Stratégie nationale de construction navale : Le Québec privé de plus de 20 milliards

Claude Béland | La Presse
Président du Mouvement Desjardins de 1987 à 2000

 

Lorsque le Québec se réveillera et réalisera l’ampleur de l’injustice dont il est victime en matière d’attribution des contrats pour le renouvellement de la flotte de la Marine et de la Garde côtière canadienne, les murs de la Chambre des communes trembleront.

On ne prive pas impunément de milliards de dollars une des nations fondatrices de la fédération sans finir par en payer le prix politiquement.

Le Québec n’a reçu seulement que 1 % des milliards en contrats accordés à ce jour pour la construction des nouveaux navires du gouvernement fédéral alors que nous représentons près de 23 % des contribuables de ce pays. Cette stratégie dispose d’une enveloppe de plus de 100 milliards.

Quel est le bilan de cette Stratégie nationale de construction navale ?

75 milliards de contrats partagés entre les chantiers maritimes Irving (Halifax) et Seaspan (Vancouver) ;

Aucun navire livré à la Marine et à la Garde côtière après sept années d’existence ;

Un refus systématique de ces chantiers maritimes d’inclure Chantier Davie au sein de leur chaîne d’approvisionnement en dépit de leur incapacité chronique à livrer la marchandise ;

Une détérioration accélérée des navires qui résulte en un déficit chronique de la capacité d’une flotte fédérale qui rouille plus vite qu’elle ne peut être remplacée.

La détérioration de la flotte fédérale a atteint un point de non-retour en 2014 lorsque le moteur du NCSM Protecteur, le dernier navire ravitailleur, a pris feu.

La Marine canadienne se retrouvait alors en pleine crise, incapable de déployer ses frégates à l’international. Cette crise a permis au nouveau Chantier Davie de rendre incontournable son audacieuse proposition de conversion d’un navire-cargo allemand en un navire ravitailleur capable d’accomplir des missions humanitaires en tout genre partout dans le monde.

Prenons la mesure du MV Asterix, la seule réussite à ce jour de la Stratégie fédérale : 

Un navire salué par l’ensemble de nos partenaires au sein de l’OTAN ;

Le plus grand navire jamais livré à la Marine canadienne depuis plus de 20 ans en seulement 24 mois ;

Un navire réalisé au quart du prix (650 millions) des deux autres chantiers maritimes grâce à une chaîne d’approvisionnement québécoise ;

Un mode de financement, unique dans le monde de l’approvisionnement, qui a permis au chantier lévisien de financer entièrement ce projet auprès d’institutions financières internationales et d’Investissement Québec.

Ce navire ravitailleur réalisé par le nouveau Chantier Davie est devenu un symbole de la réussite québécoise à l’international. Que fait le gouvernement Trudeau à la suite de cette grande réalisation ? Il renverse les recommandations de ses comités de la Défense à la Chambre des communes et au Sénat, dominés par des représentants du Parti libéral du Canada, qui demandent formellement au gouvernement fédéral d’accorder un contrat au nouveau Chantier Davie pour la construction d’Obelix, le second navire ravitailleur de la classe Resolve.

Résultat : une explosion des coûts pour la construction de deux nouveaux navires ravitailleurs construits par le chantier maritime Seaspan, passant de 2,3 à 3,4 milliards (l’équivalent de cinq navires ravitailleurs construits par le nouveau Chantier Davie).

Par ses décisions et son inaction, le gouvernement Trudeau sanctionne et consacre une des pires injustices que le Québec a dû subir au cours des dernières années et qui entraîne actuellement la disparition d’une main-d’œuvre et d’un réseau de plus de 800 fournisseurs québécois parmi les plus performants en Amérique du Nord. Ce dossier, par sa symbolique, remet en question le pacte fédératif qui a fondé ce pays.

 

 

 

 

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