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Un terrorisme acceptable au Canada?

 

 

Alors que la sentence du meurtrier et extrémiste fédéraliste Richard Bain devrait être rendue aujourd’hui, nous tenons à joindre notre voix aux trop rares commentateurs qui ont voulu lever le tabou sur les déterminants sociopolitiques à l’origine de ce terrible événement.
En examinant sérieusement le contexte de l’attentat du 4 septembre 2012 au Métropolis, de nombreuses questions nous viennent à l’esprit. Depuis très, très longtemps, dans les médias anglophones du Québec et du Canada, les législations linguistiques et le mouvement indépendantiste sont généralement dépeints comme des menaces aux droits de la «minorité» anglophone. Vouloir faire du Québec un pays français sur ce continent à 90% anglophone, ce serait flirter avec tout ce qu’il y a de plus vil dans la nature humaine: xénophobie, intolérance, anglophobie, nazisme, stalinisme… Alors qu’on sait bien qu’il s’agit d’un mouvement éminemment pacifiste, démocratique, humaniste.
Ce discours tordu entretient chez plusieurs Anglo-Québécois une vision persécutoire d’eux-mêmes: ils seraient des «victimes», des «opprimés» du Québec moderne, peu importe si les faits révèlent une réalité fort différente. Cette propagande s’accompagne de fréquentes manifestations inacceptables de haine, de peur et d’intolérance notamment sur les réseaux sociaux, mais aussi dans les journaux imprimés et même parfois dans les lieux publics. Or, n’est-ce pas là une forme d’incitation à la haine, à la violence? Jusqu’à quel point cette incitation à la haine et ses manifestations, comme l’attentat politique meurtrier du Métropolis ayant visé les indépendantistes québécois, sont-ils tacitement acceptables au Canada?

 

584269-homme-arme-age-62-ans-350x234Au moment de son arrestation, Richard Henry Bain a crié: «Les Anglais se réveillent ! There’s gonna be fucking payback! It’s enough. Wanna make trouble». Les réactions haineuses ont aussitôt fusé sur Internet. Certains ont même ouvertement exprimé combien ils étaient déçus que le tireur ait raté son objectif, jusqu’à proférer de nouvelles menaces de mort.

Plusieurs «représentants» de la communauté anglophone ont quant à eux dénié tout lien de causalité entre l’attentat et les tensions sociopolitiques qui existent au Québec. Mais du même souffle, ils ne se sont pas gênés, curieusement, pour blâmer le Parti Québécois et la nouvelle Première ministre.

«Cet homme est un malade, on ne peut l’expliquer autrement. Cela dit, madame Marois en a froissé plusieurs, surtout avec son idée de faire passer des tests de français pour se porter candidat à une élection», a notamment déploré Peter Trent, maire de Westmount.

«Il y avait une grande anxiété dans la communauté, à cause des questions identitaires soulevées par madame Marois», a renchéri le chroniqueur Josh Freed.

La députée du Parti libéral du Canada Marlene Jennings a jeté de l’huile sur le feu dans une entrevue à la CBC: «Une part significative du message et de la campagne de madame Marois consistait à en appeler aux xénophobes».

La palme revient sans doute au National Post qui a publié un texte du criminel et ex-magnat de la presse Conrad Black, prophétisant déjà, dans un esprit de chantage, les menaces de récidive. En pleine page de ce journal, il déclarait que cet «excès de violence pourrait présager que le Québec ne peut pas continuer éternellement à agiter ses frustrations et à écraser les minorités culturelles», ou encore qu’irriter continuellement les représentants locaux du groupe dominant de langue anglaise en Amérique du Nord pourrait conduire à plus de violence…
Josée Legault a réagi aux propos de Black en ces termes: «On voit dans cet extrait jusqu’à quel extrême peut mener un discours de victimisation aussi complètement déconnecté de la réalité. (…) le tout combiné à un mépris profond pour un mouvement pourtant pacifique et démocratique.»
Au moment même où Madame Marois procédait à l’assermentation de ses ministres, la station anglophone CJAD a diffusé des extraits de l’entrevue donnée par Richard Bain pour faire valoir son point de vue politique partitionniste. L’attentateur a même bénéficié des services d’un porte-parole, Dan Sweeney, ancien employé des Services canadiens de renseignement et membre du PLC dans Westmount. Monsieur Sweeney a tout bonnement affirmé partager lui aussi les opinions partitionnistes de l’assassin.
Malgré les appels au calme ayant émané de quelques chroniqueurs et intervenants, à peu près aucune remise en question, aucune espèce de réflexion, ne s’est fait entendre du côté anglophone, le tout avec la bénédiction de la plupart des médias francophones bienpensants.
Après l’attentat du Métropolis, une campagne contre la québécophobie et la francophobie a été lancée à la faveur une déclaration signée par des milliers de citoyens et plus d’une centaine de personnalités québécoises. La réplique des médias anglophones fut cinglante et accompagnée de son lot habituel de commentaires dénigrants et haineux. CQFD…

Ce que la sociologue Maryse Potvin a décrit comme des dérapages racistes du Canada anglais envers le Québec se poursuit toujours. Il s’agit d’une tendance latente qui resurgit au gré des revendications pour le français, des campagnes indépendantistes ou de toute forme d’affirmation nationale. Qu’on pense aux menaces de mort subies par la mairesse de Longueuil, simplement parce qu’elle a réaffirmé que le français est la langue officielle de sa ville. Qu’on pense aux propos francophobes et haineux visant les Acadiens, publiés sur le site Internet de la CBC. On pourrait multiplier les exemples, ad nauseam.

Puisque rien n’a encore changé, il semble nécessaire de relancer la mobilisation citoyenne contre ce Québec bashing violent et pernicieux, en redoublant d’efforts pour susciter un réel débat public.

D’ici-là, d’aucuns seront justifiés de penser qu’il existe une forme de discrimination, voire de terrorisme acceptable dans ce Canada qui paraît ouvert à tout sauf au Québec français…

Cela, jusqu’au prochain débordement.

 

 

Mario Beaulieu,
député fédéral de La-Pointe-de-l’Ile et président du Bloc Québécois

 

Maxime Laporte,
Président général de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal
et auteur d’une étude sur le traitement médiatique de l’affaire Bain

 

 

 

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