Monsieur le Premier ministre,
Nous sommes conscients que vous êtes des plus occupés avec la situation pandémique qui perdure depuis deux ans. Nous comprenons que vous et votre gouvernement vivez une situation exceptionnelle et historique, mais nous voulons insister sur une autre situation exceptionnelle critique pour l’avenir de notre nation.
Prêtez l’oreille, Monsieur le Premier ministre, et écoutez les voix qui se multiplient pour demander au gouvernement d’assujettir les cégeps aux dispositions de la loi 101. De nombreux mémoires à ce sujet vous ont été remis lors des audiences sur le projet de loi 96 sur les statistiques ainsi que sur les projections qui nous démontrent qu’il s’agit d’une des mesures essentielles à la pérennité de notre langue officielle et commune, le français, et au sentiment d’appartenance à notre société. Aussi, vous êtes fort probablement au fait qu’en date d’aujourd’hui, il y a sept cégeps où les professeurs ont massivement voté pour demander que la loi 101 soit appliquée au collégial. En effet, le corps professoral du Collège Bois-de-Boulogne, du Collège de Maisonneuve, du cégep Sainte-Foy, du cégep La Pocatière, du Cégep de Rimouski, du Cégep Garneau et du Cégep régional de Lanaudière (Campus L’Assomption) a demandé que la seule solution viable soit appliquée pour que cesse une fois pour toutes cette situation intenable. Même que deux autres établissements devraient se joindre à cette liste au courant des prochaines heures. Au travers de ces résolutions votées par les professeurs en assemblée, c’est le terrain qui vous parle, Monsieur Legault. Serez-vous réceptif ?
Permettez-nous de vous rappeler que c’est au cégep que se fait la socialisation de bien des jeunes et que les choix culturels se définissent. Or, l’omniprésence de l’anglais dû aux Google, Instagram, TikTok, etc., fait en sorte que ces jeunes sont en immersion constante dans la culture anglo-américaine. Cette omniprésence doit être contrebalancée par une valorisation soutenue de la langue française et de la culture québécoise à l’école.
Aussi, impossible de passer sous silence une autre ombre fort menaçante qui s’invite dans le portrait en chute libre du français au Québec. Considérant la valeur accordée à l’anglais sur le marché du travail dans un contexte de mondialisation, les jeunes sont de plus en plus nombreux à se laisser convaincre par les avantages d’étudier en anglais au collégial. Si rien n’est fait pour contrecarrer ces ambitions estudiantines, c’est tout le réseau des cégeps francophones de la province qui risque d’en souffrir d’une manière irrévocable.
Francophile et homme de chiffres, les statistiques suivantes vous interpelleront certainement. 91 % des allophones au cégep anglais ont l’intention de s’inscrire ensuite à McGill et à Concordia tandis que ce n’est le cas que de 18 % des étudiants allophones fréquentant les cégeps de langue française. De plus, la majorité des étudiants inscrits au cégep anglais projettent de travailler en anglais après leur diplomation (72 % des allophones, 54 % des francophones). 76 % de ceux qui ont étudié en français travaillent plus de 90 % du temps dans cette langue alors que c’est seulement 18,5 % de ceux qui ont étudié en anglais. Les chiffres sont éloquents.
Il y a urgence nationale. Voilà pourquoi il faut agir maintenant et appliquer les dispositions de la loi 101 — sur la fréquentation de l’école primaire et secondaire en français — au niveau collégial. Dans la foulée, il serait logique que le gouvernement révise sa position relative au projet de loi 66 qui permet l’agrandissement de l’Université McGill en lui cédant une partie substantielle de l’ancien site de l’Hôpital Royal Victoria.
Il faut impérativement agir sur la langue des études collégiales. Il s’agit d’un élément incontournable au succès de la réforme de la Charte de la langue française.
Marie-Anne Alepin, Présidente générale de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal
Maxime Laporte, Président du Mouvement Québec français