Sites web unilingues anglophones : les détaillants toujours hors-la-loi

Article de Marie-Ève Fournier paru dans Rue Frontenac.com le 3 juillet 2010.

L’Office québécois de la langue française (OQLF) affirme qu’il « essaie de traiter les dossiers dans les 12 mois », ce qui lui parait être un délai raisonnable. « Le traitement des plaintes ne semble pas très efficace, dit le comédien et nouveau porte-parole du Mouvement Montréal français, Denis Trudel. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce n’est pas très rapide ». Estimant qu’il n’est pas normal que la loi 101 soit aussi souvent bafouée, et dénonçant l’inertie du gouvernement Charest en matière d’application de la Charte, le Mouvement Montréal français a lancé en juin un concours de plaintes : http://montrealfrancais.info/concours_citoyens_pour_le_francais

Combien de temps faut-il pour traduire en français le site internet d’un détaillant ? Des semaines, des mois, des saisons ? En octobre dernier, Rue Frontenac révélait que les sites web de plusieurs commerçants ayant pignon sur rue à Montréal étaient unilingues anglophone, ce qui contrevient à la loi 101. Or, presque 9 mois plus tard, à peu près rien n’a bougé, même si l’Office québécois de la langue française s’en est mêlé.

Les détaillants que nous avions pointé étaient Forever 21, American Eagle Outfitters, StyleXchange, Urban Outfitters, Club Monaco, DKNY et Sephora.
« Pour la plupart, des démarches ont été entamées. La seule entreprise pour laquelle nous n’avons pas entrepris de démarches est DKNY. Votre article a suscité des plaintes. C’est plus facile pour nous d’agir quand nous avons des plaines», fait savoir le porte-parole de l’OQLF, Martin Bergeron.
Malgré tout, neuf mois plus tard, les sites de Forever 21, American Eagle Outfitters, et Club Monaco demeurent exclusivement accessibles dans la langue de Shakespeare. Et la Mecque française des cosmétiques Sephora dirige toujours ses clientes canadiennes vers son site américain, in English only, il va sans dire. Une situation qui n’est pas jugée « acceptable » par l’Office.

Le géant français des cosmétiques Sephora dirige encore ses clientes canadiennes vers son site web américain. Pour sa part, le détaillant montréalais StyleXchange a fait des efforts en ajoutant très récemment la mention « Vous préférez voir cette page en français ? Cliquez ici ». Mais la version française du site est loin d’être au point avec ses onglets « on sale », « what’s new » et « on demand », et les expressions « add to cart » et « free shipping », notamment, qui n’ont pas été traduits.

12 mois pour traiter les plaintes

Urban Outfitters a pour sa part opté pour une solution étonnante. Les Québécois atterrissent sur une page d’accueil ne comprenant que les adresses de ses magasins. Impossible « d’entrer » dans le site en cliquant sur un quelconque hyperlien. « Ça respecte la charte mais ce n’est pas une solution idéale, ni pour le consommateur, ni pour l’entreprise car elle ne peut plus faire la promotion de sa marchandise. Mais c’est son choix », résume M. Bergeron.
L’Office québécois de la langue française (OQLF) affirme qu’il « essaie de traiter les dossiers dans les 12 mois », ce qui lui parait être un délai raisonnable. Pour les grandes entreprises internationales, « ça peut arriver que ce soit plus long ». En somme, si une entreprise montre sa bonne foi dans le processus de traduction, l’OQLF fait preuve de patience au lieu d’amener le dossier devant les tribunaux.
« Le traitement des plaintes ne semble pas très efficace, dit le comédien et nouveau porte-parole du Mouvement Montréal français, Denis Trudel. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce n’est pas très rapide ».
L’an dernier 1,4 % des dossiers se sont rendus dans le bureau du procureur général, c’est-à-dire 37 sur 2643. Bon an mal an, sur les 2500 à 3000 plaintes reçues par l’Office, entre 10 et 12 % concernent la langue sur le web.

Concours de plaintes

Estimant qu’il n’est pas normal que la loi 101 soit aussi souvent bafouée, et dénonçant l’inertie du gouvernement Charest en matière d’application de la Charte, le Mouvement Montréal français a lancé en juin un concours de plaintes visant principalement l’affichage.
« C’est simple : vous vous promenez avec un appareil numérique, vous prenez des photos et vous venez sur notre site », résume Denis Trudel. L’idée est surtout de faire prendre conscience à la population que « notre culture est menacée [et qu’il] faut agir ».
« L’Office, on se demande ce qu’ils font. Il faut porter plainte, pourtant c’est une loi ! Si je vois un vol de banque, est-ce qu’ils vont attendre que je porte plainte pour faire quelque chose ? »
Quelques prix tels que des livres et des billets de spectacle seront offerts aux gagnants, un geste qui se veut surtout symbolique.

Voir dans le site Rue Frontenac