Maryse Laurence Lewis | Le Patriote
Après avoir retiré de l’argent à un guichet automatique, j’aperçois la dernière édition de l’Aut’Journal. Et juste à côté, ô surprise! des exemplaires de Vers Demain , la publication des très catholiques Bérets Blancs. Ça faisait bien trente ans que je n’en avais pas entendu parler! Ils rééditent probablement les mêmes textes depuis 1939, mais leur article intitulé « Qui sont les vrais maîtres du monde? », qui débute à la page 15, vaut le plaisir d’être lu et partagé au plus grand nombre de gens possible, je vous l’assure. C’est l’histoire de la création des banques privées par les Rothschild et leur lien avec l’industrie de la guerre.
Lorsqu’on nous rabat les oreilles que les guerres sont profitables et que l’économie roule encore mieux avec des chars d’assaut, on élude un petit détail : l’argent abonde, oui, pour les politiciens véreux, les banquiers et les producteurs d’armes. Le peuple, lui, crève de faim ou paie l’impôt du sang, en plus de tous les autres.
Depuis quelques années, de petits partis à tendance modérée vers la gauche, et quelques individus, prônent le revenu de citoyenneté. On devrait être honnête et reconnaître que ce sont les Bérets Blancs ‒ et leur représentation politique sous la bannière Créditiste ‒, qui ont suggéré dès 1939 cette option. Les intellectuels se moquaient d’eux et les considéraient comme ignorant les complexités de la finance. Leur proposition d’un système de prêts sans intérêts n’a rien d’illogique. Si le Québec devenait indépendant, il ne le serait vraiment qu’à la condition d’imprimer son propre argent. Dépendre du Canada et de l’Angleterre pour la monnaie et les passeports s’avère un assujettissement consenti. On pourrait très facilement nous contrôler et faire paniquer la population, par des spéculations, des annonces de faux retraits de fortunes, comme en 1970. On a usé du même stratagème lorsque Salvador Allende fut élu au Chili. Les nantis ont retiré leur argent. Allende a élevé le salaire des citoyens, la population put acheter davantage, et l’économie se rétablir…
Je demande à ceux qui sont en faveur du revenu de citoyenneté de ne pas oublier que cela nécessite un changement de mentalité. Obtenir ce revenu ne garantirait pas à un itinérant d’être accepté par un propriétaire de logements. Avec la cupidité des politiciens qu’on remet sans cesse au pouvoir, si on assurait un revenu à chaque individu, les propriétaires de logements, de supermarchés, de transport privé ou collectif, s’empresseront d’augmenter leurs tarifs. Pour instituer un revenu de citoyenneté qui fonctionne, il faudrait en même temps modifier le système bancaire. En finir avec la promotion de l’endettement. On se moque des gens du « 450 » qui vivent en banlieue et tondent leur gazon. En métropole, on s’endette pour payer un «condo» à 250 000 dollars, sans terrain, le stationnement en sus, pour quatre pièces, des voisins agglutinés et des paiements pour toutes les réparations de l’édifice. Je ne vois pas en quoi on se sent fier de se faire arnaquer, en traînant une dette pendant vingtcinq ans, à de beaux taux d’intérêts.
La députée Brigitte Sansoucy, laquelle doit bien porter son nom, propose l’adoption Elle est la députée NPD de Saint-Hyacinthe—Bagot de la loi C-245. Son projet se résume ainsi : une page de description des individus qui sont pauvres ou le plus à risque de le devenir. Une autre page pour décrire son idée de créer un comité d’étude chargé de formuler une stratégie pour amoindrir la pauvreté. Et cinq pages pour décrire en détail les avantages dont jouiraient (en matière de salaire, de déplacements, d’hôtels, de transport…), pendant six ans, seize personnes nommées par le gouvernement ! Autrement dit, au lieu de cibler ses collègues fraudeurs, interdire les paradis fiscaux, taxer les grandes entreprises, madame Sansoucy souhaite dépenser l’argent des contribuables afin de payer seize bureaucrates pour élaborer pendant six ans une stratégie contre la pauvreté.
Pour réellement contrer la pauvreté, il faut réunir de l’argent au lieu d’en perdre et subventionner des services sociaux plutôt que les supprimer. Voici comment il serait possible de puiser des sommes considérables en toute légitimité :
1) Faire en sorte que le Canada ne soit plus un paradis fiscal pour les entreprises minières, au même titre que les îles Caïmans ou le Panama le sont pour d’autres secteurs;
2) Supprimer les paradis fiscaux qui permettent aux entreprises de placer des fonds qui ne sont pas utilisés pour leurs activités commerciales et leurs infrastructures (cette pratique a fait perdre un minimum de 71 milliards de dollars au Canada, en 2016)¹;
3) Rayer la loi qui fait en sorte que le conseiller en responsabilité fiscale des entreprises nommé par le gouvernement « n’entreprendra pas d’examens de sa propre initiative des activités d’une entreprise extractive canadienne, ne formulera pas de recommandations contraignantes, ni de recommandations de politique publique ou législative, n’établira pas de nouvelles normes de rendement, et n’agira pas comme médiateur officiel entre les parties »². Cela équivaut à conserver un poste totalement inutile qui permet aux entreprises minières d’enfreindre les normes environnementales, les droits des travailleurs, en ne payant presque pas d’impôts et de redevances, tout en menaçant de quitter le territoire, alors qu’elles ne sont pas en déficit et qu’elles bénéficient ici d’infrastructures et de subventions pour toutes les étapes de leur exploitation, auxquelles elles n’auraient pas accès dans des pays où le salaire des ouvriers est moindre;
4) Cesser de permettre le report d’impôts pour les entreprises. L’Organisation de Coopération et de Développement Économique a évalué une perte de 120 milliards $ par report d’impôts, au Canada, en 2008. Cela n’a pas cessé, car la part d’impôt acquittée par les entreprises est passée de 55 % à 16 % entre 1963 et 2016)³;
5) Empêcher les entreprises de déclarer un « déficit sur les profits anticipés » et les obliger à parler de déficit seulement lorsqu’il s’agit d’un réel endettement. Ce genre de déclaration doit être également interdite lorsqu’un secteur est moins rentable alors que tous les autres rapportent de grands bénéfices;
6) Abolir la possibilité que les présidents et directeurs d’entreprises et de banques puissent, en plus d’obtenir un salaire annuel de plusieurs millions de dollars, se voir octroyer une prime de départ de plusieurs centaines de milliers de dollars : les entreprises privées étant subventionnées par l’État devraient être assujetties à ses lois. Les employés municipaux ou gouvernementaux aussi, leurs salaires provenant des impôts prélevés aux citoyens (M. Applebaum a quitté la mairie avec 267 923 $ de prime, malgré son salaire et quatorze chefs d’accusations pour fraude et corruption);
7) Rendre équitable le paiement d’impôt entre les citoyens et les entreprises, le taux actuel exigé aux compagnies étant de 16 % seulement. Ce taux d’imposition est un des plus bas au monde, elles ne déménageraient pas pour autant et ne seraient aucunement menacées de faillite : leurs excédents ne servent pas majoritairement à améliorer leurs infrastructures ou créer des emplois, mais à augmenter les redevances aux actionnaires et aux gérants;
8) Juger les fraudeurs qui ont soutiré des fonds publics lors de leur mandat professionnel et les obliger à rembourser, comme on l’exige pour un citoyen qui a reçu de l’aide sociale ou de l’assurance chômage en trop;
9) Abolir le sénat et le poste de représentant de la royauté d’Angleterre, tradition désuète, rétrograde, antidémocratique, pour affirmer l’autonomie du Canada. Nous épargnerions plus d’un million de dollars pour le poste de représentation et 142 000 $ pour chaque poste de sénateur;
10) Rendre illégale la possibilité qu’un nouvel élu, au niveau municipal, provincial ou fédéral, puisse suspendre une Commission d’enquête ou un procès, concernant de près ou de loin des collègues politiques ou des responsables d’entreprises sous contrat avec l’État, lorsqu’il y a soupçon de fraude;
11) Cesser l’immunité diplomatique qui permet d’amnistier des fraudeurs qui occupent une charge politique;
12) Abaisser les sommes octroyées à l’achat de matériel militaire et d’armes s’élevant à 2,8 milliards de fonds en continu en 2016 et qui seront majorés d’année en année, car le Parti Libéral a entériné cette promesse. Si le Canada désire poursuivre sa mission de paix, cette résolution rend totalement farfelue cette affirmation. Nous pourrions répondre à tous nos besoins en santé, éducation et culture, et proposer à l’Organisation des Nations Unies de décréter qu’un pays sans armée autre que d’intervention en cas de sinistres ne peut être attaqué4;
13) Ne plus envoyer de soldats canadiens à l’étranger à la demande des États-Unis, de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord ou de l’Union Européenne (on a dépensé plus de 305 millions de $ en Irak en 2014; plus de 500 millions en Irak et Syrie en 2015, et ce sera au minimum 306 millions en 2016-174;
14) Geler le salaire des professionnels (médecins spécialistes, avocats, notaires, dentistes, vétérinaires), afin que leurs services deviennent accessibles;
15) Bannir la loi qui discrimine un travailleur qui quitte un emploi avec de bonnes justifications et auquel on refuse actuellement les prestations d’assurance emploi. Ne pas exiger un remboursement lorsqu’un agent d’aide sociale ou d’assurance emploi commet une erreur.
16) Interdire l’élévation du prix des loyers qui ont augmenté en quelques années à un taux surpassant de beaucoup le pourcentage permis, même lorsque des réparations ont été effectuées. Cesser la construction de condominiums pour lesquels la classe moyenne s’endette et subventionner les logements à prix modique;
17) Subventionner le coût du matériel scolaire pour les familles à faibles revenus, au niveau primaire et secondaire;
18) Abaisser le coût des frais de scolarité au cégep et à l’université, éventuellement atteindre la gratuité comme en Argentine et au Chili, en réduisant notamment le salaire effarant versé aux recteurs d’universités;
19) Au lieu d’utiliser des millions de dollars pour l’installation d’oeuvres d’art publiques, jamais choisies par la population, prendre cet argent pour entretenir les écoles et maintenir les services des Centres communautaires et culturels;
20) Interdire aux entreprises de charger un dollar pour l’envoi d’une facture par courrier ordinaire; abaisser le coût des transactions bancaires au guichet, ne pas exiger 25 $ pour obtenir un livret de chèques qui coûte moins de 50 cents à imprimer; bannir la possibilité qu’un dentiste réclame 75 $ lorsqu’un rendez- vous n’est pas annulé avant 24 heures; rendre l’accès à un dossier médical gratuit; abaisser le coût d’un changement d’adresse fait par des employés déjà payés pour ce travail; retirer à Hydro Québec le droit de facturer des « frais de service » avant même qu’une personne utilise son électricité. •••
Références :
1. « Une escroquerie légalisée, précis sur les paradis fiscaux », d’Alain Deneault, aux Éditions Écosociété, 2016.
2. « Des milliards d’investissements canadiens à la Barbade, sans échange d’information fiscale », article de Bahador Zabihiyan, publié le 11 avril 2016 sur le site Internet: ici.radiocanada.ca
3. « L’injuste part des grandes entreprises », article d’Alain Dumas, publié le 4 avril 2013 dans la Gazette de la Mauricie et repris sur Internet le 15 avril 2013 sur le site : Journalmobiles.com
4. Données prises sur Internet, directement sur le site dédié au budget fédéral, au chapitre consacré aux dépenses militaires à l’étranger et à la défense nationale.