Texte publié dans le blogue de Louis Préfontaine.
La ministre Christine St-Pierre avait affirmé qu’elle voulait attendre de voir l’ampleur du rassemblement de cet après-midi, au Monument National, avant de décider s’il témoignait de l’humeur de la population quant à la nécessité d’agir pour imposer la loi 101 aux écoles non-subventionnées. Manifestement – selon ses propres règles – le Québec lui demande de bouger: c’est dans une salle comble qu’ont défilé artistes, représentants, politiciens et citoyens. Pire: il a fallu refuser l’accès à plus deux cents personnes tellement la salle débordait; en tout, on parle de plus de 1000 personnes qui se sont déplacées pour cette lecture de textes sur la loi 101.
Dès le point de presse, quelques minutes avant le début du spectacle, le président de la Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB) de Montréal, Mario Beaulieu, a donné le ton: « Nous ne reculerons plus; c’est assez! » Faisant écho à ces paroles, il a enflammé la foule dès le début du rassemblement, avec un discours percutant: « Ce n’est pas seulement à la loi 101 qu’on s’attaque aujourd’hui; c’est à notre existence, à notre désir de survivre dans un monde qui a besoin de la diversité de notre présence plus que jamais ». À l’image de plusieurs des invités de la journée, M. Beaulieu a demandé au gouvernement Charest d’appliquer la loi 101 aux écoles non-subventionnées et d’en finir avec les passe-droits aux anglophones.
Le spectacle, lui-même, fut à la hauteur. Les textes, soigneusement choisis par votre humble serviteur, ont été énoncés avec une énergie que décuplait la présence de la foule, alerte, prête à scander, à crier, à applaudir chaque tirade. Entrecoupées d’interventions toutes aussi pertinentes que professionnelles d’un Denis Trudel en grande forme, c’est une véritable ode au Québec français qu’ont offert Patrice Coquereau, Danielle Proulx, Dominique Pétin, Jean-Claude Germain et plusieurs autres artistes.
Le moment fort de l’événement fut sans aucun doute le discours du député péquiste Pierre Curzi, qui a littéralement soulevé la foule avec sa verve et son appel à l’action. S’il restait une dizaine de personnes assises après sa performance éblouissante, c’était beaucoup. M. Curzi, même s’il n’a pas encore explicité sur les moyens qu’il préconise pour sauver notre langue, a vertement dénoncé le recul du français et a exigé un engagement plus ferme pour défendre la langue commune des Québécois.
Biz, du groupe Loco Locass, a délivré un vibrant plaidoyer contre La Presse et ses éditorialistes mollassons, qui tentent de nous convaincre que tout va bien Madame la marquise pendant que tous les signaux de l’usine nucléaire de notre identité sont virés au rouge. « Levez la main ceux qui sont abonnés à La Presse, a-t-il demandé. Quelques mains se sont levées. Demain matin, vous allez vous désabonner. Nous ne devons pas financer nos ennemis! » Étrange tout de même comment l’histoire se répète, alors qu’Olivar Asselin, dont plusieurs citations ont été utilisées pendant le spectacle, traitait déjà La Presse de « putain de la rue Saint-Jacques » il y a déjà un siècle. « Vous voulez lire le journal, achetez Le Devoir » a ajouté Biz, devant la foule en délire.
Seules ombres au tableau, quelques radicaux ont hué Françoise David, de Québec Solidaire, alors que celle-ci a pourtant été la seule politicienne à parler clairement d’indépendance, ce que n’ont fait ni Curzi, ni Gilles Duceppe, qui a livré, lui, un discours correct, mais sans plus. Denis Trudel a rapidement calmé le jeu: « Nous sommes tous du même côté ici ». Voilà qui avait le mérite d’être clair, ce qu’ont confirmé les applaudissements nourris des spectateurs et l’ovation qu’ils ont réservé à Mme. David à la fin de son discours. Ce sont les mêmes individus qui avaient conspué David qui ont ensuite applaudi chaudement un certain orateur qui, nonchalamment, a lu ses textes avec les mains dans les poches.
Ceci dit, ce serait manquer de respect à l’événement que de se concentrer sur la poussière dans les coins. Ce fut un rassemblement majeur, poétique, lyrique, avec l’appui d’extraits visuels percutants et une déclaration commune, lue par une Danielle Proulx devant une cinquantaine de représentants de la société civile, à la fin, qui saura coucher les barrières et réunir l’ensemble des citoyens pour une cause qui leur est chère: la défense de notre langue commune.
Dans l’histoire des grands événements du Québec français du début du vingt-unième siècle, celui-ci s’imposera comme un tournant, peut-être comme le moment où les Québécois ont cessé d’avoir peur et de se sentir coupables et où ils ont réalisé que c’est en s’unissant, malgré nos différends quant aux moyens, qu’on pourra atteindre l’objectif de protéger notre langue et d’assurer, ainsi, la continuité de l’existence du peuple québécois et sa contribution à l’enrichissement de la diversité humaine.
La balle est maintenant dans le camp de la ministre St-Pierre. Elle doit la frapper avec force, et sans hésitation.
C’est ce que le peuple québécois demande. C’est elle qui l’a affirmé.