Par Denise Proulx | Argent le 10 août 2012
La Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB) invite les intervenants des milieux économiques, culturels et les partis politiques québécois à s’opposer à l’acquisition d’Astral Media par Bell Canada (BCE).
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Même si le siège social de BCE se trouve officiellement à Montréal, les grandes orientations de l’entreprise se décident à l’extérieur du Québec, dénonce Mario Beaulieu, président de la SSJB.
«[Avec l’acquisition d’Astral Média] non seulement un autre siège social québécois va prendre la direction de Toronto, mais un grand nombre de chaînes spécialisées vont s’éloigner des sensibilités québécoises et être anglicisées», poursuit-il.
La SSJB invite ses 16 000 membres à signer la pétition lancée sur le site diresnonabell.ca. À ce jour, 8600 personnes ont écrit au gouvernement fédéral et 7700 autres ont signé la pétition. L’initiative a été créée, plus tôt cette semaine, par une coalition regroupant Cogeco Câble, Québecor et Eastlink. Ces entreprises s’opposent à la prise de contrôle d’Astral Media inc. par Bell Canada.
La SSJB a contacté le MÉDAC et elle entend élargir son appel à d’autres partenaires préoccupés de ne pas amoindrir l’économie liée à la culture. Option Consommateurs demande aussi au CRTC et au Bureau de la concurrence l’annulation de la transaction Astral-Bell.
Les artistes sont inquiets
Jeudi, l’Union des Artistes (UDA), l’Alliance québécoise des techniciens de l’image et du son (AQTIS), l’association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ) et la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (SARTEC) ont déposé un mémoire au CRTC. Ils exigent l’application d’un traitement particulier au milieu culturel francophone pour appuyer la transaction.
«Il y a un bon nombre d’exemples qui démontrent que trop de contrôle sur le marché peut avoir des effets néfastes pour les travailleurs», a mentionné Catherine Escojido, porte-parole de l’AQTIS.
Ils craignent que l’autorisation de la transaction n’aggrave la réduction des budgets pour les séries dramatiques et provoque la fin d’émissions jeunesse à la télévision généraliste commerciale.
«Nous appréhendons un transfert de responsabilités entourant la programmation des chaînes francophones d’Astral vers Toronto, qui éloignerait considérablement les producteurs, les créateurs et les artisans de langue française des prises de décision entourant les émissions originales francophones», précise Catherine Escojido.
D’autre part, V Interactions annonçait vendredi qu’elle ne s’opposera pas à l’achat d’Astral Média par Bell. Le réseau, appartenant à la famille Rémillard, est néanmoins inquiet par l’impact qu’entraînera la reconfiguration du marché télévisuel de langue française sur les télédiffuseurs privés indépendants.
Entre les mains du Bureau de la concurrence
Surpris que les opposants à la transaction aient pris autant de temps à se faire entendre, Yves Rabeau, professeur spécialisé en télécommunications à l’UQAM, ne croit pas que l’appel à la mobilisation contre la transaction Astral-Bell ait un effet d’influence sur les décisions prises par le CRTC et le Bureau de la concurrence.
«En mettant la main sur Astral Média, BCE fait l’acquisition d’unités très rentables. Le «cash flow» qu’elle en tirera pourrait faire une concurrence déloyale à d’autres acteurs comme Cogéco et Québecor. Mais ce n’est pas le CRTC qui aura le dernier mot, ce sera le Bureau de la concurrence», croit-il.
De son côté, dans un communiqué émis le 7 août dernier, la commissaire du Bureau de la concurrence, Melanie Aitken, écrivait que son organisme «est conscient que plusieurs préoccupations sérieuses ont été formulées par des acteurs du marché».
Invité à préciser sa pensée, le directeur des communications Greg Scott s’est voulu rassurant. «Nous analysons la transaction en ayant une vision nationale de l’industrie en général», a-t-il précisé.
La décision du Bureau de la concurrence devrait être connue d’ici quelques mois.