FRANCIS HALIN / LA PRESSE
Le Canada est loin d’être un pays bilingue si l’on se fie aux offres d’emplois d’Indeed, qui démontrent qu’à peine 8 % des postes requièrent le bilinguisme, révèle une analyse de la firme obtenue par Le Journal.
« C’est un désastre pour le développement du français au Canada », se désole le professeur de gestion et de droit à l’Université d’Ottawa Gilles LeVasseur.
En gros, le site Indeed a épluché toutes ses offres d’emplois qui « exigent de parler plus d’une langue ou mentionnent une préférence pour des candidats bilingues ».
Résultat, dans l’ensemble du pays, un maigre 8 % d’entre elles exigent le bilinguisme. Au Québec, ce chiffre bondit à 26 %, correspondant à un peu plus d’un emploi sur quatre.
Dans la plupart des cas, les postes qui demandent de pouvoir s’exprimer dans plus d’une langue sont liés au service à la clientèle des entreprises.
Compétence recherchée
Au Québec, un chercheur d’emploi qui n’est pas bilingue se coupe du quart des postes sur le marché du travail, ce qui est loin d’être négligeable, observe Indeed.
« Ce 26 % est un chiffre important. Cette demande pour des compétences en bilinguisme varie énormément d’ailleurs d’un métier à l’autre », analyse Brendon Bernard, l’économiste du Indeed Hiring Lab, qui a réalisé l’étude.
En comparaison, en Ontario, 5 % des offres d’emplois lorgnent des candidats bilingues, un chiffre qui fond à moins de 2 % dans l’Ouest canadien.
Pire encore, en Colombie-Britannique, moins de 1 % des offres d’emplois publiées requièrent la connaissance d’une deuxième langue.
Pouvoir économique
Pour le professeur Gilles LeVasseur, ce nouveau portrait du marché de l’emploi n’augure rien de bon pour les francophones.
Selon lui, le français doit être plus qu’un « outil de socialisation ».
M. LeVasseur pense que les politiciens et les dirigeants d’entreprises ont leur rôle à jouer pour valoriser le français au travail.
« On ne peut pas se permettre que la langue soit seulement un outil culturel. Une langue vit et prospère parce qu’elle a une valeur économique », insiste M. LeVasseur.
Le professeur à l’École de Gestion Telfer estime que le français doit être la langue de la finance pour qu’elle puisse parler « performance » et « rendement » au sein des sociétés.
Anglicisation lente
Joint par Le Journal, le président de la Société Saint-Jean-Baptiste, Maxime Laporte, a dénoncé « la bilinguisation du monde du travail, de nos institutions et de l’espace public, qui n’est autre (chose) qu’un premier stade d’anglicisation ».
De son côté, le professeur de gestion des ressources humaines à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM, Denis Morin, a rappelé que l’anglais domine partout.
« La langue d’affaires, c’est l’anglais. C’est à travers le monde », a-t-il dit.
Le spécialiste en recrutement de personnel a ajouté que l’Asie ne tardera pas elle aussi à imposer ses langues dans nos sphères économiques.
« Avec la Chine qui s’en vient, dans quelques années, on n’aura bientôt pas le choix de transiger en mandarin », a-t-il conclu.