Reconnecter le projet d’indépendance

DANIC PARENTEAU | LE DEVOIR | 22/07/2013 | (CBR)

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[Photo : inconnu] Il faut se centrer sur la souveraineté du peuple québécois, pas uniquement sur celle de son État.

─ « Depuis quelques années, le projet souverainiste en est graduellement venu à être réduit dans l’opinion publique à la souveraineté de l’État du Québec. Ce projet n’est désormais plus conçu comme cette grande réalisation collective d’un peuple qui entreprendrait de s’autodéterminer en se donnant un pays bien à lui. Il apparaît largement dissocié de la souveraineté du peuple québécois. Or, du point de vue des principes, la souveraineté populaire précède la souveraineté de l’État. Celle-ci prend sa source dans celle-là et en est indissociable : la souveraineté de l’État étant l’incarnation institutionnelle de la souveraineté du peuple, première et fondatrice.

Aussi, l’une des tâches urgentes auxquelles les souverainistes devraient s’attaquer est de renouer avec ce principe de la souveraineté populaire. Le projet souverainiste doit à nouveau s’afficher comme ce grand projet collectif qu’il était dans les années 1960, alors qu’il était fortement associé au mouvement global d’émancipation collective des Canadiens français devenus Québécois. L’idée de la souveraineté du peuple québécois devrait à nouveau habiter ce projet politique. Et renouer avec cette idée passe inévitablement par une démarche constituante, comme l’expression collective de cette souveraineté dont nous disposons comme peuple.

La grande stratégie souverainiste s’articule depuis 1974 autour du référendum. La question de la constitution a toujours jusqu’ici été reléguée au second plan ; celle-ci devant s’amorcer à la suite d’un référendum victorieux et non avant. Cela tient à l’argument selon lequel il serait probablement plus facile d’amener une majorité de Québécois à se prononcer en faveur du Oui lors d’un référendum qu’à amener ceux-ci à se mettre d’accord sur un projet de constitution, quel qu’il soit. […]

Il suffirait que le texte de cette constitution québécoise soit succinct et s’en tienne à des principes généraux pour qu’elle parvienne à recueillir le consensus nécessaire à son adoption. D’ailleurs, la plupart des constitutions du monde sont des documents concis n’énonçant que de grands principes. La constitution étatsunienne de 1787, par exemple, ne comptait que 10 pages (4400 mots) et celle adoptée par les révolutionnaires français, en 1791, à peine 27 pages (12 000 mots). […]

Le problème avec la grande stratégie souverainiste actuelle est qu’à trop attendre ce référendum qui ne semble jamais venir, on accepte servilement de se soumettre à la Loi constitutionnelle de 1982 qui nous a été imposée contre notre gré, et qui est érigée sur la négation de notre souveraineté de peuple.

[…] D’un point de vue stratégique, je suis persuadé que nous engager dans une démarche constituante représenterait une bonne façon de remettre sur l’avant-scène politique le projet souverainiste. Une telle démarche contribuerait à élever le niveau des débats et des enjeux politiques au Québec, condition essentielle pour que ce projet recueille un jour un appui majoritaire.

[…] tant et aussi longtemps que nos débats politiques au Québec continueront à être entièrement absorbés par ces enjeux touchant la gestion des affaires courantes de l’État, il est normal que le projet souverainiste apparaisse comme « déconnecté » et par suite condamnable. »

SOURCE

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