui tient au caractère français du Québec. Le statut du français ne peut que pâtir sur tous les plans de la détérioration rapide de son poids démographique par rapport à celui de l’anglais, aussi bien comme langue maternelle que comme langue d’usage.

Stopper la chute spectaculaire du français presse encore davantage pour qui souhaite préserver la possibilité que le Québec devienne un jour un pays. […]

Si l’appui au Oui parmi les non-francophones continue ainsi à stagner à environ un non-francophone sur dix, tandis que le poids des francophones, langue maternelle, poursuit sa chute libre et que celui des anglophones se maintient, voire augmente, la proportion de francophones qui devront voter Oui pour que cette option atteigne 50 % + 1 de l’ensemble des votants s’éloigne rapidement du réalisable.

En 1995, le Québec était à quelque 80 % francophone et 20 % non francophone. L’appui d’un non-francophone sur dix a alors contribué deux points de pourcentage au vote total pour le Oui. Celui-ci ayant presque atteint 50 %, 48 points sont donc provenus du vote francophone. Ce qui veut dire qu’environ 60 % de francophones (48/80) ont voté Oui.

Dans un Québec à 70 % francophone et 30 % non francophone, où le Oui continue à n’attirer qu’un non-francophone sur dix, un calcul semblable indique que pour atteindre un Oui global de 50 % + 1, plus des deux tiers des francophones devront voter Oui. Grosse commande. […]

L’immigration est-elle nécessaire pour contrer le vieillissement de la population? Non. Une abondante littérature en démographie démontre qu’elle n’exerce qu’un effet marginal sur la structure par âge de la population d’accueil. Peu importe le nombre d’immigrants admis, donc, le vieillissement de la population québécoise aura lieu. Pour se reprendre sur ce plan, du moins à terme, mieux vaut s’empresser d’encourager les jeunes familles.

L’immigration apporte-t-elle nécessairement richesse et prospérité? Non plus. Une copieuse littérature économique démontre qu’elle a un impact négligeable sur des indices cruciaux comme les salaires ou le PIB par habitant. Bref, « économiquement, le Québec n’a pas besoin d’immigrants ». […] « L’immigration ne permet pas de mitiger les effets négatifs du vieillissement de la population sur les finances publiques. Il n’est même pas certain qu’elle n’y ajoute pas en réalité un fardeau supplémentaire. » […]

« Il est donc irresponsable de continuer de naviguer à vue, obnubilés par des bénéfices imaginaires » […] Autrement dit, le discours dominant en matière d’immigration nous mène royalement en bateau. […] En définitive, il convient de repenser désormais l’immigration sur la base de finalités autres qu’économiques ou démographiques.

Dès lors, à moins de vouloir noyer le vote des francophones et boucler leur avenir à double tour, il ne reste aucune bonne raison pour accepter qu’on impose au Québec un objectif aussi mal fondé que 55 000 immigrants par année. Il incombe à ceux qui ne partagent pas les visées du PLQ de réclamer tambour battant de réduire de façon importante le niveau d’immigration, afin de stopper la défrancisation débridée du Québec au profit de l’anglais et de garder son avenir grand ouvert.

Qu’on me comprenne bien. Je suis pour l’immigration. Mais brisons enfin le tabou. De grâce, usons de considérations rationnelles et fixons de manière responsable son ampleur.

 SOURCE

-!-