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Rien à gagner et tout à perdre pour les francophones

Franconouvelle  |  Acadie Nouvelle

Le 24 septembre, les Néo-Brunswickois éliront les 49 membres de l’Assemblée législative. La campagne électorale aura été marquée par une montée de l’anti-bilinguisme et des calculs électoraux qui écartent les enjeux francophones du débat. Certains observateurs craignent un scénario où aucun élu francophone ne se retrouve dans la majorité.

Les libéraux de Brian Gallant, actuel premier ministre de la province, mènent la course dans les sondages, mais ils sont talonnés par les progressistes-conservateurs de Blaine Higgs.

Les deux favoris sont diamétralement opposés. Au centre gauche, Brian Gallant, 36 ans, est dépensier et optimiste, misant sur la justice sociale et les programmes sociaux. À droite, Blaine Higgs, 64 ans, est conservateur et prône la prudence budgétaire, lui qui a occupé un poste de direction chez le géant pétrolier Irving Oil et a été ministre des Finances. Le premier est bilingue, le second est unilingue anglophone et a été membre du CoR, un parti anti-bilinguisme dissous en 2002.

Blaine Higgs inquiète foncièrement les francophones. Surtout après avoir déclaré qu’on pouvait embaucher des ambulanciers unilingues et les former au français par la suite, une idée qui va à l’encontre de la dualité linguistique de la province. Le chef du parti conservateur n’a pas non plus tenu sa promesse d’apprendre le français depuis son élection en 2016. Même si l’homme politique dit avoir changé, la méfiance règne. À tel point que des candidats du parti se sont même réunis sans lui pour rassurer les francophones des intentions de leur chef.

Le vote francophone du Nouveau-Brunswick se porte habituellement vers les candidats libéraux. Un sondage publié le 14 septembre dans l’Acadie Nouvelle laisse penser que ces élections n’échapperont pas à la règle avec 64% des francophones pour le Parti libéral, contre seulement 14% pour le Parti progressiste-conservateur et 14% pour le Parti vert

Face aux attaques contre le bilinguisme, un silence pesant

Robert Melanson, président de la SANB.

Toutefois, beaucoup de francophones voteront pour « le moindre mal » en choisissant les libéraux, selon les mots de Robert Melanson, président de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB), médusé par la tournure qu’a prise la campagne. «Je n’ai jamais vu des francophones se faire autant attaquer», témoigne-t-il.

Tout a commencé avec le refus de faire un débat des chefs en français à Radio-Canada Acadie à cause de l’unilinguisme de Blaine Higgs. À la place, un débat télévisé bilingue a été organisé le 14 septembre à Fredericton, diffusé sur Télévision Rogers avec une traduction simultanée qui a dû être payée par la SANB, le Conseil économique du Nouveau-Brunswick et l’Association francophone des municipalités du Nouveau-Brunswick (AFMNB). «Je trouve ça scandaleux. Être unilingue anglophone pour diriger le Nouveau-Brunswick, c’est impensable. Sur six candidats, trois sont unilingues anglophones», déplore M. Melanson.

Les droits linguistiques n’ont été présents dans les débats que pour les mauvaises raisons. La percée de l’Alliance des gens à plus de 10% dans les derniers sondages, un parti ostensiblement opposé à la dualité linguistique, est sur toutes les lèvres. Ce parti présente le bilinguisme comme le responsable des difficultés rencontrées par la province, à l’instar des 14 milliards de dollars de dette et du taux de chômage de plus de 9%.

L’Alliance a entre autres déclaré vouloir supprimer le commissariat aux langues officielles. Blaine Higgs lui-même est resté vague durant le débat télévisé quant au maintien du poste. «L’ancienne commissaire Katherine d’Entremont est devenue une ennemie publique. Elle a été démonisée par une minorité anglophone», analyse François Gravel, éditorialiste pour l’Acadie Nouvelle. La commissaire s’était attiré les foudres lorsqu’une de ses enquêtes avait abouti au remplacement d’un agent de sécurité unilingue anglophone à un poste bilingue dans un édifice gouvernemental à Fredericton.

Du côté des autres partis, silence radio. En cause: des calculs électoraux qui rendent le dossier francophone peu attrayant. «Les progressistes-conservateurs et les libéraux se gardent d’être trop proches des francophones. Ils ne veulent pas trop en parler. Le Parti libéral considère le vote francophone comme acquis. Il n’y a pas de gains possibles avec cette question-là, seulement des pertes», explique François Gravel.

En effet, 15 des 16 circonscriptions à majorité francophone avaient été remportées par les libéraux en 2014, rappelle Roger Ouellette, professeur de sciences politiques à l’Université de Moncton. Aussi s’agit-il pour le premier ministre en place «de garder le vote francophone tout en ne s’aliénant pas celui des anglophones». Une position délicate qui déçoit, car elle s’accompagne d’un manque de positionnement. «Il n’y a pas de propositions avant-gardistes ou audacieuses pour les francophones. C’est un service minimum», observe le professeur.

Frédérick Dion, DG de l’AFMNB.

Face à la menace que présente l’Alliance des gens, les principaux partis sont peu vocaux. «On aimerait les voir défendre davantage les principes de la loi sur l’égalité linguistique», estime le directeur général de l’AFMNB, Frédérick Dion, déçu. «Du côté du pouvoir en place, on se contente d’agiter l’épouvantail Blaine Higgs pour conserver le vote francophone», discerne Roger Ouellette.

 

 

Pas d’oreille attentive aux enjeux francophones

Certains organismes francophones ont fait parvenir aux partis une liste de dossiers prioritaires afin de les sensibiliser à la réalité des communautés. L’AFMNB demande par exemple une dualité linguistique en immigration afin de relever la proportion décevante de 20% d’immigrants francophones qui ne permet pas de soutenir le poids démographique de 33 % de francophones dans la province.

L’enjeu au Nouveau-Brunswick est aussi et surtout le développement des régions du nord. Avec une population acadienne et francophone vivant à 70 % dans les districts de services locaux, c’est-à-dire à l’extérieur des municipalités, plusieurs voudraient faciliter les regroupements en retirant les barrières fiscales et administratives. « Il faut changer les règles pour offrir des services de qualité aux citoyens et combler les écarts de richesse entre les municipalités », revendique Frédérick Dion.

Mais ces demandes restent sans réponse puisqu’aucune plateforme partisane n’en fait mention. Les francophones seraient-ils donc les grands perdants de cette élection ? «C’est une campagne électorale étrange, s’étonne François Gravel. Aucun des partis n’offre présentement des idées pour améliorer les services en français ou pour aider la minorité francophone», regrette-t-il.

Avec la question des droits de la minorité linguistique sous le tapis, plusieurs observateurs craignent le pire: un gouvernement progressiste-conservateur minoritaire soutenu par l’Alliance des gens et sans élu francophone. «On rentrerait alors dans des eaux inconnues et assez inquiétantes», avise Roger Ouellette.

 

 

 

 

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