«Option Québec» de René Lévesque, toujours actuel

Christian O’Leary | Le Devoir

 

Publié en janvier 1968, Option Québec arrive après une année bouillonnante où les Québécois découvrent le monde grâce à Expo 67 et où le monde découvre le Québec avec la déclaration du « Vive le Québec libre ! » du général de Gaulle. L’année est bouillonnante aussi pour René Lévesque, car il y élabore puis y défend son idée de souveraineté-association qui a germé à travers ses discussions avec un groupe de libéraux réformistes, notamment Paul-Gérin Lajoie, Yves Michaud, Pierre Laporte, Éric Kierans et Robert Bourassa.

Sur sa démarche de réflexion, il écrivit dans Dimanche-Matin :« Chacune de mes constatations, d’autres les avaient faites. Les conclusions qu’elles m’ont dictées, il y a longtemps déjà que bien d’autres se sont mis à les véhiculer chez nous. […] La seule chose qui m’appartienne, je crois, c’est la façon dont j’ai fait de mon mieux l’examen puis l’assemblage de ces pièces, afin d’en tirer une synthèse valable et une option politique définie que je me sens, en conscience, autorisé à défendre et à proposer à d’autres. »

L’originalité de l’idée de René Lévesque est de changer le rapport de force avec le Canada pour que le Québec soit en mesure de négocier de nation à nation une union réciproquement avantageuse. Dans ses mémoires, il précisait : « Plus j’y pensais, plus ça m’apparaissait comme un projet logique et facile à articuler. À la simplicité des lignes maîtresses s’ajoutait cet autre avantage paradoxal : loin d’être révolutionnaire, l’idée était presque banale. Çà et là de par le monde, elle avait servi à rapprocher des peuples qui, tout en tenant à demeurer chacun maître chez soi, avaient trouvé bon de s’associer de diverses façons. Association, donc, concept qui figurait depuis longtemps dans notre propre vocabulaire et qui ferait avec souveraineté un mariage assez euphorique. »

On ne peut pas dire que l’euphorie s’empara du Parti libéral du Québec (PLQ), qui refusa catégoriquement de discuter de cette proposition lors de son congrès d’octobre. Avec fracas, René Lévesque rompt avec le parti et le quitte sur-le-champ.

Il porte alors son option avec tout le poids de sa notoriété, de son intégrité, de sa crédibilité et de son charisme. Sa démarche aboutit au regroupement des forces souverainistes au sein du Mouvement Souveraineté-Association (MSA), qui deviendra le Parti québécois. Le livre est vendu à 50 000 exemplaires en quelques semaines. L’adhésion au MSA explose et passera de 700 membres à 7000 entre janvier et avril 1968.

 

Un point de ralliement

À la fois essai et manifeste, le livre s’ouvre sur un avant-propos intitulé « À l’heure du choix », sous une signature collective des personnes qui quittèrent le PLQ avec Lévesque. La préface est de l’historien Jean Blain, qui prophétise que cette option sera « un des points de ralliement les plus importants de notre histoire ».

En six chapitres, la première partie résume les principaux enjeux politiques du Québec d’alors. Des enjeux qui résonnent toujours : l’identité québécoise, l’adaptation aux changements technologiques, le rôle de l’État, les limites du cadre fédéral, la paralysie constitutionnelle et la nécessité d’un Québec souverain avec une nouvelle union canadienne.

La seconde partie, « Ce pays qu’on peut faire », aborde plus spécifiquement la réalisation de la proposition d’association économique, qui s’inspire du marché commun à l’européenne, et la période de transition, avec les mesures à mettre en place pour la traverser.

La troisième partie est composée de sept annexes pour appuyer les deux premières et réfuter les arguments opposés. On y retrouve en particulier le fameux discours de Jacques Parizeau prononcé à Banff lors d’une conférence sur l’unité canadienne où il conclut que le Québec a déjà un statut particulier et qu’il serait plus sage de négocier.

Le livre se termine de façon originale sur une note artistique avec un épilogue imagé et touchant du cinéaste Pierre Perrault.

Option Québec a eu une influence majeure sur l’évolution du Québec et du Canada. Notamment sur le rôle de l’État comme instrument de développement de la société, une idée phare de la Révolution tranquille, qui y est réaffirmée avec force. Quant au concept de la souveraineté-association, il a provoqué un réalignement durable des positions politiques. Mais l’influence la plus profonde se trouve dans la conviction inspirante que les Québécois ont le pouvoir de bâtir le Québec qu’ils veulent : « C’est d’abord qu’il y a chez nous, en nous, la capacité de faire notre « ouvrage » nous-mêmes, et que c’est à nous seuls de trouver et d’appliquer à nos problèmes les solutions qui nous conviennent. »

Tout le long de cette année qui commence, la Fondation René-Lévesque soulignera le 50e anniversaire de la publication de ce texte fondateur qui a marqué l’histoire du Québec.

 

 

 

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