Nos élus et la « suprématie de Dieu »
J’accueille très favorablement la sortie de la députée de Marie-Victorin, Catherine Fournier, visant à faire retirer du Salon bleu, à la suite du crucifix, les *autres* objets religieux – et honteusement coloniaux – liés à la couronne canadienne et à l’Église anglicane…
(Voir cet article du Journal de Québec )
Un Québec laïque dans un Canada déiste ?
Par ailleurs, au-delà des positions des uns et des autres sur le fond du dossier de la « laïcité », comment le gouvernement Legault peut-il, objectivement, retirer à des individus le droit de porter des signes religieux tout en continuant à promouvoir le maintien du Québec au sein d’un État, le Canada, « fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu » ? Quand même, ça n’a rien de banal ! Comment justifier une telle incohérence ? N’est-ce pas paradoxal ?
Et c’est sans compter que cette disposition, tirée du préambule de la Loi constitutionnelle de 1982, – celle-là même qui nous fut imposée de force sous Trudeau père –, se révèle manifestement discriminatoire à l’endroit de l’ensemble des personnes non-croyantes au Québec, soit plus de 40% de la population.
Puisqu’au minimum, tout le monde semble s’entendre sur l’importance de garantir la neutralité de nos institutions, alors la logique voudrait que nos députés à l’Assemblée nationale, – du moins ceux qui épousent encore le carcan canadien en continuant de croire à sa réformabilité –, adoptent une résolution d’amendement à la Constitution afin de biffer cette fameuse disposition reconnaissant la « suprématie de Dieu »… Certes, pareil changement exigerait vraisemblablement l’accord du Parlement fédéral ainsi que de six autres provinces représentant, avec le Québec, au moins 50% de la population du Canada… Quant à l’abolition de la Reine, qui rappelons-le, doit sa fonction à la « grâce de Dieu », cela supposerait cette fois l’assentiment unanime de toutes les parties prenantes au sein du Dominion…
Mais n’est-ce pas là un défi à la hauteur du nouveau credo fédéraliste de François Legault, soit dit ironiquement ?
Du reste, encore que cela aurait l’avantage de forcer le Canada anglais à révéler au grand jour sa position sur la question de la neutralité de l’État lui-même, je ne suis évidemment pas, pour ma part, de ceux qui souhaitent améliorer ce pays qui n’est pas le mien, fût-il constitutionnellement déiste ou pas… À cet égard, l’indépendance nationale m’apparaît indubitablement la seule issue pour que nous déterminions enfin, ensemble et en paix, notre propre contrat social, nos propres principes de vie commune, y compris en ce qui a trait à la séparation de l’église et de l’État. Enfin, sans dire que tout se règlerait du jour au lendemain, je suis profondément convaincu qu’en libérant le Québec de la tutelle canadienne, nous nous libérerions par la même occasion de toutes ces anxiétés identitaires et linguistiques qui, bien que parfaitement fondées et légitimes en général, nous rongent depuis trop longtemps, jusqu’à altérer parfois la qualité et la sérénité de nos débats démocratiques.
Me Maxime Laporte
Président général, Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal