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Tendre l’autre joue

Texte de Christian Gagnon paru dans le journal Metro du 4 juillet 2011.

En prenant connaissance des réactions épidermiques provoquées par l’accueil plutôt froid qu’ont réservé bien des gens de Montréal et de Québec au duc et à la duchesse de Cambridge, il m’est venu l’envie de poser une question toute simple à tous ces indignés. En quelle année le Canada est-il devenu un pays indé­pendant? Est-ce au moment de la Confédération de 1867?

Sûrement pas, puisqu’à l’époque, Londres pouvait toujours légiférer afin de régir la vie politique canadienne. Est-ce alors en 1931, avec le Statut de Westminster qui retira au Parlement britannique le droit de dérogation sur les lois canadiennes? Ou est-ce en 1952, quand fut nommé le premier gouverneur-général né au Canada plutôt qu’au Royaume-Uni? Ne serait-ce pas en 1965, quand fut enfin adopté un drapeau canadien ne comportant pas un Union Jack britannique? Ou est-ce en 1980, lorsque le God Save The Queen cessa d’être l’hymne national du Canada? Ou encore, est-ce en 1982, quand la constitution du Canada ne fut plus une loi britannique?

Et alors, quelle que soit la bonne réponse, que fait donc encore Elizabeth II à la tête de l’État canadien ainsi que sur nos billets de banque, pièces de monnaie et timbres-postes? À tous ces Canadiens éblouis par la «nouvelle» monarchie britannique représentée par le joli minois de Kate Middleton, j’ai franchement envie de dire «Have a life, Canada!» Les défenseurs de cette visite de Kate et William ont reproché aux manifestants de ressasser de vieilles histoires comme la déportation des Acadiens en 1755, la Conquête de 1759, la répression des rébellions de 1837-38, la pendaison de Louis Riel en 1885 et l’abolition des écoles françaises du Canada anglais à partir de 1890.

Par contre, ils ne se sont pas privés de brandir la pré­ten­due générosité de l’Acte de Québec de 1774, qui donnait aux «Canadiens» (les vrais) le droit de protéger la langue française, le Droit civil et la religion catholique. Ils se gardent cependant de dire que ces largesses avaient pour principal objectif de convaincre les habitants de la province of Quebec de ne pas se joindre à l’imminente révolution américaine.

Les partisans de la monarchie constitu­tion­nelle canadienne sont également muets sur le fait que l’Acte d’Union de 1840 prit la direction inverse et eut ouvertement pour but l’assimilation des franco­phones. En tant que francophones d’Amérique à qui on demande d’être gentils avec le futur roi William pour ne pas mal paraître à l’étranger, n’y a-t-il pas des limites à tendre l’autre joue?

Lire le texte dans le journal Metro

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