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Projet de loi C-13, une proposition trompeuse

Denis Bolduc | LE DEVOIR 

Un constat s’impose d’emblée : le français est en recul partout au Canada ainsi qu’au Québec. Les indicateurs montrant le recul du français se multiplient de toutes parts et mettent en lumière l’urgence d’agir des gouvernements pour protéger cette langue minoritaire. Or, le projet de loi C-13, Loi visant l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada, présente une solution ne répondant pas aux problématiques vécues en ce qui concerne le français comme langue du travail et comme langue d’usage dans la société.

Photo: Sean Kilpatrick La Presse canadienne « Le gouvernement fédéral doit passer à l’action maintenant pour améliorer le projet de loi C-13 afin de réellement protéger le français et d’en faire un projet contemporain, digne du XXIe siècle », écrit l’auteur.

Il faut d’abord combattre cette idéologie dominante à propos de la symétrie des langues minoritaires : il est faux de prétendre que l’anglais est tout aussi menacé au Québec que le français l’est ailleurs au Canada. Le gouvernement canadien n’a pas à promouvoir l’anglais au Québec alors qu’il s’agit de la langue dominante en Amérique du Nord et de la langue universelle de communication dans le monde et en ligne. Certains députés fédéraux se doivent de comprendre cette réalité.

Nos organisations syndicales appellent à des moyens plus costauds pour s’assurer de milieux de travail où l’on parle en français, notamment dans la fonction publique fédérale, où le gouvernement peut agir unilatéralement. Le commissaire aux langues officielles souligne lui-même à grands traits qu’aucune disposition de C-13 ne force les institutions fédérales et les entreprises soumises à la Loi sur les langues officielles — comme Air Canada et le CN, par exemple — à communiquer dans la langue officielle choisie par la clientèle. Qui plus est, nous sommes à même de constater qu’il est pratiquement impensable pour un fonctionnaire unilingue francophone d’avoir accès à un poste de haute gestion, alors que le contraire est tout à fait possible. Bref, cela confirme une réalité bien ancrée : le bilinguisme au Canada ne s’applique dans les faits qu’à une seule communauté linguistique. Inutile de mentionner laquelle !

Confusion

Par ailleurs, si le gouvernement fédéral était vraiment sérieux dans sa volonté de préserver et de promouvoir le français, il enverrait un signal clair montrant qu’il est prêt à travailler avec le gouvernement du Québec pour que la Charte de la langue française s’applique à toutes les entreprises privées de compétence fédérale exerçant leurs activités sur le territoire québécois. Les partis d’opposition à Ottawa l’ont compris, le Parti libéral du Canada doit maintenant faire de même en n’empiétant pas davantage sur les compétences du Québec en matière linguistique.

En ce qui a trait au travail, la proposition de C-13 pour le secteur privé mettrait en place un système pour le moins kafkaïen. Ainsi, les entreprises privées de compétence fédérale (celles qui oeuvrent en télécommunications, radio, télévision, dans le transport aérien, maritime, ferroviaire et interprovincial, etc.) pourraient choisir de s’assujettir à la Charte ou à la nouvelle loi prévue par le projet de loi. En plus d’engendrer la confusion, un tel régime serait inéquitable pour les travailleuses et travailleurs du Québec. Il porterait également un coup à notre démocratie en transférant aux entreprises privées une partie du pouvoir législatif confié à nos élus. Cela est inacceptable.

Le gouvernement fédéral doit de plus arriver au XXIe siècle en matière linguistique. Au lieu de consacrer son énergie à combattre l’application de la Charte de la langue française au Québec, il devrait voir plus loin et s’associer au gouvernement québécois afin de nous doter d’une stratégie visant à renforcer la présence du français sur le Web, par exemple. Le gouvernement du Canada pourrait aussi être un précurseur sur la scène internationale en proposant des stratégies pour soutenir d’autres langues que l’anglais sur le Web. La Chambre des communes se prononcera prochainement sur le projet de loi C-11, qui devrait forcer les grands diffuseurs internationaux — comme Netflix, Amazon Prime et Disney+ — à produire des émissions originales de langue française, mais il faut aller plus loin.

Il y a urgence d’agir pour préserver notre langue française, et les moyens existent pour y arriver. Le gouvernement fédéral doit passer à l’action maintenant pour améliorer le projet de loi C-13 afin de réellement protéger le français et d’en faire un projet contemporain, digne du XXIe siècle.

* Ont aussi signé ce texte :

Frédéric Brisson, secrétaire général du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP-Québec) ;

Daniel Cloutier, directeur québécois du Syndicat Unifor ;

Dominic Lemieux, directeur québécois du Syndicat des Métallos ;

Yvon Barrière, vice-président exécutif régional — Québec de l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) ;

Alain Robitaille, président de la section locale de Montréal du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP)

 

 

 

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