Pauline Julien, artiste grandiose mais oubliée

Jean-François Veilleux | La Gazette de la Mauricie

 

Il y a vingt ans disparaissait l’une de nos plus grandes chanteuses, une femme patriote qui a voué sa vie à son art vocal mais aussi à son pays, le Québec.
Portrait sommaire d’une artiste extraordinaire.

 

Pauline Julien est née le 23 mai 1929, au 351B de la rue Laviolette, à Trois-Rivières. Au printemps 1932, ses parents déménagent sur la rue Notre-Dame à Cap-de-la-Madeleine, où Pauline passera toute son enfance. Fille de Marie-Louise Pronovost et d’Émile Julien, cousin germain de Maurice Duplessis, elle est la cadette des onze enfants de cette famille modeste.

Pauline Julien voulait devenir ballerine puis actrice, mais c’est dans le monde de la chanson qu’elle s’épanouira. Après ses études chez les Filles de Jésus à Cap-de-la-Madeleine, elle étudie l’art dramatique à Québec et ensuite à Paris, de 1952 à 1957, grâce à une bourse donnée par Maurice Duplessis. C’est dans la capitale française qu’elle fait son « entrée en scène ».

À son retour au Québec, elle fait ses débuts à la boîte à chansons La Butte à Mathieu, à Val-David, dans les Laurentides. Véritable bête de scène, Pauline Julien devient l’une des artistes les plus populaires de cet endroit, ainsi que l’une des premières à interpréter les poètes québécois.

Plusieurs grands poètes ont écrit des chansons pour elle, de Réjean Ducharme à Gaston Miron en passant par Gérald Godin et Madeleine Gagnon. Toutefois, en 1968, elle commence à écrire ses propres textes avec l’aide de quelques collaborateurs.

En dehors de sa carrière musicale professionnelle (1957-1998), Pauline se fait connaître par ses coups d’éclats de militante indépendantiste. Pendant la crise d’Octobre 1970, elle est arrêtée avec 450 autres personnes en vertu de la Loi sur les mesures de guerre promulguée par Pierre Elliott Trudeau, alors premier ministre du Canada. Elle sera libérée de prison une semaine plus tard.

En 1974, Pauline Julien se voit décerner le prix Calixa-Lavallée de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal ; elle est l’une des rares femmes récipiendaires de ce prix qui récompense, depuis 1959, une personnalité québécoise s’illustrant dans le domaine de la musique.

Le 26 novembre 1988, elle unit officiellement sa destinée à celle d’un autre Trifluvien très engagé – et aussi indépendantiste qu’elle –, le journaliste et député-poète Gérald Godin (1936-1994), qu’elle avait rencontré à Montréal en 1962 (selon Radio-Canada).

Vingt ans plus tard, le 1er octobre 1998, souffrant d’une maladie rare – l’aphasie dégénérative –, Pauline Julien s’enlève la vie dans son appartement montréalais. Sa mort cause un vif émoi au Québec, car Pauline est reconnue comme l’une des grandes voix féminines de la Révolution tranquille. En plus de s’être produite sur plusieurs grandes scènes nord-américaines et européennes, elle a enregistré vingt-cinq albums musicaux, été actrice dans au moins cinq films et a obtenu plusieurs distinctions à travers le monde.

Comédienne, chanteuse, auteure-compositrice, interprète, féministe et militante politique, elle a su ancrer dans son art sa ferveur ardente pour l’avenir de son peuple, la nation québécoise, comme pour d’autres revendications populaires. Elle fait partie des artistes qui ont marqué leur époque.

À Montréal, divers endroits commémorent l’existence de Pauline Julien. En Mauricie, bien qu’aucune rue n’ait encore été nommée en son honneur, un lieu de diffusion multidisciplinaire, inauguré en 1967 sous l’appellation Centre culturel du Cap-de-la-Madeleine, est devenu en 2002, à la demande de l’organisme trifluvien COMSEP, le centre culturel Pauline-Julien.

 

 

 

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