Un moment de vérité

Conférence de presse du 2 février 2017 sur la Loi99

 

DISCOURS DU PRÉSIDENT GÉNÉRAL
SUR LA LOI 99

 

Chers compatriotes,

 

Nous sommes arrivés à un « moment de vérité »[1].

 

En plein 150e de la Confédération, le Canada, son Premier ministre et ses tribunaux ne pourront pas éviter cette fois, de répondre à une question toute simple, mais qui hante ce pays depuis toujours.

 

Le peuple québécois existe-t-il en droit, oui ou non ?

Sous-question : le peuple québécois a-t-il des droits, oui ou non ?

 

Si la réponse peut sembler évidente, il en est autrement dans l’esprit de certains qui s’affairent en ce moment même à achever juridiquement le peuple québécois devant les tribunaux.

 

Si bien qu’en cette année d’anniversaire pour le Canada, les Québécois seront convoqués non pas à un, mais à deux grands partys.

 

Tout d’abord, il y aura bien sûr le party à 500 millions commandité par monsieur Trudeau pour nous faire croire à certains faits alternatifs sur la véritable nature du Canada.

 

Puis, nous aurons droit à un authentique party de sous-sol, avec chips Lay’s et Canada Dry, le genre de party plate mais auquel on n’a pas le choix d’assister… Et alors, la valse des unifoliés fera place à une danse macabre sur le rythme endiablé de la constitution. Je vous garantis qu’on aura hâte d’en sortir à la fin de la soirée.

 

Pour le dire autrement, chers amis, le fruit est mûr. – S’il n’est pas déjà pourri. Ce fameux fruit est sur le point de tomber au pied de son arbre, le « living tree », cet arbre supposément vivant et évolutif qu’était censée être la constitution canadienne, pour reprendre une célèbre métaphore du Comité judiciaire du Conseil privé de Londres.

 

C’est Ottawa lui-même qui a décidé de secouer l’arbre, lui qui pourtant, nous répète sans cesse, comme pour faire diversion, que le débat sur la constitution serait dépassé, qu’il ne sert à rien de ressasser des vieilles chicanes, que la question nationale ne serait pas une « vraie affaire », bref qu’il faut se taire et s’occuper d’économie, par exemple…

 

Foutaise ! Hypocrisie ! Au moment même où il dit ça, Ottawa travaille en catimini à mettre en œuvre son propre agenda constitutionnel contre les intérêts du Québec, contre les droits fondamentaux du peuple québécois, en usant pour ce faire de toute l’autorité d’une constitution que nous n’avons jamais signée. Surtout depuis la grande frousse qu’il a eue en 1995, Ottawa sait bien que la question constitutionnelle est une vraie vraie affaire. Cette affaire, il la prend très au sérieux, contrairement, hélas, à la plupart de nos élus québécois. À nous maintenant d’en prendre acte.

 

Aujourd’hui comme depuis 1867, le Canada est toujours demeuré allergique à la simple idée qu’il existât ici un peuple nommé Québec. Pourtant, me direz-vous, nous sommes là ! Nous sommes bien vivants… Et comme disait René Lévesque, c’est même «extraordinairement perceptible».

 

Or, bien évidemment que le peuple québécois existe ! Dans les faits, du moins. Mais en droit?..

Ho, même à Ottawa, il arrive qu’on se résigne, le plus souvent par lassitude ou du bout des lèvres, à admettre l’évidence, comme lorsque la Chambre des Communes a adopté en 2006 une résolution alambiquée sur l’existence de la nation québécoise… Cependant, lorsqu’il s’agit de traduire cette évidence en droit(s), c’est une toute autre histoire.

 

Depuis les débuts de la Confédération, les innombrables rondes de tournage en rond constitutionnel et les revers successifs essuyés par le Québec à la Cour suprême ne manquent pas de nous le rappeler.

Autant d’événements qui ont achevé de désillusionner ceux qui, dans la « belle province », entretenaient encore jusqu’à récemment « une certaine idée » québécoise du Canada. Le biculturalisme, les deux peuples fondateurs, le droit de véto, les « sièges-en-jeu-pour-du-changement », l’espoir de la reconnaissance d’un statut particulier pour le Québec, la société distincte, la vieille aspiration pan-canadianiste à la Henri Bourassa, le confédéralisme, le bilinguisme coast-to-coast, et j’en passe…

 

Autant le dire. Tout cela est mort. Mort et enterré. «Eliminado, terminado, finito, kaput», pour citer Stéphane Dion.

 

Le peu d’espoir constitutionnel qui, d’aventure, oserait encore gigoter, dégage une drôle d’odeur de putréfaction sur des kilomètres à la ronde. Mais, apparemment, la mort constitutionnelle du Québec fédéraliste ne suffisait pas à satisfaire les ambitions ténébreuses de certains inconditionnels du Canada. Il leur fallait finir la «job», en s’acharnant sur le restant de dignité juridique que peut encore invoquer le peuple québécois, c’est-à-dire la Loi 99, dite sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec.

 

Aux côtés de l’ancien chef du Parti Égalité, Keith Henderson, le gouvernement canadien demande à des juges nommés par lui de neutraliser cette loi qui compte parmi les plus fondamentales jamais décrétées par le Parlement du Québec.

 

Après les échecs successifs de Meech et Charlottetown, la Loi 99 se veut en quelque sorte, le dernier refuge législatif disponible pour une reconnaissance minimale du statut national du Québec… Le Canada ayant toujours refusé de nous reconnaître formellement comme peuple, hé bien nous l’avons fait nous-mêmes, à travers cette Loi. Or, même cela, le Canada ne peut le tolérer ; ce Canada qui semble ouvert à toutes les diversités sauf la diversité québécoise… En particulier, il ne tolère pas que la Loi 99 réitère que seul le peuple québécois est maître de son avenir et que la manière de se prononcer sur son avenir lui appartient en propre. Il ne tolère pas non plus que la Loi 99 réaffirme la règle pourtant classique et universelle, digne du fair play anglais, voulant qu’un référendum, ça se gagne à 50% plus une voix.

 

En promulguant cette loi en l’an 2000, le Québec s’est montré grand. Le Québec s’est montré digne. Le Québec s’est montré fier. Surtout, il a su se tenir debout face au zèle antidémocratique des Dion et Chrétien de ce monde qui s’étaient complètement déshonorés, quelques mois plus tôt à Ottawa, en faisant adopter l’inqualifiable Loi C-20 sur la clarté référendaire.

 

La Loi 99, c’était donc une façon intelligente de répondre à C-20. Une sorte d’antidote à cet héritage empoisonné que nous a laissé Stéphane Dion. Mais, malheureusement, à l’heure où on se parle, cet antidote, certains font tout pour nous l’enlever !

 

Tel qu’évoqué plus tôt, le gouvernement canadien lui-même y travaille avec ténacité. Le 16 octobre 2013, il a exercé son choix de se joindre à la contestation judiciaire de la loi 99. À peine une semaine plus tard, le 23 octobre 2013, l’Assemblée nationale a répliqué en adoptant une résolution unanime pour dénoncer cette ingérence du Canada dans la démocratie québécoise, mais aussi pour réaffirmer et proclamer à nouveau les principes phare de la Loi 99, en réclamant d’Ottawa qu’il se retire sans attendre de ce dossier, lequel sera d’ailleurs entendu très bientôt, soit du 20 au 28 mars 2017.

 

Mais, comme le veut la coutume, la volonté du Québec, – même unanime, Ottawa n’a pas voulu l’entendre. Il a préféré faire fi du message pourtant clair et unitaire exprimé par les parlementaires québécois… D’où la nécessité, en pareilles circonstances, de monter graduellement le ton. Question de dignité, la pétition parrainée par le député fédéral de Terrebonne, Michel Boudrias, et que nous avons lancée le 17 janvier dernier ; cette pétition se veut une manière de signifier au gouvernement canadien qu’il y a des limites à cracher au visage des Québécoises et Québécois. Pour en apprendre davantage à ce sujet et pour signer la pétition, rendez-vous à l’adresse Loi99.com.

 

En plein 150e du Dominion, le Québec ne doit pas se laisser injurier de la sorte ! En pareilles circonstances, l’Histoire elle-même ne nous donne pas le choix de répliquer avec la même unanimité, et de faire valoir fermement et sans compromis les intérêts du Québec.

 

LA SSJB DE RETOUR DANS L’HISTOIRE

 

Parlant d’histoire, cela fait près de 183 ans que la Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB) de Montréal agit comme chef de file du mouvement citoyen pour l’avancement de notre combat national. Pendant tout ce temps, elle est restée là, solide comme le roc. Elle a veillé au grain, elle a mené des campagnes extraordinaires et généré de l’avancement collectif, toujours en restant fidèle à son mandat historique en tant que première Société nationale, en tant que mère et centre de gravité de ce mouvement, véritable ministère du combat civique et patriotique au Québec. Ce mandat, cette mission fondamentale, consiste essentiellement à rappeler inlassablement à nos élus, à nos élites, à nos gouvernants, qu’on existe, et parfois jusqu’à leur botter le derrière s’il le faut, pour bien signifier qu’il y a ici un peuple, et que ce peuple peut, doit, mérite de vivre et de s’émanciper. Surtout, que ce peuple vivra, qu’il s’émancipera, cela est inexorable, parce qu’il ne s’agit pas seulement pour lui de survivre, mais d’accoucher de lui-même pour parachever cette grande aventure de quatre siècles qui nous rend si « entêtés d’avenir ».

 

Et lorsqu’il ne suffisait plus de botter des derrières, lorsque nos autorités publiques ne pouvaient ou ne voulaient pas faire leur job comme il se doit, il est parfois arrivé que la Société décide de prendre elle-même le taureau par les cornes. Ce fut le cas, par exemple, lorsque les impératifs de l’histoire nous ont amené à susciter la création de la première école technique, de la première école de théâtre, de la première école des Beaux-Arts, de la Chambre de commerce de Montréal, des HEC, des premières caisses d’épargne, des premières mutuelles d’assurance-vie, de la société nationale de fiducie, du premier mouvement féministe francophone, du Prêt d’honneur (ancêtre des Prêts et bourses), du Mouvement Québec français, de grandes commémorations nationales, de grands monuments, de grands rassemblements historiques, et j’en passe…

 

LES RAISONS D’INTERVENIR

 

C’est aussi le cas dans le dossier qui nous occupe aujourd’hui.

 

Ce qui nous a poussés à intervenir en Cour supérieure dans cette affaire de la Loi 99, c’est la position faible, qu’y fait valoir en défense le gouvernement du Québec, cela dit avec égards. Et quand je parle du gouvernement du Québec, je ne vise aucune formation politique en particulier, surtout que c’est sous le gouvernement de madame Marois qu’a été produite la défense de la Procureure générale du Québec.

 

En résumé, ce que plaide le Québec au soutien de la validité de sa propre Loi 99, c’est essentiellement qu’elle ne voudrait rien dire juridiquement, qu’elle ne serait qu’un énoncé de principes déclaratoires. Et donc, rassurez-vous mesdames et messieurs du Canada, il n’y aurait pas à s’inquiéter de sa validité constitutionnelle… Cela revient en définitive à atténuer ou neutraliser la portée de la loi attaquée.

 

Pour ce qui est des deux autres parties, le requérant Henderson plaide au contraire que la Loi 99 dirait des choses constitutionnellement excessives. Ce pour quoi il demande à ce qu’elle soit invalidée.

 

Quant à la position du mis en cause le Canada, elle va comme suit : ou bien la Loi 99 ne veut rien dire en droit, ou bien elle dit des choses excessives.

 

On comprend que s’il n’en tenait que des plaidoyers des parties, la Loi 99 serait au mieux être neutralisée. Sa validité constitutionnelle ainsi confirmée, elle en sortirait néanmoins dépouillée de son contenu.

 

Or, la SSJB craint tout autant que la Loi 99 soit déclarée invalide (comme le demandent Henderson et, dans ses conclusions subsidiaires, le fédéral), qu’elle soit vidée de sa substance (comme le voudraient le Québec et a priori, le Canada).

 

Pourtant, en l’an 2000, ce n’est pas pour rien que l’Assemblée nationale a décidé de répondre par une loi québécoise à la Loi fédérale sur la clarté. Le législateur ne parle pas pour rien dire. Et en l’occurrence, la Loi 99 dit des choses en droit, et ces choses sont d’une importance capitale pour le peuple québécois.

 

Si l’Assemblée nationale avait préféré s’en tenir à des paroles, elle ne serait certainement pas passée aux Actes. Par exemple, les parlementaires québécois auraient très bien pu se contenter d’adopter une simple résolution, comme l’aurait d’ailleurs souhaité à l’époque le Parti libéral… Or, c’est à dessein qu’ils ont opté pour une réponse ferme ; une réponse législative à l’intimidation législative d’Ottawa.

 

En somme, pour la SSJB, il est faux de prétendre que la Loi 99 ne veut rien dire en droit, tout comme il est faux de lui faire dire des choses excessives qu’elle ne dit pas par ailleurs.

 

D’après nous, la Loi 99 veut dire quelque chose, et ce qu’elle dit n’est pas pour autant invalide constitutionnellement.

 

ARGUMENTS (RÉSUMÉ)

 

Si je vous dis que le peuple québécois « peut, en fait et en droit, disposer de lui-même », et qu’il est « titulaire des droits universellement reconnus en vertu du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes »…

 

Je dis rien ou je dis trop ?

 

Si je vous dis que le peuple québécois « a le droit inaliénable de choisir librement le régime politique et le statut juridique du Québec », et qu’il détermine « seul, par l’entremise des institutions politiques qui lui appartiennent en propre, les modalités d’exercice de ce droit »…

 

Je dis rien ou je dis trop ?

 

Si je vous dis qu’au terme d’un référendum, « l’option gagnante est celle qui obtient la majorité des votes déclarés valides, soit 50% de ces votes plus un vote »…

 

Je dis rien ou je dis trop ?

 

Si je vous dis que l’État du Québec tient sa légitimité de la volonté du peuple du Québec, et qu’« aucun autre parlement ou gouvernement ne peut réduire les pouvoirs, l’autorité, la souveraineté et la légitimité de l’Assemblée nationale ni contraindre la volonté démocratique du peuple québécois à disposer lui-même de son avenir »…

 

Je dis rien ou je dis trop ?

 

Ce que je viens d’énoncer, ce sont les dispositions de la Loi 99 contestées par Henderson.

 

Je répète que pour la SSJB, ces dispositions sont valides. Et non seulement sont-elles valides ; leur substance, leur portée, leurs effets sont bien réels et ne devraient être évacués pour rien au monde.

 

Plus précisément, la Société formule quatre arguments au soutien de sa position, que voici.

 

1)  sur le statut juridique du peuple québécois et les droits fondamentaux qui l’accompagnent

– la SSJB est la seule à alléguer que la Loi 99 cristallise en droit interne le statut juridique du peuple québécois, en le rendant formellement titulaire des droits des peuples à disposer d’eux-mêmes ;

 

– la SSJB est la seule à alléguer que ce faisant, la Loi 99 met en œuvre des droits universels ratifiés en droit interne par le Canada eu égard à l’autodétermination des peuples (Charte des Nations unies, Pacte relatif aux droits civils et politiques, etc.) ;

 

– la SSJB est la seule à alléguer que conséquemment, la Loi 99 se révèle plus que déclaratoire, en ce qu’elle lie le Québec et, ne serait-ce qu’incidemment, le Canada relativement à leurs engagements internationaux, ratifiés en droit interne par Ottawa ;

 

– la SSJB est la seule à considérer que le statut juridique et les droits fondamentaux du peuple québécois, tels que cristallisés et mis en œuvre par la Loi 99, ne sont pas « incompatibles » avec la Constitution du Canada… J’explique : l’art. 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 rend invalide toute loi qui serait « incompatible » avec elle. Or, nous plaidons qu’il faut interpréter le mot « incompatible » à la lumière d’un récent avis de la Cour suprême rendu dans le cadre du Renvoi relatif la Loi sur la Cour suprême, art. 5 et 6 2014 CSC 21, où les juges ont tenu explicitement compte, dans leur interprétation de la constitution, des caractéristiques culturelles distinctes des Québécois. Le fait de la différence québécoise a donc des incidences en droit qui sont désormais à considérer ;

 

2) sur le droit du Québec de chercher à réaliser la sécession

– la SSJB est seule à alléguer que la Loi 99 articule et sauvegarde le droit du Québec de chercher à réaliser la sécession, tel que reconnu explicitement par la Cour suprême au paragraphe 92 de son Avis sur le Renvoi relatif à la sécession du Québec [1998] 2 RCS 217 ;

 

3) sur la prérogative du Parlement du Québec de déterminer seul la manière dont le peuple peut choisir ou pétitionner en faveur de l’indépendance comme lors d’un référendum

– la SSJB est la seule à considérer qu’il relève des prérogatives exclusives du Parlement du Québec de déterminer seul les règles relatives à la tenue d’un référendum, comme le veut l’article 3 de la Loi 99, a) parce que le référendum se révèle comme une modulation moderne du pétitionnement dans la tradition constitutionnelle britannique, et b) parce qu’en vertu des conventions constitutionnelles, un parlement ou une législature a le pouvoir de déterminer seul les règles relatives à la manière dont le peuple peut pétitionner ou « com-pétitionner », comme lors d’un référendum. Suivant cette logique, on pourrait traduire en ces termes l’article 4 de la Loi 99 : en matière référendaire, pour que le peuple québécois puisse être considéré comme ayant « pétitionné » en faveur d’une option, et donc que cette option soit déclarée « gagnante », il faut que celle-ci ait obtenu la majorité des votes valides, soit 50% de ces votes plus un vote ;

 

4) sur la validité constitutionnelle du 50% plus un

– la SSJB est la seule, enfin, à démontrer en droit que la règle de la majorité référendaire de 50% plus un vote, se révèle conforme à l’exigence qualitative de clarté formulée par la Cour suprême dans le Renvoi relatif à la sécession, précité, quant aux résultats d’un référendum, notamment parce que cette règle est assortie des garanties et des hauts standards de la Loi québécoise sur la consultation populaire, en termes de « clarté » démocratique ;

 

CONCLUSION

 

Nous avions également formulé un argument assez poussé en droit international public, au sujet du droit de sécession à la lumière de l’avis rendu en 2010 par la Cour internationale de justice sur la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo, mais comme les autres parties avaient convenu de ne pas aborder cette dimension, nous avons accepté de renoncer à cet argument, lequel n’était que subsidiaire.

 

La Loi 99 est un acte politique majeur par lequel nous nous sommes reconnus peuple et État. Quand on y pense, c’est peut-être la loi la plus importante de toute l’histoire du Québec. Or, il est affligeant de constater qu’aucun gouvernement ni aucun parti n’en ait jamais vraiment fait la promotion ni la pédagogie. Dans ce contexte, comment s’étonner que jusqu’ici, le présent litige soit passé presque complètement sous le radar médiatique ?

 

Pourtant, s’il fallait que des pans entiers de notre Loi 99 tombent ou soient vidés de leur substance, ce serait là une nouvelle injustice historique pour le peuple québécois.

 

L’objectif de l’intervention judiciaire de la SSJB consiste à préserver la valeur et la portée de cette loi fondamentale, tout en sachant bien que le combat pour l’émancipation du peuple québécois, ultimement, n’est pas une question juridique, mais un enjeu politique.

 

Toujours est-il qu’à l’aube du 150e anniversaire de la promulgation par Westminster du British North America Act, cette cause est à même de ramener la question nationale dans l’actualité. Il faut dire que le juridique n’est pas entièrement étranger au politique.

 

En ce sens, je crois qu’il revient à monsieur Trudeau lui-même de répondre des actes du gouvernement du Canada dans ce dossier, et plus précisément de répondre à la question : le peuple québécois existe-t-il en droit, oui ou non ? J’ose croire que sur la colline parlementaire, un ou une journaliste lui posera cette question, qui résonne en même temps comme un défi, un test pour Ottawa.

 

Quant au Premier ministre Couillard, qui a affirmé qu’il souhaitait rouvrir la discussion constitutionnelle, il ne pourra pas faire l’économie du débat entourant le statut juridique du peuple québécois. Du reste, la balle est maintenant dans le camp fédéraliste. Les partisans du Canada auront le fardeau de démontrer que le Québec peut encore ressusciter de sa mort constitutionnelle. Je leur souhaite bonne chance en soulignant à gros traits que je n’y crois pas un instant.

 

Enfin, notons qu’au moment de son retrait de la vie politique, Lucien Bouchard, qui était Premier ministre lors de l’adoption de la Loi 99, avait déploré que les Québécois n’aient pas réagi plus fermement à l’adoption par Ottawa de son inique Loi sur la clarté… Il aurait voulu que sa Loi 99, aujourd’hui attaquée, soulève davantage les passions. Or, voici une rare occasion de raviver ce débat, de même que notre lucidité collective quant à l’avenir politique du Québec, – cette vraie vraie affaire.

 

Une occasion aussi pour monsieur Bouchard lui-même de sortir de sa réserve.

 

Nous voilà donc en 2017, année du 150e du Canada, faisant face à une nouvelle tentative de nous réduire à néant, mais comme le chantent si bien les Loco Locass, « allons-nous mourir en nains quand nous sommes nés Géants » ?

 

Signature Maxime Laporte

Me Maxime Laporte
Président général
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal

 

 

 

[1] Expression empruntée au chroniqueur du Devoir Michel David dans son éditorial du 12 septembre 2016  [ Voir en ligne ]