Michel Girard | Journal de Montréal
Sommes-nous imbéciles en matière d’octrois de contrats publics ? Nos gouvernements de Québec et d’Ottawa nuisent à nos entreprises lorsqu’ils refusent d’exiger un minimum de contenu local dans les appels d’offres publics.
Un « bel » exemple dans le transport en commun.
Notamment après la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) qui a décidé d’acheter de la multinationale française Alstom des trains fabriqués en Inde pour son REM, et après l’Agence métropolitaine de transport (AMT) qui a choisi de commander 24 nouvelles voitures de train à la China Railway Rolling Stock Corporation…, voilà maintenant VIA Rail qui s’apprête à accorder à l’allemande Siemens un contrat de 1 milliard de dollars pour acquérir 32 trains pour le corridor Windsor-Québec.
Trois contrats
Il s’agit donc ici de trois contrats majeurs dans le transport public, payés à même nos taxes, nos impôts ou nos épargnes. Trois contrats que « nos » dirigeants publics préfèrent accorder à des sociétés étrangères, tout en sachant pertinemment que lesdits contrats seront réalisés par des travailleurs étrangers. Trois contrats… avec ZÉRO retombée économique pour le Québec et le Canada.
Pire encore : trois contrats « étrangers » qui enlèvent le pain de la bouche aux employés de La Pocatière de Bombardier Transport. Une filiale de Bombardier où la Caisse a injecté 2 milliards de dollars à même l’épargne des Québécois et dont « nous » détenons 30 % de ladite filiale.
Que l’on critique certaines décisions de la direction de Bombardier c’est une chose… Mais que nos gouvernements n’aient pas le réflexe de protéger les travailleurs d’ici lorsqu’ils accordent des contrats publics, c’est… aberrant.
Aberrant d’entendre Michael Sabia (patron de la Caisse) et Christian Dubé (ex-vice président de la Caisse et aujourd’hui président du Conseil du trésor dans le gouvernement Legault) défendre les trains indiens du REM
Aberrant d’avoir vu Philippe Couillard baisser les bras devant la décision de la Caisse de ne pas inclure un minimum de contenu local dans les trains du REM.
Aberrant d’entendre le ministre des Transports Marc Garneau dire à propos du contrat de VIA Rail : « Comme vous savez, nos engagements vis-à-vis nos traités de libre-échange avec l’Europe et autres pays ne nous permettent pas de favoriser ou d’allouer un certain pourcentage avec les compagnies canadiennes. », comme s’il voulait s’en laver les mains.
Imitons les autres pays
J’inviterais Justin Trudeau, son ministre Marc Garneau, les dirigeants de VIA Rail, de la Caisse de dépôt et de l’AMT à scruter à la loupe les exigences de contenu local que plusieurs pays imposent dans les projets de transport public. Cela leur fera prendre conscience qu’il est ridicule de n’exiger aucun minimum de contenu local.
Voici quelques exemples de contenu local en transport public.
- Japon : question de sécurité nationale, le Japon est complètement fermé aux sociétés étrangères.
- États-Unis : selon le Buy America, les composants fabriqués aux États-Unis doivent compter pour au moins 65 % des coûts totaux, y compris l’assemblage final aux États-Unis. Ce pourcentage grimpera à 70 % à compter de 2020.
- Chine : 70 à 90 % de l’équipement ferroviaire doit être fabriqué en Chine. Les sociétés étrangères doivent créer une coentreprise avec les sociétés chinoises pour pouvoir soumissionner.
- Europe : la mise en place de diverses exigences a pour résultat que la grande majorité des contrats sont accordés à des entreprises locales ou étrangères qui ont une main-d’œuvre et des installations locales.
Cela dit, pour justifier l’octroi du contrat de VIA Rail à Siemens, le ministre Garneau évoque la contrainte imposée par l’Accord économique et commercial global (AECG) conclu avec l’Union européenne. Cet accord autorise l’exigence de contenu canadien de 25 % dans les projets de transport public octroyés par Québec et l’Ontario, mais pas par le gouvernement fédéral. C’est carrément une grave erreur de la part du gouvernement Trudeau d’avoir accepté cela.
Quand Bombardier Transport décroche un contrat en Europe, il est réalisé par ses usines européennes et non canadiennes. Pour réaliser le contrat de VIA Rail, l’allemande Siemens, elle, va faire appel à son usine californienne…
Ça suffit de passer pour le dindon de la farce !