Maxime Laporte, président de la SSJB | LaPresse
Les Libéraux sont passés maîtres dans l’art de la mystification. Lorsqu’il s’agit de nous gaver de couleuvres, l’arrière-boutique du magasin libéral met à disposition du locataire de passage, tout un stock regorgeant des meilleures variétés, jusqu’aux plus indigestes.
« On s’occupe des vraies affaires », qu’ils disaient. « Faire avancer le Québec », tel était leur cri de ralliement. « Être québécois, notre façon d’être canadiens », résumaient-ils. Et maintenant, le slogan du jour : « Pour faciliter la vie des Québécois »… De quoi développer une grave allergie alimentaire !
Du point de vue de la gestion provinciale
Brandissant son bilan, monsieur Couillard a beau jeu de se péter les bretelles, mais force est de constater que son très provincial gouvernement aura plutôt fait la vie dure à la Nation. Pour reprendre la formule de Lucia Ferretti dans L’Action nationale, avec l’équipe libérale, les Québécois et Québécoises sont « sur l’autoroute vers la dépossession ».
En guise de hors d’oeuvre à ce grand Dîner, on nous promettait par exemple la création de 250 000 nouvelles jobs en cinq ans. – De la poudre aux yeux, sachant que ce chiffre ne reflétait au fond que la croissance normale des emplois envisageable pour une telle période, laquelle n’a d’ailleurs même pas été atteinte… À juste titre, les experts de l’IRIS qualifieront de « médiocre » la performance du gouvernement Couillard à ce chapitre. D’autant que les nouveaux emplois s’avèrent beaucoup trop concentrés dans la région métropolitaine, au détriment des régions qui, au même moment, ont vu disparaître ces poles de dynamisme socio-économique qu’étaient les CRÉ, CLD, CDEC, tables régionales de développement social, forums jeunesse régionaux… Je me souviens.
Quant au bas taux de chômage, on ne saurait non plus y voir un exploit libéral. Il s’explique essentiellement par le départ à la retraite des Baby Boomers, phénomène qui limite lourdement l’accroissement de la population active.
Par ailleurs, il est pour le moins paradoxal que l’actuel contexte de plein-emploi n’ait pas mené pour autant à une augmentation notable des salaires. Selon l’Institut du Québec, ceux-ci ont même légèrement décru entre 2016 et 2017.
Champions du déficit zéro à tout crin, les Libéraux n’auront pas su traduire leur soi-disant réussite en matière « d’assainissement des finances publiques » (sic) en véritable réussite économique. Le nihilisme comptable du PLQ n’aura été un gage d’enrichissement pour personne, sauf peut-être les confrères médecins du docteur Barrette. Mis à part les assauts inacceptables contre le tissu social et nos services publics, notamment en santé et en éduction, plusieurs indicateurs n’affichent rien de réjouissant, comme la progression du PIB réel, nettement en retard sur l’Ontario ; l’évolution des exportations, qui déclinent en dépit d’un taux de change pourtant favorable ; les chiffres relatifs aux investissements privés, en baisse de 13% entre 2013 et 2017 malgré les attentes suscitées par le Plan Nord, la stratégie maritime et les mesures concernant l’aluminium et les forêts ; le niveau de vie et le salaire disponible, domaine où le Québec occupe le dernier rang au Canada.
Pendant ce temps, on assistait béats à l’exode de trop nombreux fleurons québécois, sous le regard à peu près indifférent sinon jovial de la ministre de l’Économie, Dominique Anglade. Et je ne parle pas de la gestion catastrophique du dossier Bombardier. Au final, les sous ménagés sur le dos du monde dans l’espoir de réduire le service de la dette, les quelques allègements fiscaux accordés aux PME et aux familles et autres bonbons saupoudrés à la veille des élections, comme pour se faire pardonner, ne suffiront pas pour compenser les préjudices causés tant à notre sociale-démocratie qu’à notre prospérité.
Du point de vue national
Plus inquiétant encore est le rapetissement du Québec dans le cadre canadien. Tous ces piètres résultats ne sont pas étrangers, d’une part, à l’étiolement progressif de la présence québécoise sur la scène internationale où Ottawa occupe presque toute la place et, d’autre part, aux politiques canadiennes toujours plus centralisatrices et tournées vers le pôle économique torontois. Plus que jamais, au bureau de Justin Trudeau, la priorité est accordée aux intérêts des provinces anglophones, comme en témoignent de manière spectaculaire le déclassement cavalier du Chantier Davie et les négociations entourant l’ALENA.
Traitant avec mépris l’idée d’indépendance nationale, plus mou que mou dans son positionnement constitutionnel comme l’atteste l’insignifiance du document dévoilé par le ministre Fournier en juin 2017, le gouvernement Couillard s’est tiré dans le pied à plus d’une reprise, et c’est toute la Nation qui en subit les contrecoups.
Comment s’étonner, dans ce contexte, de la faiblesse du rapport de force du Québec vis-à-vis du fédéral, ne serait-ce que dans le dossier des transferts en santé ?
Sans compter l’affaire de la loi 99, qui met en cause rien de moins que les droits fondamentaux du peuple québécois, où tant la Procureure générale que le ministre des Relations canadiennes n’ont pas impressionné, pour le dire ainsi.
Les concessions stratégiques du Québec en faveur de la pétrocratie canadienne, y compris même à l’égard du territoire et des ressources comme en témoigne l’entente avec Ottawa sur la gestion du pétrole dans le golfe du Saint-Laurent, sont symptomatiques de l’intégration de plus en plus profonde de notre économie aux visées de Bay Street. Cela n’augure rien de bon à l’ère de la révolution énergétique, où le Québec aurait son mot à dire.
Le même phénomène d’inféodation s’observe à l’égard de la culture et de la recherche au Québec, où le gouvernement fédéral prend de l’expansion.
Quant au statut de la langue française, dont la vitalité ne cesse de s’effriter, les Libéraux ont été fidèles à leur politique traditionnelle ; celle du renoncement. Que dire du fiasco libéral en matière de francisation des immigrants, documenté par la Vérificatrice générale ? Que dire du refus éhonté de la part du gouvernement Couillard de mettre en vigueur l’article 1 de la loi 104, en totale violation de la décision unanime prise par l’Assemblée nationale il y a 16 ans visant à faire enfin du français la véritable langue officielle de l’Administration publique ? Que dire du surfinancement des institutions d’enseignement supérieur anglophones, des politiques de façade de l’ex-ministre Fortin eu égard à la langue du commerce et de l’affichage, du laisser-faire en matière de langue du travail, des compressions affectant les organismes créés par la loi 101 ?
Il est plus que temps que nous cessions d’avaler des couleuvres, à commencer par toutes celles qui empoisonnent notre vie nationale jusque dans ses substrats. Comme antidote à ces calamités ordinaires, intimement liées à notre condition provinciale, rien ne vaut l’extraordinaire du combat pour la liberté politique. Le « changement » ne suffira pas.