Jean-Pierre Durand | Le Patriote sept 2016
Je crois qu’il est dans l’ordre des choses de présenter succinctement le professeur Norman Cornett à nos lecteurs, car je suis d’avis que fort peu le connaissent… et c’est dommage. D’abord, ce Texan de naissance, établi à Montréal depuis déjà des décennies, est tout autant Québécois que vous et moi. Enseignant de formation, francophile qui maîtrise admirablement bien notre langue, cet homme ne laisse personne indifférent sur son passage. Et pour cause !
On comprendra alors que la cinéaste amérindienne Alanis Obomsawin lui ait consacré un long métrage en 2009, intitulé Professeur Norman Cornett : « Depuis quand différencie-t-on la bonne réponse d’une réponse honnête ? », que je vous invite à visionner gratuitement sur le site de l’Office national du film (le film est en anglais et sous-titré en français). Ce documentaire raconte les déboires du professeur Cornett alors qu’il enseignait à l’Université McGill, à la faculté d’études religieuses, et qu’il fut congédié en 2007, après quinze années d’enseignement. Que reprochait-on à M. Cornett ? Ses méthodes non conventionnelles ? Jamais l’université ne lui fournira d’explication, en dépit des pétitions, des appuis reçus de toutes parts, des lettres dans les journaux. Nenni.
Ce que nous montre le film, c’est la passion qui se dégage de ce professeur, l’affection que lui porte ses étudiants et ses collègues, si bien qu’on ne peut comprendre pourquoi une université puisse oser se départir d’un tel pédagogue. Les sujets qu’il aborde sont variés : soins palliatifs, crise d’Oka, conflit israélo-palestinien… rien n’est tabou. Il reçoit dans ses cours des sommités de la musique (Oliver Jones) ou de la politique (le Premier ministre Lucien Bouchard) pour discuter et échanger librement avec ses étudiants. Jusqu’à ce jour – cela fera bientôt 10 ans – McGill refuse de lui donner des explications pour ce limogeage pour le moins cavalier. Cela en est choquant…
Mais au-delà de la controverse, il y a le professeur et ses méthodes d’enseignement non orthodoxes, qui fascinent ceux à qui il enseigne et qui troublent tant les hautes instances académiques. Devenu orphelin de McGill, le professeur Cornett n’en poursuit pas moins son enseignement et, notamment, son approche (ou sa philosophie) dialogique. À travers ses cours, ses conférences et ses ateliers, le professeur n’est pas là d’abord pour donner les bonnes réponses, mais pour que les étudiants posent les bonnes questions. Et, aux auditeurs ou étudiants craintifs d’intervenir, le leitmotiv de M. Cornett demeure invériablement le même : « La seule mauvaise question est celle que l’on n’ose pas poser… »
À la SSJB, on a entendu parler de M. Cornett quand celui-ci nous a alerté, à juste titre à part cela. En effet, comme d’autres citoyens inquiets, le professeur avait eu vent que la maison natale de l’illustre homme de lettres Lionel Groulx, sise à Vaudreuil, pourrait être vendue et démolie pour faire place à des logements en copropriété. Évidemment, un si bel emplacement au bord de l’eau ne pouvait que faire saliver tout promoteur immobilier. Or, il s’agit d’un lieu patrimonial où vécut l’illustre chanoine nationaliste, très proche de la SSJB. Depuis lors, la ville de Vaudreuil-Dorion a tenu à rassurer tout un chacun en affirmant que la maison n’était pas menacée et qu’il ne s’agissait somme toute que d’une rumeur. S’il en est ainsi, tant mieux. Il reste que nous sommes au Québec et que nous devons rester toujours sur nos gardes, car on ne sait jamais quelle entourloupette nous pend au bout du nez si on a le malheur de manquer de vigilance.
C’est donc à cause de cette menace appréhendée que nous avons eu la chance inouïe d’établir un premier contact ave le professeur Cornett. Et, du coup, de faire connaissance avec, non seulement un professeur fascinant, mais aussi un intellectuel qui connaît l’oeuvre du chanoine Groulx comme pas un. Et pour cause, il a fait une thèse de doctorat sur l’historien et lui voue une grande admiration, n’hésitant pas à le défendre bec et ongles. En d’autres mots, il ne pouvait alors que nous être sympathique ! Mais cet homme est en somme un géant, en ce sens que c’est un puits de science, un savant qui porte une écoute attentive sur le monde qui nous entoure, sur une multitude de sujets. Je l’ai rencontré pour une entrevue, non sans une certaine appréhension, celle de ne pas être à la hauteur… mais c’était sans compter sur l’affabilité du personnage, sur son humour aussi (il s’est excusé d’être passé me voir « sans ses bottes de cow-boy » comme tout Texan qui se respecte !).
Cette entrevue, qui aborde des sujets comme Lionel Groulx, le nationalisme, la religion, l’éducation, la culture, notre époque, j’en passe, et des meilleurs, vous intéressera à coup sûr. Vous pourrez la lire à compter du 1er octobre sur le site Internet de la SSJB de Montréal. Cliquez alors sur « Interview du professeur Cornett » pour faire la rencontre d’un homme hors du commun, d’un humaniste souriant et du plus intéressant Québécois d’origine texane vivant à l’Est du Rio Grande !